Référendum sur la Constitution européenne

Le “oui” ne sait plus sur quel pied danser

26 janvier 2005

Ce week-end, l’UDF tenait son congrès à Paris. Ce mouvement a bien des représentants à La Réunion. Certains élus de l’île se réclament de lui. Mais tous sont restés silencieux et aucun n’a osé exprimer son sentiment, dire s’il suivait ou pas avec intérêt les débats internes à son propre parti.

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Mais il faut croire que ce silence, cet immobilisme est une règle chez tous ceux qui appartiennent à un appendice réunionnais d’un mouvement politique français. Ainsi, aucun dirigeant de la fédération de l’UMP ne s’est exprimé quant à l’élection de Nicolas Sarkozy à la tête du parti. Les socialistes ont consciencieusement botté en touche le débat interne sur le projet de Constitution européenne. On sait qu’une majorité s’est dégagée pour le “oui” sans que l’on sache réellement sur quelles bases.
Or, justement, le “oui” est en train de chanceler.
Les sondages donnent actuellement une large avance au “oui” mais le climat social et la question turque font peser de lourdes incertitudes sur l’issue du scrutin.
Cité par “Le Monde”, Stéphane Rozès, de l’institut CSA-Opinions, déclare : "on ne sait pas si les électeurs vont, ou non, instrumentaliser les échéances électorales pour exprimer leur mécontentement... Ils l’ont fait pendant les régionales. Vont-ils le faire lors du référendum ?"
Car, dans le camp des partisans du “oui”, des fissures apparaissent.
Depuis hier mardi, l’Assemblée nationale a commencé l’examen du projet de révision de la Constitution française, étape nécessaire avant l’adoption du projet de Constitution européenne. Il faut en effet mettre la première en adéquation avec la seconde.
Or, les députés socialistes qui ont appelé à voter “non” au sein de leur parti ne veulent pas, pour la majorité d’entre eux, être en contradiction avec eux-mêmes. Ils auraient souhaité voter “non” au projet de révision constitutionnelle. Ils ont obtenu un compromis de la part de la direction de leur parti : ils pourront s’abstenir lors du vote. L’entourage de François Hollande craint que les défections soient nombreuses : une abstention de la part de plus de 40 députés serait un désaveu.

SILENCIEUX

À droite, les interrogations des présidents de l’UMP et de l’UDF, Nicolas Sarkozy et François Bayrou, viennent compliquer la tâche des partisans du “oui”.
Le premier souhaitait consulter les cadres de son parti sur l’entrée de la Turquie dans l’Union. L’initiative a été considérée par les chiraquiens comme une nouvelle attaque contre Jacques Chirac, partisan d’une entrée de la Turquie dans l’Union. Le président de l’UMP va donc proposer à son parti de se prononcer sur un texte "réaffirmant notre volonté d’une Europe politique puissante et intégrée, demandant à l’UMP de voter “oui”, et de s’engager fortement dans la campagne référendaire et s’opposant à l’adhésion de la Turquie en lui préférant la formule de partenariat privilégié".
François Bayrou et l’UDF ont adopté une position quasi-identique. Ils appellent la majorité à dire oui tout en n’évitant pas les questions difficiles dont celle de l’adhésion de la Turquie !
Hervé Morin, le président du groupe UDF à l’Assemblée nationale, lui, appelle Jacques Chirac à "engager sa responsabilité" sur le scrutin. De nombreux observateurs estiment que l’UDF veut renouveler le coup fait en 1969 au général de Gaulle. À la suite de la victoire du “non” lors du référendum sur la réforme des régions et du Sénat, le chef de l’État avait alors démissionné.
Il est réellement dommage que les politiques réunionnais impliqués dans les batailles du mouvement auquel ils appartiennent -et qu’ils soient à l’UMP, à l’UDF ou au PS - restent silencieux sur toutes ces péripéties.

J. M.


Après le congrès de l’UDF

Bayrou obsédé par 2007

Lorsqu’on écoute François Bayrou d’une oreille distraite, on a le sentiment qu’il est le premier opposant à Jacques Chirac et au gouvernement Raffarin. Le président de l’UDF réélu ce week-end, sans candidat face à lui, président de l’UDF avec 98,46% des voix, aime jouer le rebelle. "Nous continuerons à parler, y compris au président de la République. Parce qu’il n’y a pas, en France, de crime de lèse-majesté !", a-t-il lancé vendredi dans son discours d’ouverture du congrès.
Et de montrer ses muscles en affirmant : "La politique a besoin de rugosité. Je ne changerai pas d’un iota". Le ton était donné et pendant deux jours les différents responsables du parti centriste ont fait assaut de surenchère à la Mutualité de Paris.
On dénonce les "réformes du gouvernement qui ne permettent pas d’obtenir le résultat escompté, comme en matière d’assurance maladie", ou "les promesses qui ne pourront pas être tenues". François Bayrou veut "un gouvernement de vérité, de sincérité même quand les temps sont difficiles".

Mêmes propositions que Sarkozy

Pourtant, si l’on regarde de plus près, on s’aperçoit rapidement que cette UDF veut "être une force d’opposition", "non pas au gouvernement", "mais au marasme du pays", selon les propres mots de son président. Un concept plutôt flou qui sert à masquer que l’opposition de François Bayrou n’est pas sur le fond de la politique du gouvernement.
Quand il affirme que "la fracture sociale ne s’est pas résorbée, elle s’aggrave. Elle atteint aujourd’hui les salaires moyens", il propose comme solution la fin des 35 heures et la réduction drastique du nombre de fonctionnaires. Sa "nouvelle politique des salaires", fondée sur l’augmentation des heures supplémentaires et l’intéressement aux résultats des entreprises, ressemble comme deux gouttes d’eau aux propositions de Nicolas Sarkozy.
Les réponses de l’UDF pour réduire la "nouvelle fracture sociale" sonnent furieusement comme celles du gouvernement. L’opposition de François Bayrou vis-à-vis du gouvernement n’existe en réalité que dans le ton qu’il emploie. Sa "rugosité" lui sert uniquement à se démarquer tactiquement pour exister dans la perspective de 2007 et ce n’est pas du goût de tous ses amis.
Ainsi Gilles de Robien, le seul ministre UDF, estime que sa formation "est dans la majorité et a vocation à gouverner". Mais François Bayrou n’en démord pas, comme son amie et éminence grise, la députée européenne Marielle de Sarnez, il estime que "si l’UDF ose affirmer sa différence, couper le cordon ombilical, n’être plus prisonnière d’un camp, alors elle gouvernera la France".

Un jeu politicien du oui-non

À vouloir se singulariser, François Bayrou ne risque-t-il pas de marquer contre son camp, notamment sur la question de l’Europe ? La question inquiète certains au parti centriste. Si, sans surprise, l’UDF annonce qu’elle votera oui au référendum sur la Constitution européenne, certains ténors semblent tentés par le non.
Ainsi, Jean-Christophe Lagarde a plaidé pour le non comme "seul moyen d’obliger Jacques Chirac à retourner négocier la question turque". À mots couverts, déjà certains accusent leur président d’instrumentaliser avec "ses amis" le référendum sur la Constitution européenne, en agitant l’épouvantail turc pour affaiblir le chef de l’État.
"François défend publiquement le oui au nom du destin et de l’avenir de l’Europe, mais il estime secrètement qu’une victoire du non favoriserait son avenir et son destin personnel", glisse même, sous couvert d’anonymat, un dirigeant du parti centriste.
L’hypothèse pourrait trouver du crédit suite aux déclarations d’Hervé Morin, président du groupe UDF à l’Assemblée nationale, qui estime que le référendum est "à haut risque", car il "sera le moyen pour nos compatriotes de donner une baffe à la classe dirigeante" tout en insistant pour que le président de la République "engage sa responsabilité sur cette question comme le faisait le général de Gaulle à chaque référendum, à chaque élection législative".
Ce petit jeu politicien du oui-non a fait déraper Jean-Marie Cavada, député européen, qui a affirmé que "ceux qui font la fine bouche devant la Constitution européenne devraient avoir en mémoire les photos d’Auschwitz".
On est bien loin du débat politique sur l’Europe qu’attendent les Français.


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