Discours de Thabo Mbeki contre l’exclusion

Le marché n’est pas une solution pour l’Afrique

5 juin 2004

Le président sud-africain Thabo Mbeki a rejeté la “pensée unique” selon laquelle les mécanismes de marché peuvent à eux seuls, régler les problèmes de l’Afrique.
S’exprimant lors du Sommet économique africain qui s’est ouvert mercredi à Maputo, le dirigeant sud africain a soutenu que l’Union européenne, l’un des blocs économiques les plus développés du monde, continue de faire de gros investissements dans des pays en voie de développement. "Ils ont réalisé que certains de leur États membres sont si sous-développés qu’on ne peut les livrer à eux contre les forces du marché. Il n’est pas vrai que ces régions ont seulement besoin de se rendre attrayant pour attirer l’investissement. Ca ne marche pas. Le développement ne sera pas réalisé dans ces régions seulement en dépendant du marché", a soutenu Thabo Mbeki.
Il a plutôt affirmé la nécessité d’une intervention de l’État et s’est attaqué à l’idéologie du marché libre. "Le secteur privé ne pourra tout régler par lui-même en Afrique, tout comme aux États Unis. Mais ce que nous entendons aux États Unis en termes philosophiques est que le marché résoudra tout. Ce n’est pas vrai", a relevé le président sud-africain. Il a également mis en garde contre tout système social qui rejette tout un groupe de personnes "parce qu’elles sont inadaptées au marché". "En Afrique, il existe toujours un sens prononcé de la communauté. L’idée de l’individu atomisé qui se prend entièrement en charge n’est pas généralisée", a déclaré M. Mbeki.


Pour d’autres rapports avec l’Occident

Le ministre sud-africain des Finances a déclaré mardi au sommet, que les relations économiques entre les pays développés et l’Afrique n’ont pas beaucoup changé depuis les temps coloniaux, mais sont plutôt restées caractérisées, à peu de choses près, par "l’extraction de richesses". Il a souligné que malgré des améliorations dans l’environnement juridique, "la majeure partie de l’investissement étranger direct constitue toujours une exploitation de richesse, notamment le pétrole".
M. Manuel, l’un des participants à un panel sur "Les obstacles à la croissance de l’Afrique" a également noté que le protectionnisme appliqué par les pays occidentaux riches pour se développer, "n’est plus possible aux Africains". Selon lui, l’Afrique a été fragmentée en 53 États souverains "chacun avec son propre drapeau, sa bourse de valeurs, sa banque centrale et sa monnaie".
Il a soutenu que les marchés sont trop exigus, et le seul moyen de s’en sortir est de mettre en place des blocs économiques régionaux. Il a noté que l’Afrique n’a pas été en mesure d’empêcher la fuite des capitaux, précisant que "60% de notre épargne est investie en Occident".
Un autre intervenant, Xavier Sala-I-Martin de l’Université de Columbia aux États Unis a soutenu pour sa part, que "L’Europe ne changera pas", ajoutant que l’Afrique, dans l’avenir prévisible, devra faire avec les subventions accordées par le vieux continent et l’Amérique, à ses agriculteurs. Il a enfin averti que "si l’Afrique répond au protectionnisme de l’Europe par son propre protectionnisme, elle agira contre ses propres intérêts".


Changer des comportements

S’exprimant au nom de la communauté des affaires lors du Sommet économique africain, Reuel Khoza, le président de la société sud-africaine d’électricité, Eskom a indiqué que le Mécanisme de revue des pairs du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) devrait être renforcé. Il a soutenu que ce mécanisme devrait récompenser ceux (parmi les dirigeants africains) qui se comportent bien et "sanctionner les pairs qui violent les règles".
Cependant, le président de l’UA, Joachim Chissano, a expliqué que le Mécanisme de revue des pair n’est pas destiné à être punitif. "Il s’agit d’un mécanisme censé apporter des changements", a-t-il dit, ajoutant néanmoins, que nonobstant ce qui est écrit, les investisseurs se tiendront à l’écart de ceux qui font de mauvaises performances.


L’importance de la politique

Le gouverneur de la Banque du Botswana a indiqué que la réussite économique de son pays n’est pas seulement due à la découverte de diamants à un an de l’indépendance. "Les diamants ne constituent qu’une partie de l’Histoire. Les ressources minérales ne peuvent en elles-seules développer un pays. Ce qui a réellement fait le développement du pays, ce fut la qualité de ses politiques économiques, cela est incontestable", a-t-elle souligné. Mme Moholo a évoqué la décision du gouvernement de ne pas utiliser les ressources provenant du diamant au bénéfice d’un quelconque groupe ou secteur particulier mais plutôt, de les employer dans des "projets grandioses". Elle a précisé que l’État a plutôt développé les infrastructures physiques et sociales, en créant un réseau routier adéquat, une croissance annuelle de 7%, et en favorisant une hausse spectaculaire de l’espérance de vie et des taux d’alphabétisation, des acquis cependant menacés actuellement par les ravages de la pandémie du VIH/SIDA.


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