Débat sur le référendum du projet de Traité constitutionnel européen

Le M.R.C. : ’Un recul sans précédent pour l’Outre-mer’

3 mars 2005

Jean-Claude Soupramanien, secrétaire fédéral du Mouvement républicain et citoyen (MRC) à La Réunion et Pascal Basse, délégué national du MRC à l’Outre-mer, ont fait parvenir à “Témoignages” un texte expliquant leur opposition au projet de Traité constitutionnel européen, qui sera soumis à référendum vraisemblablement en mai prochain. On lira ce texte ci-après.

(page 5)

S’il a fallu attendre le début du XXIe siècle pour que l’on reconnaisse enfin aux départements d’Outre-mer français la pleine égalité sociale, c’est vers la recherche de l’égalité économique que tous les efforts se doivent désormais de converger. Pour atteindre cet objectif, l’Outre-mer doit pouvoir continuer de bénéficier de l’ensemble des dispositifs nationaux et européens qui permettent de rattraper ses retards de développement et de pallier à ses handicaps structurels.
Le projet de traité de constitution européenne ne l’engage malheureusement pas dans cette voie. Pire, il risque même de constituer un recul sans précédent pour l’Outre-mer en fragilisant l’ensemble des dispositifs qui lui permettent de réduire ses retards, d’atténuer ses handicaps structurels et de renforcer ainsi les bases de son développement.

La transformation de l’article 299.2 du traité d’Amsterdam en article III.330 du projet de traité n’est pas sans conséquences sur le fond : jusqu’à présent la possibilité, pour les sept Régions ultra périphériques européennes (RUP, à savoir Açores, Canaries, Madère, Guyane, Martinique, Guadeloupe et Réunion), de bénéficier de "mesures spécifiques", et donc dérogatoires, concernant l’application des politiques communautaires, dépendait d’un vote du conseil à la majorité qualifiée. Le projet de traité de constitution européenne, qui passe à la trappe la notion même de "mesures spécifiques", entend soumettre les politiques douanières, commerciales, fiscales et les conditions d’accès aux sfonds structurels (aides aux régions en retard de développement), à un vote du conseil à l’unanimité. Au sein du conseil, les pays membres concernés par la défense des intérêts des RUP sont au nombre de trois (France, Espagne, Portugal) sur 25 pour l’instant, sur 27 bientôt... Le rapport de force parle de lui-même.
En outre, en subordonnant toute mesure en direction de l’Outre-mer à la règle de l’unanimité, le projet de traité "constitutionnel" est, dans le contexte de l’élargissement, source de tensions budgétaires accrues entre les différentes régions éligibles à l’objectif 1 (régions en retard de développement, dont le PIB par habitant est inférieur à 75% de celui de la moyenne communautaire), notamment entre la plupart des régions des dix nouveaux états membres d’Europe centrale et orientale et les sept RUP.
Véritable clé de voûte du projet de traité constitutionnel, le principe de "la libre concurrence non faussée", menace la fragile cohésion sociale de l’ensemble de l’Outre-mer. Le projet de traité ne place le principe de service public ni dans ses "valeurs" (I.2) ni dans ses "objectifs" (I.3). Son ersatz, les "services d’intérêt économique général", n’est conçu que comme une dérogation juste tolérable à la libre concurrence. Toute perspective de rattrapage en Outre-mer du niveau et des moyens des services publics métropolitains paraît désormais illusoire.

En outre, si le projet de traité n’évoque jamais le principe de préférence communautaire en matière d’agriculture et de pêche, le dogme de la "libre concurrence non faussée" suppose l’application pure et simple de la loi du marché, laquelle, en favorisant les importations à bas coûts, fait peser de lourdes menaces sur les productions agricoles d’Outre-mer subventionnées jusque-là par la PAC.
Il y aurait beaucoup à dire sur le projet de traité "constitutionnel" et son application en Outre-mer. Il tend pour l’essentiel à limiter les dispositions concernant l’Outre-mer à celles relevant du droit commun à toutes les régions de l’Union européenne, ce qui ne permet pas de réunir les conditions d’un développement qui prennent réellement en compte l’ensemble des problématiques auxquelles sont confrontés ces espaces. Dans des espaces ultramarins, où la cohésion sociale et le développement économique restent fragiles, le projet de traité "constitutionnel" suscite de réelles inquiétudes et rend l’avenir de plus en plus incertain.

Jean-Claude Soupramanien
Pascal Basse


Fruteau et Girardin à la même tribune

Les “oui-oui” ensemble

Depuis le vendredi 16 février dernier, les dirigeants socialistes ne savent plus quoi dire ni à quel saint se vouer. Ce jour-là se déroulait au Palais de la Source, une conférence débat autour de nos relations avec l’Europe. Principale invitée, Mme Girardin lançait la campagne pour le “oui”. Autre orateur de la soirée, Jean-Claude Fruteau lui emboîtait le pas. Le parlementaire socialiste allait un peu plus loin que la ministre, en dénigrant devant elle et publiquement les partisans du “non” dont certains se recrutent au sein même du parti socialiste.
L’attitude de Jean-Claude Fruteau et ses déclarations étaient en contradiction avec prises de position antigouvernementales de la fédération. On avait l’image d’un double-langage.
Depuis, les responsables fédéraux essaient de trouver la parade. "Ce n’est pas parce que Le Pen est pour le “non” qu’il faut dire que tous les partisans du “non” sont des lepenistes", disent-ils en substance.
Le PS est divisé sur le référendum. François Hollande milite pour le “oui”, Laurent Fabius est pour le “non”. Mais, jamais on ne verra le second prendre la parole à côté du leader du Front National pour mener campagne pour le “non”. Jamais on ne verra le premier à la tribune auprès d’un membre du gouvernement pour défendre le “oui”. Le premier secrétaire du PS a refusé de participer à côté de Jacques Chirac au meeting organisé à Madrid par le Parti socialiste espagnol en faveur du “oui”. Dans un cas comme dans l’autre, les dirigeants socialistes ont refusé de mêler leur voix pour le “oui” comme pour le “non” avec celle des autres et, qui plus est, avec celle d’adversaires.
À La Réunion, les dirigeants socialistes n’ont pas pris la même précaution : ils ont envoyé Jean-Claude Fruteau soutenir la ministre de l’Outre-mer dans sa campagne et le député européen est même allé plus loin, en insultant devant la représentante du gouvernement, des partisans du “non” dont de nombreux socialistes !

J.M.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus