Appel du comité du “non”

Le faux bilan positif du Traité constitutionnel

11 mars 2005

Il existe un nombre non négligeable de citoyens de bonne foi qui voudraient voter “oui” au prochain référendum car ils pensent que le Traité constitutionnel est "globalement positif". Ne pouvant lire et soupeser le contenu de l’énorme masse que constitue le texte complet (près de 750 pages avec les annexes), ils se basent donc sur quelques points précis pour établir un "bilan", en mettant de côté les dispositions prises pour gérer l’Europe à 28 et les mesures de transition qui, même si elles sont un monstre de complexité pour plaire à tout le monde, devront démonter leur perversité avant d’être amendées.
À l’actif figureraient les prétendues "avancées sociales" qui y seraient énoncées. Quant au passif, il n’apparaît pas au prime abord et ne concernerait principalement que les citoyens comme vous et moi.
Mais il faut se méfier, car le franco européen moderne recèle bien des pièges qu’une lecture en diagonale ne permet pas toujours d’éviter. Orwell et sa “novlangue” ne sont pas loin ! Le traité est constitué de quatre parties (Titres numérotés en caractères romains), elles-mêmes divisées en articles (numérotés en chiffres arabes).
Voici quelques exemples relevés par Attac 19, groupe symbolique s’il en est puisque le député maire de Tulle n’est autre que le Premier secrétaire du PS et que ce département est emblématique de la Chiraquie, unissant ainsi, sans doute malgré lui, deux hérauts du camp du oui.

Avancée sociale ?

L’article I,3 mentionne "L’Union œuvre pour [...] une économie sociale" mais précise aussitôt que cette économie doit être "hautement compétitive", ce qui réduit singulièrement la portée de l’adjectif "social". Celui-ci n’est d’ailleurs plus mentionné lorsque l’économie de marché est explicitée (art III,177 ; art III,178 ; art III,185). Il est même mentionné que la politique sociale est subordonnée "à la nécessité de maintenir la compétitivité économique de l’Union" (art III,209).
La partie II du traité, intitulée "Charte des droits fondamentaux de l’Union" pourrait-elle représenter un espoir ? D’une part, sa portée est faible, puisqu’elle reste subordonnée aux autres dispositions du traité (art II,112), faisant ainsi perdre tout son sens à l’adjectif "fondamental" qui supposerait au contraire une prééminence de la Charte. De plus, seule l’Union se doit de la respecter, pas les États membres ! D’autre part, aussi bien en général que pour les Français, cette charte entérine un net recul (c’est une spécificité courante de nombreuses "avancées européennes"). Elle est en effet bien en retrait par exemple par rapport au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) et même à de nombreuses dispositions légales voire constitutionnelles de certains États membres, alors que ce texte s’impose à leur droit national (art I,6). Toute harmonisation sociale est par ailleurs formellement exclue à de nombreuses reprises par le traité.
C’est pourquoi notre "droit du travail" devient "le droit de travailler" (art II,75). D’autres droits acquis de haute lutte (droit à un salaire ou un revenu minimum, droit à la retraite ou à une allocation chômage, droit à un logement décent, droit à l’éducation, etc.) ne figurent pas dans le traité. Celui-ci se contente de "reconnaître et respecter" (sans engagement donc) le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux dans les États où ils existent.
Cette charte et les mentions du type "progrès social" ou "plein emploi" font bien pâle figure face à d’autres dispositions qui les contredisent constamment dans le texte et aux principes érigés en "libertés fondamentales de l’Union Européenne : liberté d’établissement, libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux". (art I.4)
De plus, les règles sociales et fiscales se décident toujours à l’unanimité, selon l’un des principes de base de ce traité qui vise à empêcher tout "recul" (du libéralisme). Cela rend donc toute évolution favorable aux citoyens impossible, alors que le droit du marché et de la concurrence relève de la majorité qualifiée, qui ouvre donc plus facilement la voie à modification.
Enfin, avec les bons principes de l’article I,3 que le reste du texte rend impossible à respecter, ce traité n’apporte aucune avancée sociale réelle, bien au contraire. Les droits fondamentaux s’effacent devant la nécessité de traiter la politique économique comme une "question d’intérêt commun" (art III,71) dans le "respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre et non faussée" (art III,70).

Vous avez tout compris ?

Si vous n’avez pas compris grand chose à ces explications, dites-vous que vous êtes dans la même situation que 80% de nos députés, sénateurs, conseillers économiques et sociaux, élus de toutes obédiences qui ont eu leur mot à dire sur ces textes et qui, même avec la meilleure volonté du monde, n’ont pu ingurgiter les milliers de pages qui permettent de résumer les tenants et aboutissants ayant mené à "ce texte de compromis".
Seuls quelques rares experts l’ont fait, dans les deux camps. Savez-vous de quoi vit un expert juridique ou en matière économique et sociale s’il n’est pas fonctionnaire ? Il est "consultant" et il doit vendre son travail, généralement à des grandes entreprises ou à des organismes parapublics. Il est (théoriquement) mis en concurrence et l’avis que portent sur lui ses confrères et le microcosme politique est déterminant pour assurer ses fins de mois. Ne vous étonnez pas si les conclusions de ces experts vont dans le sens de ce qu’est censé penser celui qui fait la commande et paie la facture, généralement d’ailleurs en notre nom !
C’est parce qu’il représente un véritable recul social effectif, au-delà de la musique des mots qui chantent le contraire, que nous nous opposons à ce traité tel qu’il nous est proposé. Messieurs les politiciens, revoyez votre copie, trop alambiquée pour être honnête !

Pour le comité "Non à ce traité",
un des rédacteurs,
Jean-Marc Tagliaferri


La campagne de l’U.M.P. et du P.S. pour le “oui”

Arète pran Kréol pou kouyon !!!

Le vendredi 18 février dernier au Conseil général, Brigitte Girardin a ouvert officiellement la campagne électorale de l’U.M.P. pour le “oui” au référendum du 29 mai sur le projet de traité constitutionnel européen. Aux côtés de la représentante du gouvernement Raffarin, Jean-Claude Fruteau s’est lancé dans une violente attaque contre tous ceux qui - jusque dans son propre parti - s’opposent à ce texte institutionnalisant une Europe soumise à la loi du marché. Falsifiant la position de ceux qui militent pour une autre Europe, le dirigeant socialiste a prétendu que ces derniers sont contre l’Europe.
Le dimanche 27 février sur Télé-Réunion, le même Jean-Claude Fruteau poussait encore plus loin l’insulte contre les partisans du “non” au référendum, en prétendant que c’est là "donn in koud pié dan son zasiète manzé". Un “argument” qui nous ramène plusieurs dizaines d’années en arrière, quand les fraudeurs disaient aux Réunionnais : voter communiste ou voter à gauche c’est voter contre la France et c’est voter contre les allocations familiales, la retraite des vieux etc.
Quelques jours plus tard sur Radio-Réunion, le secrétaire fédéral du Parti socialiste, Gilbert Annette, reprenait en substance le même “argument”.
Et qu’a sorti mercredi soir Jean-Luc Poudroux sur Antenne Réunion ? À l’occasion du second lancement de la campagne de l’UMP à La Réunion pour le “oui”, il s’est inspiré de l’argumentaire socialiste en déclarant : ne pas approuver ce projet de Constitution européenne c’est s’opposer à l’Europe et aux fonds structurels européens ; c’est prendre le risque faire perdre aux Réunionnais les aides qu’ils reçoivent de l’Union européenne !


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