Jean-Pierre Raymond

La Constitution Européenne et l’Écologie

26 mai 2005

(page 5)

Le débat actuel sur le TCE, le Traité constitutionnel européen, laisse peu de place à la question écologique. C’est est d’autant plus regrettable que sur ce point précis, le traité reste très pauvre en dépit de ses proclamations vertueuses. Ainsi le "développement durable" est bien cité solennellement dans les objectifs mais subordonné à la croissance économique, à la politique de stabilité des prix et au respect de "l’économie sociale de marché hautement compétitive".
Plus significatif est le refus d’inscrire dans la Charte des droits fondamentaux "le droit de vivre dans un environnement sain et propre ainsi que le devoir de préserver la qualité de l’environnement pour la génération actuelle et future", comme le réclament les huit plus grandes organisations environnementales européennes. Pourtant il y a déjà 15 ans, en juin 1990, le Conseil européen avait clairement approuvé le droit à un environnement propre et sain pour les citoyens européens. Ce même droit est reconnu par la Convention d’Aarhus signée par tous les états membres de l’Union mais, sous la pression des lobbies agro-industriels, il n’a pas été inclus dans la Constitution européenne proposée à ratification. Cet “oubli” d’un droit fondamental n’est, hélas, que la confirmation de l’absence de volonté politique de l’Union de prendre de la politique agricole.

Un productivisme déplorable

Rappelons les dégâts du productivisme agricole depuis quarante ans : agriculture industrialisée, surproductions, destructions des paysages traditionnels, érosion des sols, surconsommation d’énergies fossiles, d’engrais, de pesticides, pollutions des nappes phréatiques, élevages industriels, (les salmonelles collectives en France !), hormones de croissance, abus d’antibiotiques, scandale des farines animales , maladie de la vache folle, etc. Avec comme résultat, de produire des aliments calibrés, standardisés, dépourvus de goût. Le succès purement quantitatif du productivisme a eu pour conséquence de vider les campagnes : l’agriculture détruit près de 60.000 emplois par an. Cette fuite en avant consiste aussi en un accroissement des aides aux revenus des agriculteurs et elles aussi croissantes pour réhabiliter l’environnement. En quelques années, c’est aussi toute la culture paysanne ancestrale qui a été quasiment détruite. Devant ce résultat calamiteux, on pourrait croire que le Traité nous propose une politique agricole différente, en tout cas plus respectueuse de la santé et de l’environnement. Il n’en est rien. L’article III-227, celui, et c’est le seul, qui définit les objectifs de la PAC, s’en tient aux mêmes finalités productivistes. Pire encore si on ose dire, cet article est exactement le même, mot à mot, que celui du Traité de Rome (article 39) ratifié en...1957. Autrement dit, malgré les échecs spectaculaires de la politique productiviste menée pendant plus de quarante ans, le projet de Constitution européenne veut nous embarquer dans la même galère, celle du marché, du profit et de la “mal-bouffe” au détriment de la sécurité alimentaire et de la santé publique. Les rédacteurs de cet article III-227 n’ont même pas eu le courage de faire référence à l’environnement alors que la dévastation du milieu naturel, provoquée par la PAC, est incontestable. Comme en 1957, le TCE propose benoîtement comme but premier "d’accroître la productivité de l’agriculture en développant le progrès technique...etc."

Politique agricole d’exportation

L’article suivant, III-228, n’est guère mieux puisqu’il promet la politique agricole d’exportation alors que l’on sait que la PAC a une responsabilité énorme, par exemple, dans la croissance exponentielle des exportations de découpes de volailles congelées dans les pays africains de l’Ouest : ainsi, le Cameroun importait seulement 60 tonnes de poulets congelés en 1994, aujourd’hui, il en importe 23.000 tonnes. Il s’agit des résidus de la découpe industrielle, donc des bas morceaux, qui sont bradés sur les marchés africains (le poulet pays coûte 2,30 à 3 euros le kilo alors que le poulet industriel congelé est vendu 1,5 euros le kilo) entraînant la baisse des prix et ruinant progressivement les producteurs locaux qui ne peuvent lutter, alors que leurs volailles ont une quantité gustative incomparablement supérieure aux morceaux insipides importés de France et de l’Union. Cela a aussi comme conséquence la précarisation de la sécurité sanitaire car les conditions locales de commercialisation des découpes congelées ne permettent pas une bonne conservation : les salmonelles et bactéries provoquent des intoxications alimentaires que les Africains ignoraient quand ils consommaient des poulets locaux.
Pour toutes ces raisons, aucun citoyen réellement soucieux d’écologie, ne saurait souscrire à un Traité constitutionnel qui ne propose que de continuer dans la pire voie productiviste au mépris de son coût humain, sanitaire et environnemental élevé.

Jean-Pierre Raymond


Non, mais !

o Changera, changera pas ?

Pour les partisans du “oui”, surtout ceux du camp Hollande, une victoire du “non” ne changerait rien sur le plan intérieur français. "Voter “non” n’aurait pas d’efficacité face à Chirac qui restera et qui continuera de mener sa politique sur le plan intérieur", dit Harlem Désir. D’autres de ses amis avaient même dit que Raffarin resterait.
Faudrait qu’il le dise à l’intéressé qui commence déjà à faire ses valises. Juste pour le rassurer.
Qu’il le dise également à tous les premiers ministrables, que ce soit de Villepin, Borloo ou autres qui estiment et disent publiquement qu’il faudra, dans tous les cas de figure, réajuster la politique intérieure. Juste pour qu’ils ne se donnent pas la peine de changer une politique qui gagne.
À moins que ce soient les partisans du “oui” du camp Hollande qui voudraient que cela ne change pas. Alors, autant le dire franchement.


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