La Grèce prend feu

7 mai 2010, par Geoffroy Géraud-Legros

La Grèce n’avait pas connu de mobilisation aussi intense depuis 1974, année de la chute du régime fascisant des Colonels. Au cœur de ces mouvements sociaux : l’application au pays de mesures de discipline économique imposées par le Fonds monétaire international (FMI), d’une série de mesures qui ne frappent que les fonctionnaires, la classe moyenne et les plus pauvres, sans toucher aux profits.

Un véritable diktat par lequel l’injustice vient s’ajouter à l’injustice : car si la Grèce est aujourd’hui au bord de la ruine, c’est précisément la conséquence de politiques mises en œuvre depuis plus de deux décennies.
Dans un passé proche, les mesures prises par le Gouvernement de droite au pouvoir entre 2004 et 2009 ont contribué à banaliser — voire à légaliser —l’évasion fiscale et les manquements du patronat aux obligations de règlement des cotisations sociales… autant de cadeaux qui visaient à fidéliser la clientèle patronale au parti de droite, Nouvelle démocratie. Qu’ils soient de droite ou socialistes, les différents gouvernements qui ont alterné à la direction des affaires ont concouru autant l’un que l’autre à affaiblir l’économie et le tissu social grec, au profit des capitaux étrangers et des multinationales.

Rente au capital étranger

Ainsi, malgré le déclin de son économie et le contexte de crise mondiale, la Grèce a poursuivi une politique de lourds investissements militaires, servant en réalité de débouchés aux productions d’armes étrangères. Ainsi, les « généreux » prêteurs de fonds d’aujourd’hui financent avant tout l’achat de matériel militaire par leur « bon client » grec, qui acquiert depuis des années des avions de chasse américains, des navires de guerre français, et des sous-marins allemands.

Sur-dépendance économique

Plus généralement, la dépendance mine la plupart des secteurs économiques du pays, devenus hypersensibles aux fluctuations des marchés : en effet, les principales activités du pays que sont la construction navale, le bâtiment, le tourisme et les activités portuaires ont fait l’objet de privatisations répétées. La Grèce offre donc le tableau d’une économie fondée sur le coût peu élevé de la main d’œuvre locale, sur l’exploitation des travailleurs immigrés, où la consommation est financée par un recours croissant à la dette. Sur ce système prospèrent les grandes fortunes, favorisées par la forte corruption du monde politique.

« La ploutocratie doit payer »

La nouvelle phase de la crise enclenchée par les mesures brutales du FMI a fait hier ses premières victimes, avec la mort de trois salariés d’une banque à la suite d’un incendie déclenché, semble-t-il, par un cocktail molotov. Si le Gouvernement socialiste (PASOK) de George Papandréou joue la dramatisation et tente de déconsidérer le mouvement après ce tragique incident, les syndicats des employés de banque eux-mêmes ont rappelé que l’austérité imposée était à l’origine de ces dérapages. Dans la rue, le peuple grec a affirmé son rejet de payer encore une fois pour les fauteurs de crise : « la ploutocratie doit payer », scandent en cœur les manifestants, qui du haut de l’antique acropole athénienne, appellent à la solidarité des peuples d’Europe.

Geoffroy Géraud-Legros

Crise financière

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