Les atermoiements de l’UE face à la guerre de Gaza

La compassion européenne envers Israël en rupture avec les valeurs de l’UE.

6 novembre 2023

Depuis le début des événements à Gaza, le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères, Josep Borrell, a avertit d’un échec moral de l’UE si elle n’adoptait pas les mêmes normes en Ukraine et au Moyen-Orient

L’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023, représente un tournant dans l’Histoire du conflit israélo-palestinien, et un réel revers pour Israël. Immédiatement, l’Union européenne – et les États-Unis – s’est alignée sur l’approche israélienne et a endossé le fait que cette attaque s’apparente à un « 11-Septembre israélien ».

Mais cette solidarité inconditionnelle et unanime affichée en réaction au « choc israélien » commence à s’effriter, car certains pays européens contestent une position plutôt partiale et déséquilibrée. De plus, les mouvements de protestation en Europe et le soutien affiché par des millions d’européens, de la Suisse à l’Italie, a mit en évidence un contraste majeur entre les citoyens et leurs dirigeants.

La compassion européenne envers Israël s’est manifestée par les visites de plusieurs dirigeants européens à Tel Aviv, ainsi que celle de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a affiché un soutien sans faille à Israël et a soutenu "le droit de se défendre" des Israéliens, mais n’a pas conditionné ce soutien au respect du droit international, ni pris le temps de visiter les territoires palestiniens.

Un positionnement à rebours de la politique de l’UE sur le sujet. En effet, ces positions sont considérées par plusieurs diplomates européens comme « une rupture avec les principes et les valeurs de l’UE et de son rôle de médiateur reconnu ».

Avec l’embrasement au Proche-Orient, l’Europe doit désormais faire face à deux guerres : l’Ukraine et Gaza. Dans les deux cas, il existe un effet potentiel de division parmi les membres de l’UE.

Dans le cas ukrainien, l’UE continuera à faire preuve de solidarité auprès de sa première ligne de défense. Mais dans le conflit israélo-palestinien, et malgré l’intérêt géostratégique commun, un désaccord est né entre les pays européens vis-à-vis de la protection des civils palestiniens et des perspectives politiques.

Lors du Sommet européen à Bruxelles (25-26 octobre), les dirigeants européens sont parvenus à un accord minimum concernant la guerre de Gaza en se contentant d’appeler à des « couloirs humanitaires et à des trêves intermittentes » afin d’apporter de l’aide aux habitants de la bande de Gaza assiégée.

Ils ont également soutenu la tenue prochaine d’une « conférence internationale de la paix » pour discuter de la solution à deux États, après six mois, sur la base de l’initiative de l’Espagne, qui préside actuellement l’UE.

Certains observateurs se demandent si les vingt-sept pays débattent de la différence entre un « cessez-le-feu » ou des « couloirs humanitaires », ou entre une « trêve humanitaire continue » et des « trêves humanitaires intermittentes »…

La réponse est que le désaccord est profondément politique, et que trois camps s’opposent
- le camp qui soutient Israël et rejette l’appel à un cessez-le-feu et même à une trêve humanitaire afin qu’Israël puisse « se défendre » : l’Allemagne, l’Autriche et la Hongrie
- le camp qui exige de ne pas adopter une politique du « deux poids, deux mesures » et de prêter attention à la situation tragique à Gaza : l’Espagne, l’Irlande et le Portugal
- le camp qui cherche à arrondir les angles, ce qui contribue à marginaliser l’UE et à la priver d’un rôle diplomatique acceptable dans son voisinage géopolitique : la France en est le chef de file

Or Bruxelles "a toujours argué pour une solution à deux États", a souligné auprès de franceinfo, Hugh Lovatt, spécialiste du conflit israélo-palestinien et analyste au Conseil européen pour les relations internationales.

Cette solution a toujours posé problème pour les 27 qui "ont toujours eu du mal à mener" à bien cette proposition, notamment en raison d’un manque de consensus. Résultat, si "l’UE n’a pas rien fait, elle n’a jamais eu un poids politique très important sur ce dossier, contrairement aux Etats-Unis", explique l’expert.

James Moran, chercheur au Centre for European Policy Study, et ancien conseiller de la diplomatie européenne, a lui expliqué à franceinfo que l’implication des Européens dans ce conflit est surtout "financière".

"L’Union et ses Etats membres sont devenus, au fil du temps, le premier soutien financier de l’Autorité palestinienne", qui administre la Cisjordanie, a précisé le spécialiste. Le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza et que l’UE classe comme une organisation terroriste, ne reçoit pas d’argent des institutions européennes. Mais "le bloc est un acteur majeur en matière d’aide humanitaire et au développement" dans l’enclave palestinienne, a précisé James Moran.


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