Campagne pour le référendum

L’UMP et le PS en situation délicate

22 mars 2005

À 10 semaines du scrutin référendaire, l’éventualité d’une victoire du “non” ravive les batailles internes et fait exploser les contradictions au sein de l’UMP et du PS. Ce dernier parti, où il est de nouveau question d’une candidature de Jospin à la présidentielle, est menacé d’implosion.

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Après son élection à l’Assemblée nationale, on attendait de voir quel serait le comportement de Nicolas Sarkozy : allait-il soutenir l’action du gouvernement ou bien jouer son jeu personnel ? Le président de l’UMP a émis jeudi des réserves sur les mesures gouvernementales d’encouragement à l’intéressement et à la participation. "L’intéressement et la participation, c’est d’abord de l’épargne, ce n’est pas du pouvoir d’achat. Cela ne veut pas dire que je suis contre. Mais l’intéressement et la participation ne sont pas le substitut du partage des profits", a-t-il fait savoir.
La bataille pour la présidentielle continue donc à imprégner toute la vie de l’UMP. Les deux présidentiables, Sarkozy et Chirac, se marquent à la culotte. Face à l’éventualité d’une victoire du “non”, aucun des deux ne souhaite assumer la responsabilité de la campagne référendaire. Le chef de l’État fait régulièrement annoncer qu’il prendra part à la bataille mais il se refuse toujours à le faire. François Bayrou qui souhaite que le chef de l’État s’implique, a estimé dimanche que Jacques Chirac devait s’engager "fortement" dans la campagne pour le référendum sur la Constitution européenne, avec "une adresse directe aux Français". Le calcul du président de l’UDF est simple : un échec du “oui” sera porté au crédit du président de la République, si ce dernier s’engage personnellement. Or, pour s’affirmer, François Bayrou a besoin que Jacques Chirac perde de la crédibilité.

François Hollande très critiqué

La situation n’est guère plus brillante au PS.
Si, officiellement, la réunion de ce week-end autour du projet socialiste s’est bien passée, les observateurs notent qu’en coulisses, les échanges ont été vifs.
Parmi tous les présidentiables socialistes, c’est le Premier secrétaire François Hollande qui concentre toutes les critiques. On lui reproche son incapacité à diriger et à louvoyer. Après avoir laissé entendre que Jean-Luc Mélenchon ne serait pas sanctionné, le dirigeant socialiste vient d’annoncer qu’une décision sera prise ces jours-ci contre le sénateur socialiste qui mène campagne pour le “non”.
François Hollande a accepté de poser en photo à côté de Nicolas Sarkozy dans le dernier numéro de “Paris-Match”. L’hebdomadaire parisien raconte : "Arrivés tous les deux avant 20 heures, François Hollande et Nicolas Sarkozy qui ont le même âge, 50 ans, se connaissent bien et profitent de l’occasion pour discuter en aparté. En coulisses, ils se font même rire l’un l’autre. Mais en public comme en privé, les deux chefs de parti ont l’art de n’être jamais d’accord sur rien, hormis la Constitution européenne. Ils l’ont montré au cours de cette rencontre, l’énarque Hollande et l’avocat Sarkozy se vouent une estime mutuelle".
Ces photos ont fait réagir nombre de socialistes.
Henri Emmanuelli y a vu la preuve de la collusion qu’ils dénoncent entre la direction du PS et l’UMP. "Personne ne fera croire à notre pays qu’Emmanuelli et Villiers pourront être sur la même page de couverture", a raillé le député des Landes.

Le retour de Jospin ?

Mais les critiques les plus sévères sont venues de Daniel Vaillant qui dans “France Soir”, le 11 mars, assène quelques vérités : "s’il y en a un qui peut faire la disjonction entre sanctionner Chirac ou le Traité constitutionnel, c’est bien lui. On ne peut pas le soupçonner d’avoir une faiblesse pour le président de la République. Ni une faiblesse personnelle, ni une faiblesse esthétique, ni une faiblesse tactique". Ce proche de Lionel Jospin accuse implicitement le Premier secrétaire d’avoir "une faiblesse" pour Jacques Chirac. Il en a profité pour rappeler que l’ancien Premier ministre pourrait faire un bon candidat en 2007, "parce qu’il est intellectuellement en pleine forme, et physiquement aussi".
Un jugement qui est conforté par un sondage BVA-Le Figaro-LCI qui indique qu’au sein de l’électorat, Lionel Jospin arrive en tête (24% de préférence) des présidentiables, suivi par Dominique Strauss-Kahn (20,1%), Jack Lang (19,6%) et enfin François Hollande : 16,8%. Les Français, dans leur ensemble, préfèrent Lang et Strauss-Kahn (18% pour les deux), puis Jospin (16%) et Hollande (13%).
Au vu de toutes ces péripéties, les observateurs se demandent si le PS ne finira pas par imploser.
Pour sa part, “le Monde” remet dans sa perspective historique le débat qui a lieu au sein du PS, et rappelle que la bataille entre une gauche radicale, sociale, et la gauche réformiste, électorale, est centenaire. "Entre la gauche protestataire et la gauche de gouvernement, celle qui privilégia, selon le concept de Léon Blum, "l’exercice du pouvoir" à sa conquête, le duel a été permanent".

J. M.


Un nouveau sondage donne le “non” gagnant

Après le sondage CSA publié vendredi dans “le Parisien”, un deuxième sondage, réalisé par IPSOS pour “le Figaro” et Europe 1, place le “non” en tête des intentions de vote des Français pour le référendum sur la Constitution européenne du 29 mai, avec 52% des voix contre 48% pour le “oui”. Selon cette enquête, réalisée les 18 et 19 mars, 52% des sondés ayant exprimé une intention de vote se disent disposés à voter “non” au nouveau Traité européen. Ils étaient 40% dans la précédente enquête des 4 et 5 mars. Les sondés sont 48% à vouloir voter “oui”. Ils étaient 60% lors de l’enquête réalisée début mars. Parmi les sympathisants de la gauche parlementaire, 45% sont désormais favorables au Traité, contre 54% début mars. Ils sont 55% à y être opposés, contre 46% début mars. Parmi les sympathisants PS, 55% sont favorables à la Constitution européenne, contre 62% au début du mois.


Retournement de veste

"Le "non" provoquerait une triple crise : en Europe, en France et au sein du PS. Un vrai cataclysme". L’auteur de ces propos n’est ni le Premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, ni l’ancien ministre des Finances, Dominique Strauss-Kahn. Non, il s’agit du député et maire d’Évry, Manuel Valls, qui, après avoir prôné le “non” à la Constitution européenne lors du référendum interne à son parti, a choisi finalement de faire campagne pour le “oui”. Un retournement de veste dont les mauvaises langues diront qu’il vise à un retour en grâce auprès de la Rue de Solférino, après une éjection sanction du Bureau national au lendemain d’une consultation militante révélant des socialistes peu enclins à s’engager en faveur de la Constitution Giscard. L’intéressé, bien-sûr, s’en défend. Parlant de "responsabilité", il pointe le risque de "désaveu des grandes formations" en cas de rejet du texte. À coups d’entretien au “Journal du dimanche” et de tribune dans “le Monde”, Manuel Valls s’échine à expliquer que "la victoire du "non" serait attribuée à un large front très largement marqué du sceau du rejet systématique de l’Europe et du réformisme". Manière de souligner la crise dans laquelle se trouvent plongés le modèle social-démocrate et son parti. On pourra cependant s’étonner de ce revirement qui intervient au moment où les sondages laissent entrevoir un retournement d’opinion en faveur du “non”, en particulier chez les militants socialistes. Un appel à préserver l’intérêt supérieur du parti qui n’est pas sans rappeler celui qui a permis au “oui” de l’emporter lors du référendum interne au PS.


Un “non” de combat en Belgique

Dans son édition de jeudi dernier, le quotidien belge “le Soir” publie une tribune collective des partisans du "non" en Belgique qui, malgré l’absence de référendum chez eux, ne désarment pas. "Dire "non" au Traité constitutionnel n’est qu’un premier pas, un pas nécessaire pour traduire en actes le slogan “Et maintenant, l’Europe sociale !”, pour construire ensemble une autre Europe, sociale, égalitaire, solidaire et pacifique. Ce “non de combat” est aussi le meilleur moyen de faire barrage à l’extrême droite. Nous appelons les représentants élus dans les différents Parlements(fédéral, communautaires, régionaux, dans l’architecture institutionnelle belge - NDLR) à refuser de ratifier ce projet de Traité constitutionnel. Nous appelons les citoyens à manifester avec nous, ce 19 mars, contre ce traité et pour une autre Europe". Au bas de ce texte, on trouve, entre autres, les signatures de George Debunne (ancien président de la FGTB et de la CES), de Jean-Maurice Dehousse (ex-vice-président du groupe socialiste au Parlement européen), de Riccardo Petrella (Forum mondial de l’eau), de Raoul-Marc Jennar (URFIG), de Francis Wégimont (secrétaire général de l’IRW-CGSP, la puissante fédération wallonne FGTB des services publics), de plusieurs parlementaires Écolo (Verts) et des dirigeants d’ATTAC de toutes les régions du pays.


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