Défaite du gouvernement sortant aux élections législatives

La droite nationaliste triomphe au Japon

18 décembre 2012, par Céline Tabou

Le Parti Libéral-Démocrate (PLD) a remporté les élections législatives le 16 décembre au Japon. Les conservateurs obtiennent une large majorité à la Chambre basse. Shinzo Abe pourrait devenir le nouveau Premier ministre.

Après avoir dirigé le pays quasiment sans interruption de la fin des années 1950 à 2009, les conservateurs reviennent au-devant de la scène, symbole d’un tournant dans la politique japonaise. Cette élection anticipée a été convoquée en novembre par le Premier ministre Yoshihiko Noda, après avoir été mis en minorité.

Un large triomphe

Emmené par l’ex-Premier ministre Shinzo Abe, le parti conservateur a profité de la déception de trois ans de pouvoir du centre gauche. Le PLD a recueilli entre 275 et 310 sièges sur les 480 de la Chambre basse, selon les sondages effectués à la sortie des urnes par la chaîne publique NHK. Ces estimations lui assurent la majorité absolue, tandis que son allié, le Nouveau Komeito, obtient entre 27 et 35 sièges. Bien qu’élu largement, la faible participation, 59,52%, soit presque dix points de moins qu’il y a trois ans, met en évidence un manque d’intérêt de la part des Japonais pour la politique. Parmi les autres listes, le Parti de la Restauration aurait remporté entre 40 et 61 sièges, devenant la troisième force politique du pays. Quant au Parti de l’avenir du Japon, qui avait fait campagne sur l’abandon de l’énergie nucléaire, il n’a récolté que 6 à 15 sièges, à l’instar du Parti communiste.

« Pendant la campagne, il a mis en avant un agenda nationaliste », souligne Céline Pajon, chercheur du Centre Asie de l’Institut français des relations internationales. En effet, une fois l’élection remportée, Shinzo Abe a promis de mettre en place « une politique réaliste pour que le Japon redevienne un pays fort, diplomatiquement et économiquement ». Pour cela, il propose de relancer le nucléaire après le traumatisme de Fukushima en mars 2011. N’ayant pas promis la fin de l’atome, le PLD propose un usage du nucléaire basé sur des critères de sûreté plus sévères. Il prône aussi un assouplissement des politiques monétaire et budgétaire pour relancer l’économie nippone.

« Les gens attendent une reprise économique. Ils veulent aussi une amélioration des salaires. De nombreux jeunes s’inquiètent des perspectives en matière d’emplois. Mais je pense que le plus important aujourd’hui, c’est de se focaliser sur la reprise économique », a déclaré Shinzo Abe lors d’une conférence de presse le 16 décembre. Le prochain gouvernement sera plus nationaliste alors que subsistent des tensions avec la Chine voisine. En effet, sur le plan régional, Shinzo Abe tient un discours ferme vis-à-vis de Pékin et notamment sur le différend territorial des îles Sensaku-Diaoyu. D’autant que le futur Premier ministre souhaite renforcer l’alliance de son pays avec les États-Unis et un renforcement de ses capacités militaires.

Une gauche décomposée

Ce grand retour marque un peu plus l’échec du parti au pouvoir ces trois dernières années. Le Parti démocrate du Japon (PDJ) de l’actuel Premier ministre n’obtiendrait que 55 à 77 sièges, contre les 308 récoltés lors de sa victoire historique d’il y a trois ans, selon la NHK. L’actuel Premier ministre, Yoshihiko Noda, a admis la défaire de son parti. Face à cette déconvenue, celui surnommé le « faucon » en politique étrangère, Shinzo Abe, est resté prudent dans ses engagements et vis-à-vis des Japonais, lassés de l’instabilité chronique.

Le pays a connu six Premiers ministres en six ans. Le PLD a surtout adressé un « carton rouge » au PDJ pour son alternance ratée sans voter avec enthousiasme pour le PLD. « Je ne suis pas d’accord sur tout avec le PLD, mais au moins, c’est un parti expérimenté », a expliqué Yoichi Ono, un électeur de 82 ans, à l’Agence France Presse (AFP). Plus de 100 millions de Japonais étaient appelés à élire 480 députés qui, à leur tour, choisiront le nouveau Premier ministre d’une nation meurtrie et en récession économique et diplomatiquement aphone.

Face à cette défaite, Shinzo Abe a déclaré que la victoire de son parti est due à l’échec du Parti démocrate du Japon (PDJ), qui gouverne le pays depuis trois ans. « Les gens pensent qu’il faillait mettre un terme à la gouvernance du PDJ. Par conséquent, ils ont dit "non" au PDJ aux élections législatives », a déclaré Shinzo Abe lors d’un point presse. Le Premier ministre japonais, Yoshihiko Noda, a indiqué lors d’une conférence de presse, lundi, qu’il avait décidé de démissionner de son poste de dirigeant du Parti démocrate du Japon (PDJ). Ce dernier a indiqué qu’il assumerait la responsabilité de la défaite de son parti. Le PDJ devrait tenir un Congrès dès que possible pour choisir un nouveau dirigeant.

Céline Tabou


Chine/Japon : la tension monte

Le futur Premier ministre, Shinzo Abe, est partisan d’une modification de la Constitution pacifiste, particulièrement de l’article 9, stipulant le renoncement du Japon à la guerre. Cette modification, si elle se réalise, pourrait envenimer le litige territorial autour des ilots Senkaku-Diaoyu. D’autant plus qu’au lendemain de la victoire de son parti, Shinzo Abe a affirmé que la souveraineté japonaise sur les îles Senkaku n’était pas négociable avec la Chine, crispant un peu plus les relations avec son voisin.

« Les îles Senkaku font partie intégrante du territoire japonais. Le Japon possède et contrôle ces îles en vertu des lois internationales. Ce n’est pas négociable », a-t-il martelé dans les médias. Le soir des élections, il avait d’ailleurs averti que les îles revendiquées par Pékin appartenaient au Japon : « La Chine conteste le fait que [ces îles] sont une partie inhérente du territoire japonais. Notre objectif est de mettre fin à cette revendication. Nous n’avons pas l’intention de détériorer les relations entre le Japon et la Chine ».

La réponse des autorités chinoises ne s’est pas fait attendre : « Nous sommes très préoccupés par la direction que pourrait prendre le Japon », a déclaré Hua Chunying, porte-parole du Ministère des Affaires étrangères chinois. Ces îles « sont partie intégrante du territoire chinois », a-t-elle affirmé, en précisant toutefois que la Chine était « prête à œuvrer avec le Japon pour tisser davantage des relations stables ». De son côté, le quotidien “Global Times” a indiqué que « Si Abe prend le pouvoir, les Chinois feraient bien d’agir vraiment pour le rappeler à l’ordre immédiatement ». Le journal a ajouté : « S’il adopte une ligne trop dure contre la Chine, il faudra que nous ripostions ».

Depuis la fin de la journée de lundi, les esprits se sont apaisés. Shinzo Abe a déclaré que la relation avec la Chine était l’une des relations étrangères les plus importantes du Japon. Ce dernier a indiqué vouloir « intensifier la communication avec la Chine afin d’améliorer les relations bilatérales entre les deux pays », a relevé l’agence de presse “Xinhua”.

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