Sommet des chefs d’État de l’Union européenne

L’Union européenne, victime de la politique américaine

8 février 2023, par Ary Yée-Chong-Tchi-Kan

Jeudi et vendredi, à Bruxelles, les chefs d’État de l’Union européenne vont débattre d’un « IRA européen » pour contrer « l’IRA américain ». De quoi s’agit-il ?

L’Inflation Reduction Act est un plan de Biden doté de 430 milliards de dollars pour financer l’implantation des industries vertes aux États-Unis et subventionner les consommateurs de ces produits domestiques, comme les voitures électriques et les panneaux photovoltaïques. Présenté comme le « plan climat américain », c’est une aubaine pour les défenseurs du « made of america » ou « make America first again » qui vantent les créations d’emplois massives et le retour des inventeurs. Les ingénieurs américains qui œuvrent pour des entreprises chinoises concurrentes sont menacés de perdre la nationalité américaine. C’est la guerre. C’est violent.

Les Européens ont eu un avant-goût, à Davos, le mois dernier. Dans ce chantre du libre échange, les Américains sont venus en force pour faire le service après vente de l’IRA, défendre leurs politiques protectionnistes. Le Ministre du Travail de Biden, Martin Walsh, a délivré ce message : « L’IRA va permettre aux États-Unis de mener en tête la transition énergétique et de créer des emplois bien payés et qualifiés ». Larry Fink, le plus gros gestionnaire de fonds spéculatifs, éclaire les aveugles : « les entreprises du monde entier ont le regard tourné vers les États-Unis ». Si une entreprise européenne ou une banque veut contrecarrer leurs initiatives, un simple procureur américain peut faire appel à l’extra-territorialité de la juridiction nationale américaine. Par exemple, le patron d’Alstom a été emprisonné durant un an jusqu’à ce que le gouvernement français concède la vente de la branche énergie à General Electric. C’est la guerre. C’est violent.

Non seulement les Européens ne disposent pas d’une force de frappe équivalente au budget américain, mais ils se sont mis sous la dépendance énergétique et idéologique américaine. La semaine dernière, Mme Nullan a révélé que l’administration de Biden est satisfaite que les gazoducs Nordstream 1 et 2 ne sont plus utilisables. Bruno Lemaire reprend la sémantique de l’IRA pour riposter à l’IRA, sans comprendre ce qui lui arrive.

En effet, le 15 décembre 2015, à la COP21, le monde entier adopte le Traité de Paris sur le climat. Le 3 septembre 2016, Xi Jinping et Obama remettent au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon, le document de ratification du Traité. Le lendemain, sous la pression de l’événement, le programme du G20 a pris une nouvelle tournure. Le 4 novembre 2016, après d’autres adhésions, le Traité de Paris entre en vigueur car il a obtenu une majorité qualifiée. Jamais un Traité universel de cette ampleur a pu entrer en vigueur en moins d’un an. Mais politiquement, l’Union européenne et la France avaient perdu l’avantage stratégique qu’ils disposaient à la COP21.

Dès lors, c’est le programme et sa vitesse d’exécution qui déterminent les standards de la nouvelle réalité. Quand Trump a rayé la signature climatique de son pays, l’Union européenne n’a pas profité du vide pour prendre la place et signer avec la Chine une coopération stratégique à long terme. Seul au fauteuil de leader, Xi Jinping appelle néanmoins à la coopération mondiale contre le « vent contraire » protectionniste. En août 2022, Biden, qu’on dit inspiré par Obama, vote l’IRA à 430 milliards. Bruno Lemaire, qui avait prévu de détruire l’économie russe, veut maintenant s’opposer aux Américains. Il n’a pas tiré les leçons du contrat des sous-marins australiens que les Américains ont chipé à la France. Biden avait juré de ne plus recommencer…

Ary Yee-Chong-Tchi-Kan

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