Manifestations en Grèce

Le berceau de la démocratie débranche sa télévision

14 juin 2013, par Céline Tabou

La grève générale contre la fermeture par le gouvernement de la radiotélévision publique « Ellinikí Radiofonía Tileórasi », jeudi 13 juin, a réuni plus de 12.000 personnes devant le siège du groupe ERT à Aghia Paraskevi, dans la banlieue nord d’Athènes.

L’appel des syndicats du privé et du public, GSEE et Adedy, a rassemblé près de 10.000 personnes à Athènes, occasion pour les Grecs de dénoncer les politiques d’austérité qui touchent le service public. À Salonique, 2.000 personnes manifestaient devant le siège de la chaîne ET3, l’une des cinq chaînes appartenant au groupe audiovisuel ERT.

20.000 personnes à travers le pays

Efi Zerva, rédactrice en chef de la chaine ERT s’est réjouie auprès de l’Agence France Presse, « du soutien des milliers de gens qui sont venus réclamer la réouverture de l’ERT ». Cette dernière et des journalistes occupent la salle de contrôle de la chaine et tentent de diffuser des émissions via le site web de l’organisme. Ces derniers ont reçu le soutien de nombreuses associations de journalistes européens, de l’Union européenne de Radio-Télévision (UER), de la télévision franco-allemande Arte et de la télévision belge.

À l’annonce de la fermeture de la chaine, des milliers Grecs ont fait part de leur mécontentement en se réunissant mardi dans l’après-midi devant les portes de la chaine. Des banderoles ont été déployées devant le grand bâtiment historique de l’ERT, pour soutenir les 2.656 employés menacés de licenciement. Certaines banderoles appelaient les citoyens « à ne pas rester sans réaction » , car « on brade tout », a révélé l’Agence France Presse.

D’après les observateurs, la fermeture précipitée de la chaine survient lors de l’arrivée de la troïka à Athènes. Le Premier ministre grec, Antonis Samaras, aurait voulu prouver sa détermination à réformer en profondeur le service public. Le gouvernement reproche à l’ERT : « ses privilèges, son clientélisme, et sa mauvaise gestion », mais respectée dans les milieux culturels. Le Premier ministre aurait précisé lors d’une conférence à la Chambre de commerce grecque à Athènes mercredi soir que « l’ERT des privilèges s’est écroulée (...), on ne ferme pas la télévision publique, une nouvelle station sera créée très prochainement ». Cependant, depuis le début de la crise de la dette, les salariés auraient vu leur revenu diminuer de 45%, selon les syndicats.

Retour de la dictature

Les syndicats du privé et du public, GSEE et ADEDY, ont dénoncé une fermeture « antidémocratique » menée « dans le cadre des politiques d’austérité », et ont qualifié de « coup d’État » la « décision de M. Samaras ».

Pour l’ADEDY, l’objectif du gouvernement « est la suppression d’organismes publics et le licenciement de 14.000 fonctionnaires ». Les soutiens européens ont demandé la réouverture du groupe, vieux de 60 ans, qui reste pour les Grecs « un symbole de démocratie dans un pays où l’information a été sévèrement bridée pendant la dictature militaire de 1967 à 1974 ».

Face à l’ampleur de la contestation, le porte-parole du gouvernement Simos Kédikoglou a mis en exergue le projet de loi portant sur la création d’ « une nouvelle radio, internet et télévision grecs » qui devrait s’appeler Nerit S.A. Celle-ci devrait émettre d’ici fin août, avec 1.200 employés, soit la moitié de l’effectif actuel. Les récentes décisions gouvernementales pourraient engendrer une crise politique. Evangelos Venizelos, le leader du Pasok, le parti socialiste grec, a indiqué qu’il y avait « une ambiance de crise politique et institutionnelle ». Les deux alliés de la coalition gouvernementale, les socialistes du Pasok et la gauche modérée de Dimar se sont désolidarisés d’Antonis Samaras. Sans eux, le gouvernement de droite ne dispose plus de la majorité au parlement, car elle ne compte que 125 députés sur 300.

Avec une telle formation politique, le projet de loi portant sur la création d’ « une nouvelle radio, internet et télévision grecque » pourrait ne pas passer. D’autant que les réactions internationales ne se sont pas fait attendre et de nombreuses voix s’élèvent contre cette fermeture « abusive ». Pour Christos Karayanidis, député de l’opposition, Syriza, interrogé par “L’Humanité”, la chaine ERT est « un vecteur public d’information avec une orientation juste ». Ce dernier a expliqué qu’une chaine publique peut « produire des informations objectives. Or, avec la fermeture de l’espace public d’information, un transfert de l’information sera effectué vers les chaines privées qui, en Grèce, appartiennent au grand capital ». Depuis le début de la crise, « les chaines privées ont déformé la réalité, fait peur aux gens afin qu’ils ne réagissent pas et ne résistent pas aux politiques d’austérité que le gouvernement veut appliquer ».

Céline Tabou

Soutien de la CGT France Télévisions

France Télévisions fait aussi l’objet « d’un plan d’économies drastiques », indique la CGT dans un communiqué :

« Le SNRT CGT de France Télévisions apporte tout son soutien aux milliers de salariés d’ERT (chaînes et radios publiques grecques) frappés par cette mesure de fermeture d’une brutalité sans précédent et chassés de leurs emplois.

Les prétextes invoqués sur la mauvaise gestion de l’entreprise et des gages donnés à la troïka ne font guère illusion. Il s’agit bien d’une mesure de rétorsion contre une entreprise de service public jugée trop critique vis-à-vis des plans d’austérité à répétition mis en place par le pouvoir politique et d’une atteinte à la démocratie.

Les salariés de France Télévisions qui font eux aussi l’objet d’un plan d’économies drastiques adressent toute leur solidarité à leurs collègues des chaînes publiques de télévision et de radio grecques. Le SNRT CGT appelle à se joindre aux initiatives de soutien qui seront organisées dans les heures et les jours qui viennent ».
Solidarité en Europe

William Maunier, Secrétaire général du SNRT-CGT Audiovisuel et Président d’EURO-MEI, explique comment la résistance s’organise.

« La puissante centrale syndicale grecque GSEE se mobilise et apporte son soutien à POSPERT notre syndicat frère de l’ERT.

Les syndicats grecs de journalistes POESY appellent à une grève dans le secteur privé en soutien de leurs confrères du public.

EURO-MEI, la Fédération européenne des syndicats des médias, du spectacle et des arts appelle ses affiliés à soutenir les salariés de l’ERT et leur syndicat POSPERT. D’ores et déjà, ACOD-VRT le syndicat de la télévision belge flamande prévoit une manifestation devant l’ambassade de Grèce à Bruxelles.

Le SNRT-CGT Audiovisuel appelle ses sections et syndicats à manifester leur soutien aux salariés de l’ERT et à leur syndicat POSPERT par tous les moyens possibles (lettres de soutien, pétitions, etc.)

La Grèce avec d’autres pays (Portugal, Irlande, Espagne, etc.) est devenue les laboratoires anti-sociaux de l’Europe et tous les pays sont menacés à terme.

La solidarité du monde du travail doit s’exercer dans et au -delà des frontières si nous ne voulons pas voir le mauvais vent du libéralisme, amplifié par la crise, souffler encore plus fort et emporter l’ensemble des acquis des travailleurs en Europe ».
A la Une de l’actuUnion européenneSyriza

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