La Famine fait spéculer

31 mai 2008

(Un petit article accablant paru dans “Libération”).

On admirera la ligne de défense de cette banque d’affameurs et de véritables ’criminels économiques contre l’humanité’ (si les mots ont un sens) qui ne concède jamais qu’une anodine erreur de communication, comme d’habitude.
 Quant à la conclusion de l’article, elle est sidérante : Déjà 140 fonds financiers spéculatifs indexés sur ces tout nouveaux ’profits’ du changement climatique, de la misère, de la faim et de la pénurie d’eau. Parmi eux, combien de produits financiers made in France ?

« Tirez avantage de la hausse des prix des denrées alimentaires ». C’est avec ce slogan que la banque belge KBC a lancé un nouveau placement financier, indexé sur le cours des six matières premières agricoles (cacao, café, sucre, blé, maïs et soja). Pour attirer ses clients, la banque invite sans détour à saisir « l’opportunité » que représente « l’énorme accroissement de la population », « les changements climatiques », « la pénurie d’eau et de terres agricoles ». Rendement estimé, mais pas garanti : 14%. 
Alors que la flambée des prix agricoles entraîne des émeutes de la faim dans de nombreux pays du Sud, est-il décent de proposer un tel produit financier ? Peut-on spéculer sur la famine mondiale ? Est-il moral de miser sur la pénurie d’eau ? L’information, sortie récemment dans la presse belge, suscite la polémique dans le pays. Indignés, les parlementaires socialistes belges ont annoncé leur intention de déposer une proposition de loi visant à « interdire l’offre et la diffusion de produits financiers dont le seul objectif est de spéculer sur la hausse des prix des denrées alimentaires et d’en tirer profit ».

Puis, réaction des députés européens socialistes, proposant à leur tour aux institutions européennes d’interdire ce type de placement. (...) L’article ne dit pas si une proposition de directive européenne a été effectivement déposée. Apparemment, pas de réponse connue des mouvements militants altermondialistes ou syndicaux, mais il est vrai qu’ils n’ont jamais appris à résister méthodiquement à la financiarisation du monde, malgré l’intuition de départ d’ATTAC, à sa création en 1998.

« Je m’excuse auprès des gens qui ont été choqués par le slogan », a déclaré à “Libération” la porte-parole de la KBC, Viviane Huybrecht, qui avoue que le dépliant commercial était mal formulé. Mais, sur le fond, la KBC estime n’avoir rien à se reprocher. « Ce n’est pas ce produit qui influence le cours des matières premières, assure la porte-parole. La hausse actuelle trouve son origine dans une série de facteurs comme l’augmentation continue de la population mondiale, l’impact négatif du réchauffement climatique sur les rendements agricoles, la demande croissante de biocarburants... ». Elle précise que le produit s’adressait à un groupe restreint d’investisseurs sur une période de souscription de courte durée (du 1er au 29 février 2008) avec des mises de fonds très limitées.
 En tout, quelques centaines d’investisseurs se sont manifestés. Mais la KBC est loin d’être la seule institution financière à proposer ce genre de placement. Selon la commissaire européenne chargée de l’Agriculture, Mariann Fischer Boël, 140 fonds indexés partiellement ou totalement sur les prix des matières premières agricoles ont été lancés en février dans l’Union européenne.

Luc Douillard

Emeutes de la faim

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus