Traité de Lisbonne

La crise sociale et politique

4 juillet 2008

Crise démocratique après le “non” irlandais, croissance en panne, forte inflation, le lancement de la présidence française de l’UE s’effectue sur fond de tensions multiples.

Coup de théâtre ce 1er juillet 2008, premier jour de la présidence française de l’Union européenne : Lech Kaczynski, le Président polonais, a indiqué qu’il refusait de ratifier le Traité de Lisbonne estimant qu’il est « sans objet » après son rejet par les électeurs irlandais, dans une interview publiée mardi. Le président tchèque Vaclav Klaus soutient la décision de son homologue polonais Lech Kaczynski.
Autant dire que le Traité de Lisbonne n’a plus aucune valeur juridique. En effet, tout texte n’est reconnu à l’échelle internationale que lorsqu’il est approuvé selon les conditions définies. Pour entrer en vigueur, le Traité de Lisbonne devait être ratifié à l’unanimité des États-membres. Les Irlandais ont voté non, la Pologne et la République tchèque s’apprêtent à ne pas le ratifier... Alors ?
Sans importance, pour les dirigeants européens et Nicolas Sarkozy qui veulent imposer par tous les moyens les choix ultralibéraux rejetés par les expressions démocratiques, les mouvements sociaux des peuples d’Europe.
A la veille de l’ouverture de la présidence française de l’Union européenne, Nicolas Sarkozy avait cherché lundi soir sur France 3 à désamorcer le « fossé » entre les européens et l’Europe. Mais il avait totalement évacué le volet social !
Le Président de la République reconnaissait ce « fossé » qui existe aujourd’hui entre l’Europe et les citoyens : « C’est une réalité », soulignait Nicolas Sarkozy, qui rappelait cependant que l’Union européenne s’est construite « sur la paix », « la prospérité », « la démocratie ». « Cela a bien marché », ajoutait le chef de l’Etat. « Il faut changer profondément notre façon de faire l’Europe », qui « inquiète » les citoyens européens, avait-il déclaré lundi lors de l’émission spéciale sur France 3.

Le “non” irlandais « complique notre tâche »

A la veille du lancement de la présidence française de l’Union européenne, le principal artisan du Traité « simplifié » de Lisbonne avait voulu faire oublier la véritable claque que constitue le rejet par les Irlandais le 12 juin dernier de ce texte.
« Le “non” irlandais, ça complique notre tâche. J’irai sur place, en Irlande, pour tenter de comprendre. Les faire revoter ? Je ne dirais pas ça comme ça, nous donnerions l’impression de forcer la main. Je verrai avec eux. Mais je dirai une chose : il n’est pas question d’élargir tant que l’Europe n’a pas d’institutions. Si on n’a pas Lisbonne, on aura [le traité de] Nice ».
Rejetant la responsabilité sur le peuple irlandais, il avait maintenu les principales orientations de l’actuelle construction européenne.
Ainsi à la question sur le social, la retraite, qui ne fait pas partie des priorités européennes du président, Nicolas Sarkozy répondait : « Le social n’est pas une compétence européenne, mais une compétence nationale. Nous avons le meilleur système de protection sociale d’Europe, vous ne voulez pas que je le mette en discussion avec les autres pays. Le social doit rester national ». Exit l’Europe sociale ! Exit l’harmonisation sociale européenne par le haut !

Pas d’Europe sociale !

Comment le chef de l’Etat qui sera, pendant six mois, également président du Conseil européen, peut-il déclarer dans la même émission télévisée qu’« on attend de l’Europe qu’elle protège les Européens contre les risques que fait peser la mondialisation, et c’est là que ça ne marche pas ». « Il faut qu’on réfléchisse à comment on fait de cette Europe un moyen de protéger les Européens dans leur vie quotidienne »...
Selon un sondage BVA paru dans “Ouest-France” dimanche, une majorité de Français n’a pas confiance dans la construction européenne. Ce n’est pas en parlant de protection face à la mondialisation et d’indiquer ensuite que l’Union européenne ne peut rien en matière sociale que l’on rassurera les Français, ni même les Irlandais, les Néerlandais ou encore les Roumains qui ont mené récemment des grèves pour les salaires !
Et puis, quel cynisme de proclamer que le social n’est pas de la compétence de l’Union européenne alors qu’une directive européenne sur la durée légale du travail, grâce notamment au soutien de la France sarkozyste, vient d’être adoptée et a porté la semaine à 65 heures !
En difficulté face à cette crise institutionnelle et démocratique (le "non" irlandais après les rejets français et néerlandais), économique et financière (hausse de l’inflation dans la zone Euro, crise pétrolière), Nicolas Sarkozy retrouvait son discours sécuritaire et répressif pour évoquer la politique d’immigration que la présidence française voulait insuffler « dans l’espace Schengen ».
En bon libéral, laxiste en matière sociale, il devient là intraitable même s’il a lui aussi « du cœur » : « Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’on peut passer sans visa d’un pays à l’autre. Quand un pays d’Europe régularise, ces personnes peuvent se rendre en France (...). On ne doit pas pouvoir régulariser massivement, ou alors avec l’accord des autres pays ».

Présidence française : incantation à la TVA réduite

Face à la hausse pétrolière, il a une nouvelle fois, telle une incantation, défendu sa proposition de plafonner la TVA sur les produits pétroliers pour faire face à la hausse du prix du baril. Une mesure qui est bien loin de faire l’unanimité au sein de l’UE.
Cette proposition de suspendre le prélèvement de la TVA à partir d’un certain niveau de prix pour le pétrole, afin de soulager les ménages, a d’ores et déjà été rejetée par plusieurs pays de l’UE, Allemagne en tête.
Lors du dernier Conseil européen de Bruxelles, le 20 juin, la Commission a toutefois accepté que l’idée de M. Sarkozy soit examinée par l’Europe, au même titre que les propositions des autres pays face à la flambée des prix du pétrole, d’ici au prochain Conseil, en octobre.
Autre initiative : le chef de l’Etat a annoncé qu’il proposerait à ses partenaires européens que la TVA sur « tout ce qui est écologique », notamment les immeubles HQE (Haute Qualité Environnementale) et les voitures propres, soit abaissée « à 5,5% ».
« Je veux me battre pour qu’il y ait une fiscalité propre » en Europe, a-t-il déclaré. « C’est pas normal que quand vous achetez une voiture propre, elle coûte plus cher qu’une voiture sale. C’est pas normal que quand vous construisez un appartement ou une maison économe en énergie, ça vous coûte plus cher que quand vous construisez une maison qui n’est pas économe », a-t-il jugé.
Une fiscalité propre ? Le chef de l’Etat veut-il enfin s’en prendre aux paradis fiscaux, au blanchiment de l’argent sale et à la spéculation financière qui minent les économies réelles des pays ? Vous n’y êtes pas.
Abordant la question de la Banque centrale européenne, dont il a souvent critiqué la politique de l’euro fort, Nicolas Sarkozy a estimé qu’elle « devrait se poser la question de la croissance » et « pas simplement de l’inflation ». Oui mais comment sans pouvoir de contrôle citoyen alors que Nicolas Sarkozy réaffirmait le principe de l’indépendance de la Banque centrale ?

Pierre Chaillan


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