“Noir Canada : pillage, corruption et criminalité en Afrique”

Le Canada dans la Mafiafrique

23 juillet 2008

Un livre fait actuellement scandale au Canada et la petite société d’édition qui l’a produit est poursuivie en justice par Barrick Gold, la plus grosse compagnie aurifère du monde, qui lui réclame 6 millions de dollars US dans le seul but de l’acculer à la faillite.

Les mines de diamants, de cobalt, d’or et de cuivre, les gisements pétroliers, les barrages géants, ou encore les sociétés de chemin de fer constituent la part substantielle du gâteau africain que s’est arrogé le Canada. Et à l’aune de leurs profits astronomiques, les sociétés minières sont celles qui se taillent la part du lion.
Barrick Gold est la plus grosse compagnie aurifère du monde. Elle exploite 27 mines d’or, d’argent et de cuivre, sur les cinq continents. L’entreprise est inscrite à la Bourse de Toronto, comme 60 pour cent des sociétés minières du monde.
La somme que cette compagnie exige pour « dommages moraux compensatoires » (5 millions) et à titre de « dommages punitifs » (1 million) représentent 25 fois le chiffre d’affaireq annuel de l’édition canadienne.

Que reproche-t-on à ce livre du "Collectif Ressources d’Afrique, intitulé Noir Canada : pillage, corruption et criminalité en Afrique" ? Attaqué dès sa sortie au mois d’avril, le livre (350 pages) a été très bien accueilli par le public au Canada et il est en principe disponible en France depuis le mois de juin.
« Pour nous, ce livre est un test pour la démocratie canadienne et la liberté d’expression », a déclaré l’auteur, Alain Deneault, docteur en philosophie et auteur d’un autre ouvrage sur les paradis fiscaux. "Noir Canada : pillage, corruption et criminalité en Afrique" veut ouvrir un débat public au Canada, « légitime et nécessaire », sur les agissements des grosses compagnies canadiennes hors leurs frontières. « Les citoyens financent sans le savoir des abus, par leurs placements en Bourse ou leurs régimes de retraite, leurs banques, leurs compagnies d’assurance. Les fonds de placement, étatique ou non, qui gèrent l’épargne des Canadiens en l’investissant dans ces sociétés cotées en Bourse à Toronto, font dépendre les citoyens de leurs activités à l’étranger. Les Canadiens ont le droit de savoir ce qu’il advient de leurs actifs », a ajouté Alain Deneault.
"Noir Canada..." réunit à la base une compilation de très nombreuses informations déjà existantes et disponibles, tels les rapports d’experts mandatés par le Conseil de sécurité de l’ONU, des observations de la commission parlementaire congolaise que préside Christophe Lutundula ; ou encore les dépositions des journalistes Wayne Madsen et Keith Harmon Snow devant le Congrès américain, et les écrits d’autres journalistes spécialisés dans les “affaires africaines”.
Aucun de ces documents n’a fait l’objet de poursuite judiciaire, mais leur recoupement, dans une lecture qui s’attache à analyser le mode opératoire de quelques grosses compagnies canadiennes en Afrique, et la façon dont elles sont “protégées”, quoi qu’elles fassent, a déclenché les mesures d’intimidation de Barrick Gold.

En pure perte, car depuis trois mois, ces intimidations n’ont fait que faire redoubler d’énergie les soutiens du "Collectif Ressources d’Afrique", qui multiplient les manifestations culturelles et interventions radiophoniques, tant au Canada (Montréal, Ottawa) qu’à Paris où a eu lieu en juin, au FIAP Jean-Monnet (foyer d’accueil international) une soirée de soutien réunissant les auteurs et le journaliste Xavier Harel (La Tribune), auteur de "Afrique, pillage à huis clos".
Lors d’une émission "Paris-Françafrique", préparée par Survie-Paris, sur radio libertaire, William Sacher, l’un des co-auteurs de "Noir Canada..." avec Alain Deneault et Delphine Abadie, a pointé les temps forts du livre, qui correspondent à des actions particulières de ces sociétés, ayant sur les populations riveraines des conséquences dramatiques, lesquelles ne sont jamais prises en considération et jamais réparées. Homicide et génocide involontaires au cyanure (Mali, Ghana), financement de camps rivaux et armement de “seigneurs de guerre” (Congo, Rwanda, Ouganda) ; étranglement des activités agricoles d’une région par la construction de barrages géants - les Africains les appellent des “éléphants blancs”. Aucune de ces actions, si elles intervenaient ailleurs qu’en Afrique, ne resterait impunie.
Par ailleurs, les auteurs de "Noir Canada..." soulignent le caractère de « paradis judiciaire » de tout un ensemble de mesures prises par le gouvernement canadien pour protéger, à la Bourse de Toronto, non seulement les compagnies minières canadiennes, mais l’ensemble des compagnies minières du monde. La Bourse de Toronto est connue pour avoir pris le relais de celle de Vancouver - un temps qualifiée par Forbes de “capitale mondiale des arnaques” - dans l’opacité qu’elle offre aux compagnies minières mondiales tant dans les mécanismes d’enrichissement, que dans les conditions d’acquisition et d’exploitation des mines.
Enfin, le rôle de l’agence de Coopération & Développement International (ACDI), un des membres du Conseil canadien de l’Afrique, est mis en lumière
premièrement en tant que fonds d’investissement pour les sociétés canadiennes qui s’installent dans le monde et singulièrement en Afrique et deuxièmement en tant que principal promoteur d’une image “marketing” qui fait du Canada, aux yeux des Canadiens eux-mêmes et du reste du monde, le “bon gars” de l’intervention économique internationale.
Une image que les auteurs récusent en la confrontant aux conséquences réelles de plusieurs de ces interventions.

P. David

"Noir Canada : pillage, corruption et criminalité en Afrique", par Alain Deneault, avec Delphine Abadie et William Sacher - édition Ecosociété (ISBN 978-2-923165-42-4)


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