Affolement chez les partisans du “oui” à La Réunion

Le P.S. et Mme Girardin ouvrent ensemble la campagne

21 février 2005

Malgré les conditions climatiques et les menaces de manifestations sociales, malgré les remous créés par ses déclarations sur les TOS, la ministre de l’Outre-mer a tenu à venir à La Réunion. Maintenant on sait pourquoi : elle voulait à tout prix ouvrir la campagne du “oui” au prochain référendum sur le projet de Traité constitutionnel européen. Et elle l’a fait avec le soutien du responsable socialiste local, Jean-Claude Fruteau.

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Le lancement de la campagne de l’UMP pour le “oui” au référendum sur la Constitution européenne s’est fait d’une manière détournée à l’occasion d’une rencontre vendredi au Conseil général. Rencontre dont l’objectif réel avait été caché. En effet, le carton d’invitation adressé aux élus ne parlait que d’un débat sur l’Europe. Et dans un entretien accordé au “Journal de l’île”, sans même évoquer cette initiative, Mme Girardin indiquait qu’elle venait à La Réunion pour démontrer l’importance de l’Europe pour les DOM.
En maintenant son séjour et en lui donnant comme thème essentiel celui de l’ouverture officieuse de la campagne du “oui”, la ministre de l’Outre-mer exprime une certaine inquiétude et marque un affolement manifeste. Non seulement au vu des sondages le “oui” n’est plus du tout sûr de l’emporter, au point que Paris va décider d’accélérer le processus du référendum mais ici, à La Réunion, les partisans du “oui” sont passablement inactifs. La Relève et les sarkozystes peï ne sont pas très pressés de faire triompher le camp chiraquien. Quant aux socialistes dirigeant la fédération locale du PS, ils sont pris à leur double jeu.

Jean-Claude Fruteau énervé

Si le secrétaire fédéral du PS, Gilbert Annette, s’est transformé vendredi à Gillot en agitateur-récupérateur de manif pour contester la politique Raffarin et faire monter la pression sociale, Jean-Claude Fruteau s’est fait le complice de Mme Girardin, vendredi après-midi au Palais de la Source. Alors que la locataire de la Rue Oudinot avait usé d’arguments classiques, l’élu socialiste est allé encore plus loin : il a agressé l’Alliance par des accusations sans preuves et en prenant à témoin une ministre du gouvernement Raffarin, des élus sarkozystes et de la Relève. Il a indiqué ainsi que la fédération socialiste, Mme Girardin et ses alliés locaux n’ont qu’un adversaire commun : l’Alliance !
Jean-Claude Fruteau a en effet beaucoup de mal à justifier le positionnement de son parti qui, sur le plan national (voir encadré) suit le gouvernement. Comment critiquer et attaquer la politique gouvernementale tout en demandant à approuver le projet de constitution et la construction européenne actuelle ?

Tout est lié

Or, tout est lié. On a un exemple avec les débats sur les critères de convergence.
Le Traité de Maastricht impose aux États membres de l’Union européenne des règles communes en matière financière et comptable. Il est recommandé que le déficit public (celui de l’État et des diverses caisses sociales) ne dépasse pas 3% du PIB (Produit Intérieur Brut). Depuis deux années, la France et l’Allemagne n’ont pu mettre en application cette règle. Ils ont demandé une révision de cette clause qui leur serait plus favorable.
Jean-Claude Juncker, le président en exercice de l’Union européenne, n’est pas partisan d’une remise en cause et ne souhaite pas que l’on touche aux prérogatives de Bruxelles. Il vient de reconnaître que des divergences existent. Il a appelé à ne pas "écouter ceux qui mènent des combats d’arrière-garde", faisant allusion aux déclarations d’Hervé Gaymard. Il a ajouté : "la réforme du pacte ne touchera pas au droit d’initiative de la Commission européenne d’une quelconque façon".
Cela revient à dire que Bruxelles doit pouvoir sanctionner tout État membre, ne respectant pas les règles de conduite communes.
Si Jean-Claude Juncker obtenait gain de cause, cela signifierait que l’État français reste sous le contrôle de Bruxelles et qu’il devra, selon la ligne de conduite que s’est fixée Jean-Pierre Raffarin, continuer la politique d’austérité qu’il mène.
Si l’on est logique avec soi-même, contester la politique Raffarin doit déboucher sur une contestation de la construction européenne actuelle. Ce que ne fait pas le PS.

J. M.


Procédure accélérée du référendum : le P.S. suit le gouvernement

Jean-Pierre Raffarin a mis tout son poids dans la balance à la fin de la semaine dernière au Sénat, pour arracher au PS et à l’UDF le vote sans le moindre amendement du texte de révision de la Constitution, qui adapte par avance la loi fondamentale française au traité constitutionnel européen. Une procédure indispensable pour réunir dans la foulée, le Congrès des députés et sénateurs chargé d’entériner définitivement la réforme. Le chef du gouvernement a su toucher la corde sensible, rappelant l’incertitude qui pèse sur l’issue finale de la consultation des Français. Le moyen le plus sûr de conjurer une éventuelle coalition PS-UDF tentée de jouer la fronde contre une UMP qui a perdu la majorité absolue aux dernières sénatoriales.
Pour Jean-Pierre Raffarin, il est urgent "d’aller vite car le "non" exprime une inquiétude réelle. Lors de la campagne référendaire sur le traité de Maastricht, on a attendu les quinze derniers jours pour [se] préoccuper [d’une révision constitutionnelle]".
"En bonne logique, nous devrions être confiants dans l’issue du référendum. Or, ce n’est pas gagné", a rappelé de son côté Hubert Haenel (UMP), président de la délégation du Sénat pour l’Union européenne.
Le sous-entendu est limpide : plus tôt est levé l’obstacle du Parlement pour inscrire le traité dans la Constitution française, plus les chances grandissent d’éviter le scénario d’un nouveau Maastricht où le “oui” ne l’a emporté que de justesse. Le camp du “oui” compte sur cette inscription anticipée pour amadouer les Français et assurer au gouvernement la marge de délai suffisante pour écourter une campagne qui voit le “non” progresser dans l’opinion.
Seul le groupe des élus communistes, républicains et citoyens (CRC) a voté contre le projet de loi, sa présidente, Nicole Borvo Cohen-Seat, dénonçant cette volonté d’"instrumentaliser le Parlement". Pour l’élue de Paris, "il est grave que le Parlement valide par anticipation le traité au terme d’un débat limité", et participe à une campagne qui "risque de se limiter à "oui au traité ou le chaos"". "Nos concitoyens ont droit à un débat sur le contenu du traité", a conclu la sénatrice.


Le “oui” timide des Verts

Autre signe d’inquiétude pour le partisan du “oui” lors du référendum interne, 44,5 % des adhérents verts se sont exprimés contre le traité constitutionnel.
"La victoire du "oui" est plus serrée que nous ne l’avions imaginée ; je suis déçue", expliquait mardi dernier Dominique Voynet, sénatrice de Seine-Saint-Denis, à l’issue de la consultation des militants Verts sur le projet de texte constitutionnel européen.
S’ils ont dit “oui” en effet, quelque 44,5% d’entre eux, si l’on ne tient pas compte de 5,30 % d’abstention, ont exprimé un avis contraire par référendum interne organisé par courrier. Un résultat qui, comparé à celui enregistré il y a plusieurs semaines au sein du PS, montre une opposition grandissante au traité, directement proportionnelle à ce que constatent les différents sondages dans l’opinion publique.
Ce "oui ric-rac", "du bout des lèvres", selon Francine Bavay, vice-présidente Vert de la région Île-de-France, a été aussitôt commenté par le nouveau secrétaire national, Yann Wehrling, partisan du “oui”, comme étant en phase avec ceux "qui se posent de bon droit des questions sur le traité". La distance ainsi posée par les militants renforce au sein de cette formation la nécessité de ne pas mener de campagne avec la direction du PS.
Celle-ci n’aurait évidemment pas vu d’un mauvais œil une victoire du “oui” dans de plus amples proportions, d’autant que les Verts, selon un sondage “IPSOS-le Point” publié jeudi, reste la formation politique la mieux jugée par les Français avec 53 % d’opinions favorables. Un PS qui ne peut pas non plus se réjouir de la victoire du “oui” au sein du PRG de Jean-Michel Baylet où le “non”, principalement exprimé dans le Sud-Ouest, a recueilli 32,35% dans des conditions contestées par Émile Zuccarrelli, député et maire de Bastia, partisan du “non”.
La porte est désormais de plus en plus étroite pour François Hollande. Ceci explique sans doute le souhait qu’il a formulé en symbiose avec la droite de voir accélérer le processus conduisant à un référendum le plus rapidement possible pour tenter ensuite de faire oublier cet épisode lourd de dangers pour le PS et de crise interne. Selon des sources proches du premier secrétaire du PS, "plus vite on en aura fini, plus vite on entrera dans la phase active" en fonction des échéances de 2007, misant sur le fait qu’il y a une vie après le référendum.


Réaction du Mouvement Républicain Citoyen

Avis de forte tempête sur La Réunion

La ministre de l’Outre-mer, Brigitte Girardin, actuellement en position stationnaire sur La Réunion, proposait jeudi de saisir l’opportunité de la prochaine révision constitutionnelle pour retoucher l’article 73 et permettre ainsi une plus grande adaptation du texte aux spécificités de La Réunion. Ce petit bricolage institutionnel permettait en outre de régler le problème posé par le transfert des TOS à La Réunion. Depuis, et après avoir déclenché une violente tempête du côté de l’UMP locale, elle dément. Peu importe.
Le gouvernement auquel appartient Brigitte Girardin semble avoir pris la fâcheuse habitude de chercher des solutions à nombre de problèmes dans les procédures de révision de notre Constitution : la mise en place des conditions d’adoption par référendum du traité de Constitution européenne hier, le transfert des TOS aujourd’hui...
Jadis, les socialistes voulaient "changer la vie". La droite, quant à elle, limite ses prétentions à vouloir changer la Constitution. Chirac et Raffarin inventent la Constitution “pâte à modeler”. À quand la jetable ?
Mme Girardin choisit très mal son moment pour relancer le débat statutaire à travers sa proposition de modification de l’article 73. Le point 7 de l’article IV du projet de Traité constitutionnel européen stipule que si, pour modifier le statut européen d’une collectivité de l’Outre-mer français, la règle de l’unanimité est maintenue, la procédure est maintenant simplifiée puisqu’elle nécessite désormais une simple décision du Conseil, "prise sur l’initiative de l’État membre concerné". Notons que cette nouvelle disposition ne s’applique pas aux RUP espagnoles et portugaises. Quelles sont ses implications ?
Concernant les DOM français, toute évolution de leur statut risque de conduire à la remise en cause de leur appartenance à l’Union européenne par le gouvernement français lui-même. Avis aux amateurs : les portes des PTOM (pays et territoires d’Outre-mer), juste associés à l’U.E. et faibles bénéficiaires des aides européennes, leur sont grandes ouvertes. Le chantage à l’Europe, désormais possible, serait un ignoble moyen de pression.
Ce traité de Constitution européenne comporte bien d’autres "surprises" pour l’Outre-mer. Nous aurons l’occasion de les évoquer prochainement.
Pour revenir au problème qui nous préoccupe, celui des TOS, une solution sans conséquence sur le statut des territoires existe. Elle est d’ailleurs réclamée par la quasi totalité des régions françaises : il suffit simplement que le gouvernement annule leur transfert aux collectivités sur l’ensemble du territoire national et le ciel s’éclaircira, à La Réunion comme ailleurs. La simplicité, c’est peut-être aussi cela la "positive attitude".

Pascal Basse,
délégué national du M.R.C. à l’Outre-mer


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