Lutte contre la mondialisation ultra-libérale

La Chine refuse de se voir dicter sa politique monétaire

Le gouvernement chinois ne laissera pas flotter sa monnaie

13 août 2003

Malgré une campagne menée par le gouvernement américain, le gouvernement chinois ne réévaluera pas le yuan qui conservera un taux de change fixe par rapport au dollar. Il craint que la baisse des exportations chinoises provoque un chômage massif.

La monnaie chinoise, le yuan, est liée au dollar. Chaque hausse ou baisse de ce dernier est donc répercutée directement sur le yuan. Selon un article du "Monde" paru samedi dernier, « depuis la mi-juin, les États-Unis se livrent en effet à un véritable lobbying auprès des autorités chinoises pour qu’elles décrochent leur monnaie des fluctuations du dollar ». L’objectif visé par Washington : une réévaluation du yuan. Une telle décision rendrait plus chers les produits chinois exportés. Ce qui pourrait avoir comme conséquence de rendre plus intéressant l’achat de marchandises fabriquées aux États-Unis par exemple. Or, dans "Témoignages" d’hier, nous signalions que par rapport à 2002, le commerce chinois a augmenté de près de 40% sur les sept premiers mois de cette année. C’est dire l’importance croissante jouée par les exportations dans l’économie du pays le plus peuplé de la planète.
D’ailleurs, il semble clair que Pékin n’a pas l’intention de voir Washington lui imposer une politique monétaire. Dans un déclaration récente, le Premier ministre chinois Wen Jiabaon a estimé que la réévaluation du yuan serait néfaste pour l’économie chinoise, mais également pour les pays de la région et le reste du monde. Le 5 août dernier, la Banque centrale de Chine a exclu tout changement du taux de change du yuan jusqu’à la fin de l’année, nous apprend le "Monde".

« Défendre ses intérêts »

"Le Monde" donne une des explications à cette progression spectaculaire du commerce extérieur : « le Japon est devenu le premier partenaire économique de la Chine, devant les États-Unis ». Il précise que les deux pays d’Asie vont vers une réorganisation partagée du travail : « Le Japon exporte vers la Chine des produits à faible valeur ajoutée qui sont ensuite transformés en Chine puis réexportés », indique Jean-François Virolle, un économiste cité par le quotidien, « dans la mesure où le yuan est sous-évalué, où les salaires sont extrêmement bas et où les investissements directs étrangers gonflent la délocalisation, les exportations chinoises explosent ».
La progression de la Chine est source d’inquiétude chez les industriels et dirigeants américains. Les patrons se plaignent « de la concurrence chinoise » et le sujet est régulièrement abordés lors des débats parlementaires, par des élus de toutes tendances. Les défenseurs de l’ultra-libéralisme s’unissent pour faire céder Pékin : « l’administration américaine a derrière elle l’ensemble des entreprises industrielles américaines ». Le gouvernement américain veut que les dirigeants chinois laisse flotter la monnaie au gré de la spéculation boursière. Mais malgré tous les efforts de persuasion des dirigeants de Washington, la Chine reste ferme, bien décidée « à défendre ses intérêts et soulignant qu’une réévaluation du yuan pourrait notamment conduire à une aggravation du chômage ». Elle veut également s’appuyer sur la force de son commerce extérieur pour maintenir la croissance à 8% malgré l’épidémie de pneumonie atypique.

Faible marge pour Washington

Mais plusieurs spécialistes financiers ne sont pas d’accord avec l’objectif des dirigeants américains. Pour le chef économiste de la banque américaine Morgan Stanley, laisser flotter le yuan par rapport au dollar "serait une grande erreur pour la Chine, l’Asie et le reste de l’économie mondiale. C’est une leçon capitale de la crise financière asiatique de 1997-1998, qu’une planète impatiente ne devrait pas oublier avant de faire pression sur la Chine" .
Pour le moment, il semble difficile à Washington d’atteindre ses objectifs car, signale "Le Monde", « la Chine est le deuxième investisseur en titres du Trésor américain derrière le Japon, et finance ainsi les déficits américains ». En plus, depuis décembre 2001, « la détention des emprunts d’État américains par les Chinois a fait un bond de 55% ». Ce qui fait dire à un membre du gouvernement américain que George Bush doit utiliser une « douce diplomatie » pour convaincre les autorités chinoises.

Les industriels et le gouvernement américains s’unissent pour contrecarrer la progression de l’économie chinoise : les ultra-libéraux ont peur de la concurrence.

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