Réserve naturelle de Grande Montagne (Rodrigues)

La seconde vie de la forêt primaire

17 août 2006

On peut restaurer une forêt primaire. Les techniciens de la réserve naturelle de Grande Montagne Rodrigues le prouvent. Les travaux de replantation d’espèces endémiques qu’ils mènent sous la responsabilité de la Mauritian Wildlife Fondation portent aujourd’hui leurs fruits. La forêt primaire qui avait totalement disparu reprend peu à peu ses droits dans un parc de 30 hectares dont 10 classés en réserve naturelle.

Tout au long d’un sentier balisé souvent plat, parfois escarpé, de nombreuses espèces d’arbres endémiques (espèces existant uniquement dans une région précise) se côtoient. La végétation est souvent dense, parfois plus aérée. Nous sommes dans la réserve naturelle de Grande Montagne dans l’Est de Rodrigues. Un véritable défi de la nature, soutenu pour une fois par l’Homme.
"À Rodrigues, la forêt primaire avait complètement disparu. Tout a été coupé pour faire face aux besoins de la population en bois", explique Richard Payendee, le Rodrigue Conservation Manager (responsable de la réserve). Des espèces exotiques (plants importés) ont bien été replantées. Mais elles sont beaucoup moins résistantes aux cyclones que les espèces endémiques. Elles sont aussi plus gourmandes en eau. Or à Rodrigues, comme ailleurs, la ressource en eau n’est pas inépuisable.
Une étude botanique menée en 1981 fait naître l’espoir de rebâtir une forêt primaire. Quelques espèces endémiques sont en effet identifiées sur le site de Grande Montagne. La voie est alors ouverte. Un vaste chantier de restauration de la forêt primaire est lancé par les autorités rodriguaises. Avec l’aide du Fonds Européen de Développement (F.E.D), le site est clôturé sur 30 hectares. L’aménagement à lui seul n’est pas concluant. Les animaux vecteurs de la propagation des semences, les bœufs par exemple, n’avaient plus accès aux lieux. L’expérience a aussi démontré que la croissance des espèces endémiques était difficile au milieu de plants exotiques souvent envahissants.
Ce constat fait, de réels travaux de restauration s’imposaient.

Savoir-faire partagé avec les Réunionnais

Le chantier démarre en 1996. Il porte vite ses fruits. "En 6 ans, nous avons déjà des arbres qui atteignent 5 à 6 mètres alors que la forêt primaire ne dépasse en général pas 10 à 11 mètres de hauteur à Rodrigues. À ce rythme, nous obtiendrons une véritable forêt en 10 ou 15 ans. Il s’agit d’un vrai démenti à l’affirmation voulant que les espèces endémiques poussent moins vite que les espèces exotiques", indique Richard Payendee. "Ces travaux de restauration sont une première mondiale", souligne-t-il avec fierté.
De nombreuses espèces ont ainsi repris racines à Rodrigues comme le bois de chauve-souris, le bois de carotte mais aussi le café marron "l’une des espèces les plus rares au monde" selon les responsables de la réserve.
Avec les techniciens qui travaillent sous sa responsabilité, Richard Payendee et son équipe ont fait de la réserve de Grande Montagne un véritable laboratoire. Plusieurs expériences y sont menées. Des techniques sont développées. L’ensemble a débouché sur un véritable savoir-faire. Les techniciens n’hésitent pas à le partager avec les forestiers de La Réunion.
Pour préserver cette forêt en devenir, Richard Payendee mise sur la sensibilisation de la population. Dans certains pays, les plantes endémiques sont jalousement conservées par les scientifiques. Les promoteurs de Grande Montagne ne sont pas dans cet état d’esprit. Ils incitent les villageois à planter ces arbres. Les plants sont mis à leur disposition gratuitement. "Nous favorisons notamment la création de jardins à valeur médicinale", indique Richard Payendee. La meilleure façon, selon lui, d’éviter que les arbres soient saccagés dans la forêt pour leur écorce ou autres.
Au sein de la réserve, des associations de jeunes sont également invitées à "adopter" une parcelle et à s’en occuper. "Les jeunes sont les parents de demain. Nous travaillons beaucoup avec eux", note Richard Payendee. Il estime également que "tout le monde, à commencer par les Rodriguais eux-mêmes, doit participer à la sauvegarde de ce patrimoine végétal". Lequel est enrichi peu à peu par la faune locale. Les insectes et les oiseaux retrouvent dans cette forêt en réfection un habitat naturel qui leur manquait.
Ils auront bientôt de nouveaux compagnons. Les promoteurs de la réserve comptent introduire des tortues. Celles de Rodrigues ayant malheureusement disparu, les animaux seront importés de Madagascar ou d’Aldabra, la plus grande des îles seychelloises où une population de 150.000 tortues géantes a été recensée.

Imaz Press Réunion


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