La réforme du Pacte de stabilité s’enlise

La France jugée trop gourmande

14 mars 2005

Dans la nuit de mardi à mercredi derniers, après neuf heures de négociations, les ministres des Finances de la zone Euro n’ont toujours pas trouvé d’accord sur l’assouplissement du Pacte de stabilité et de croissance. La France et l’Allemagne demandent un traitement exceptionnel qui n’est pas du goût de tous les autres États membres de l’Union européenne (UE). La présidence luxembourgeoise de l’UE refuse ’un compromis au rabais’ et met en garde sur un possible abandon du projet.

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Le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) est l’instrument que les pays membres de l’Union européenne se sont donné afin de coordonner leurs politiques budgétaires nationales et d’éviter l’apparition de déficits excessifs. Il impose aux politiques nationales des États membres d’assurer leur équilibre budgétaire.
C’est là un pari difficile pour la France et l’Allemagne, qui plaident pour un assouplissement de la réforme. Cet assouplissement est jugé trop excessif voire dangereux par certains États membres de l’Union.
Selon ces derniers, la stabilité de la monnaie unique européenne, qui a déjà du mal à s’imposer sur la scène internationale, est menacée par cette volonté de pousser, au-delà du possible, la flexibilité du pacte. Ces pays de l’Union qui font le forcing pour faire respecter les consignes budgétaires européennes, au détriment de leur politique économique et sociale, voient d’un mauvais œil la coalition franco-allemande pour un traitement exceptionnel.

Le forcing franco-allemand

À quel moment la Commission de Bruxelles doit-elle déclencher la procédure de déficit excessif ? Les critères d’application de cette mesure dissuasive sont au cœur des débats virulents de la réforme du Pacte, qui se heurte à des divergences sur les dépenses susceptibles d’échapper à des sanctions.
Dès qu’un État dépasse le critère de déficit public fixé à 3% du PIB (produit intérieur brut), le Conseil Ecofin, réunissant les ministres de l’Économie et des Finances de l’Union, adresse des recommandations pour que ce dernier abrège ce dérapage budgétaire. Si rien n’est fait, le Conseil peut prendre des sanctions, et demander à l’État concerné de verser à la BCE une amende de 0,2 à 0,5% de son PIB.
À ce jour, l’Allemagne, le Portugal et la France ont fait l’objet de cette procédure sans pourtant encourir de sanction. L’Allemagne et la France, les deux poids lourds de l’UE qui ont toutes les peines à respecter leurs engagements communautaires, réclament avec insistance l’assouplissement de cette procédure, une application "plus politique" et "moins technocratique" du Pacte.

"Un compromis à la limite du raisonnable"

Bien que le projet de réforme tienne compte de la qualité des dépenses, du coût budgétaire des réformes structurelles ainsi que des chocs extérieurs, pour offrir une plus grande marge de manœuvre budgétaire aux États en cas de flambée des cours du pétrole, d’appréciation ou de dépréciation de l’Euro par exemple, l’Allemagne et la France, quitte à ne pas satisfaire tous les partis, font front pour plus d’assouplissement encore.
Par la voix de son nouveau ministre des Finances, Thierry Breton, la France, soutenue dans cette idée par certains collègues allemands et italiens, espère que les dépenses relatives à la recherche, à la défense et à l’aide au développement, feront l’objet d’un traitement spécial dans l’évaluation des déficits publics. Ces cas de figure exceptionnels pourraient justifier le non-respect temporaire du Pacte de stabilité.
Cette position commune, exprimée par le président Jacques Chirac et le chancelier allemand Gerhard Schröder, est mal perçue par les petits pays qui se plient, eux, dans leur majorité, aux règles communautaires. Ils craignent que la France et l’Allemagne n’orchestrent le démantèlement du principal instrument de coordination des politiques budgétaires des États membres. Le ministre belge des Finances, Didier Reynders, parle dans les colonnes du journal “La Tribune” d’un compromis "à la limite du raisonnable".

Abandon possible de la réforme

Si la France et l’Allemagne se disent optimistes, d’autres pays membres rejettent l’idée d’un système à la carte et prônent une égalité de traitements et de sanctions pour tous sans exception. "Il y a aura des conséquences graves pour tout le monde si nous ne parvenons pas à un accord", déclarait le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, Joaquin Almunia, au sortir des négociations infructueuses.
Le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, qui présidait la rencontre, déclarait : "je n’ai aucune envie de remplacer un pacte qui va mal par un pacte qui donne l’impression de fonctionner et qui ira mal plus tard". Il n’exclut pas la possibilité d’abandonner le projet au risque d’amoindrir la capacité de l’Union européenne à relancer la Stratégie de Lisbonne visant à améliorer la compétitivité de son économie.
Une prochaine réunion se tiendra le 20 mars prochain, juste avant le sommet européen des 22 et 23 mars, censé entériner la réforme.

Estéfany


Le gouvernement français se dit optimiste,
mais le peuple est dans la rue

Qu’il s’agisse des divergences relatives à la répartition des fonds structurels, à l’augmentation de la participation des États membres au budget européen après l’entrée des 10 nouveaux pays, ou dans le cas présent, pour la réforme du Pacte de stabilité, l’Union européenne est divisée.
Comment nourrir les caisses européennes, s’assurer de son objectif de développement équilibré entre les pays, si certains se détournent de leurs obligations budgétaires communautaires ? Tout cet imbroglio économique et législatif ne favorise pas l’intérêt de l’opinion publique pour le sujet pourtant crucial qu’est l’Europe.
Malgré les nombreux conflits sociaux qui secouent la France depuis plusieurs mois et qui vont crescendo, le gouvernement français se veut toujours optimiste. Thierry Breton est confiant, "la refonte du pacte est en bonne voie", alors que Jacques Chirac appelle à un “oui” ferme pour la Constitution européenne qui, selon lui, ne peut que nous être favorable.
À moins d’être expert sur la question de l’Europe, le peuple a du mal à y voir clair. Brigitte Girardin (ministre de l’Outre-mer), lors de sa récente visite déclarait dans l’hémicycle du Département qu’il nous suffisait de lire les grandes lignes de la Constitution pour y trouver les réponses à nos attentes. Mais la réalité est toute autre : démocratie, droits sociaux, lutte contre les inégalités, services publics, prise en compte des spécificités, compensation... tous les objectifs sont bien affichés mais les moyens n’y sont pas.
Pour les tenants du “oui”, si vous ne comprenez pas tout, rassurez-vous, le gouvernement veille au grain, votez et l’on débattra après. Pour plaider un traitement spécifique, la France souhaite que l’Union prenne en compte la réforme des retraites ou de la sécurité sociale dans l’appréciation de ses déficits publics. Elle aurait pu revendiquer avec force les spécificités de ses RUP qui sont un atout indéniable pour l’économie européenne...
Elle préfère opter pour une caution de sa mauvaise gestion financière, de ses réformes libérales financées largement par les citoyens qui, eux, n’ont aucune possibilité d’exonération. Ah si, le gouvernement prévoit encore une diminution des impôts pour 2006, donc une diminution des services publics, donc une diminution de ses dépenses publiques... Malin !
La véritable spécificité française, c’est que ses ministres des Finances se succèdent sans pouvoir élaborer une véritable stratégie économique pour l’Europe. Sa politique comptable de restriction budgétaire malmène les Français, leurs salaires, leur pouvoir d’achat, leurs emplois...
Le gouvernement promet une Europe tournée vers l’avenir, qui tend la main aux plus défavorisés. Mais il ne suffit pas d’aller trop loin pour constater que de nombreux défavorisés en France et Outre-mer restent sur le bord du chemin, sans une main tendue, si ce n’est celle de la solidarité citoyenne.

S. L.


Un texte dangereux : la preuve par cinq

Voici 5 raisons - entre autres - pour lesquelles le projet de traité constitutionnel européen élaboré par un groupe de technocrates présidé par Valéry Giscard d’Estaing - le président conservateur battu par François Mitterrand en 1981 - est dangereux pour les populations européennes et doit être rejeté au référendum du 29 mai :
1° - Cette Constitution va s’imposer aux Constitutions et lois des États membres. Et si ces États passent outre, les lois qui pourraient en résulter seront déclarées nulles.
2° - De par la libre circulation des capitaux, la nouvelle Constitution européenne, si malheureusement elle est votée, enterrera définitivement toute idée de taxation du type taxe Tobin contre le grand capital monopoliste.
3° - Elle supprimera la notion de service public, basée sur la solidarité (hôpitaux, poste, écoles, transports, énergie, eau...) et dont la rentabilité n’est donc pas l’objectif principal, en remplaçant ce service par un Service d’intérêt économique général (S.I.E.G.). Il faudra donc privatiser dans une large mesure tous les services publics, sur le modèle de France Telecom qui, avec ses 8.000 suppressions d’emploi dont 5.500 en France... référence de M. Breton, le nouveau ministre des Finances... grand serviteur du capitalisme... qui pourrait bien s’appliquer à de nombreuses entreprises, dont l’Administration.
4° - Ce texte supprimera également un droit fondamental de la Constitution française : la phrase "Toute personne a droit au travail..." sera remplacée par "Tout citoyen de l’Union a la liberté de chercher un emploi, de travailler, de s’établir ou de fournir des services dans tout État membre." (Art. II-75). Ce qui est totalement différent !
5° - Dans le domaine militaire, l’Union fait allégeance totale à l’OTAN, dont 19 États sur 25 sont déjà membres : "[...] l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre. [...]" Art. I-41.9. Et faire allégeance à l’OTAN c’est faire allégeance au gendarme nord-américain.

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