REGARD SUR NOTRE MONDE

La Liberté Assassinée... !

9 octobre 2006

Une nouvelle fois, nos stylos vont devoir se border de deuil, une nouvelle fois, la une de nos journaux va être ornée du crêpe de la mort !
C’est la liberté assassinée ! Ce sont les droits de l’Homme révolvérisés ! Enfin, c’est la presse tout entière qui est visée par le meurtre d’Anna Politkovskaïa.

Avant d’être Russe, Anna Politkovskaïa était journaliste, et c’est sans aucun doute pour cette raison qu’elle a été abattue de 4 balles, samedi dernier, dans l’ascenseur de son immeuble, le jour même de l’inauguration à Bayeux, dans le Calvados, d’un mémorial consacré aux correspondants de guerre tués dans le monde depuis 1944. Mais le nom d’Anna Politkovskaïa ne figurera pas sur cette stèle, car il n’y a pas de monument pour les journalistes victimes d’assassinats politiques ou mafieux.

Une lâcheté qui ne dit pas son nom

La journaliste qui travaillait notamment sur le dossier tchétchène ne ménageait pas ses critiques envers la politique russe menée dans cette province secouée par une guerre d’indépendance. Elle était devenue la femme à abattre, non seulement pour Poutine, mais aussi pour la mafia russe.
Le métier de journaliste est d’informer et cela quelles que soient les pressions et la couleur du régime politique. On devrait pouvoir retranscrire ses opinions dans la presse sans être pour autant la cible des opinions contraires, la cible que l’on doit éliminer physiquement. Lorsque vous êtes visés dans la presse, les journalistes ont ceci de particulier, c’est qu’ils vous ouvrent leurs journaux pour répondre. Faire taire un journaliste par les armes, c’est la preuve d’une lâcheté qui ne dit pas son nom, c’est la preuve d’une peur viscérale des conséquences de l’information, c’est la preuve que le monde reste à construire, enfin, c’est la preuve que l’utopie, le rêve de tout journaliste d’un monde libéré de toute entrave liberticide est encore à venir.

Une grande leçon de courage et de journalisme

Mais cela c’est dans un monde imaginaire, dans un monde de libre-pensée que l’on peut souhaiter proche, mais la route est longue et peuplée de morts. C’est ce monde que tente de construire tous les journalistes de notre planète avec comme seules armes des stylos, des appareils photos et des caméras, c’est ce monde qu’Anna Politkovskaïa tentait à sa juste place de réaliser.
Lorsque l’on tue un journaliste, c’est la liberté qui s’éloigne, c’est un avis de moins dans le grand-livre de l’Histoire. Nous vivons des temps troubles où des doctrines religieuses ou politico-extrémistes nous poussent à la discrétion et au discernement dans la réalisation de nos écrits. L’écriture, arme au service des sans voix, des privés de parole, demeure la seule barrière aux extrémistes et à la guerre. Journalistes d’opinion, journalistes culturels, journalistes de fait-divers, journalistes sportifs, tous nous sommes confrontés à notre libre-arbitre, mais surtout, tous nous avons une épée de Damoclès au-dessus de notre tête. Nous savons qu’à la moindre virgule, à la moindre allusion à tel ou tel événement, notre sort peut basculer. Bien sûr, nous ne sommes pas tous menacés de mort comme notre consœur, mais nous savons qu’il est difficile parfois de parler de certaines choses sans subir des pressions.
La liberté de la presse est inscrite dans la Charte des droits de l’Homme, et une nouvelle fois, samedi, ce texte a été foulé aux pieds.
Alors, ayons une dernière pensée pour Anna Politkovskaïa qui nous a donnés une grande leçon de courage et de journalisme en allant au bout des ses convictions.
Pour ma part, je lui dédie ces vers de Goethe :
Ne le dites à nul autre qu’au sage,
Car la foule est prompte à l’insulte,
Je veux louer le vivant.
Qui aspire à mourir dans la flamme
.

Philippe Tesseron
http://www.espaceblog.fr/teletesseron/


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