Pendant les vacances au Mali

Le retour aux sources des enfants d’émigrés

30 juillet 2004

De plus en plus de jeunes d’origine africaine vivant en France vont en Afrique durant leurs vacances, encadrés par des associations, pour se rendre utiles et découvrir le pays de leurs ancêtres. Ils en reviennent avec un autre regard sur le monde et sur eux-mêmes.

La bibliothèque de l’école de Ouakam, au Sénégal, la clôture de 440 mètres d’une autre école à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, ce sont des jeunes Français d’origine africaine qui réalisent ces chantiers. "Cela leur donne la fierté d’avoir fait une action concrète", affirme Louis-Mohamed Sèye, 40 ans, conseiller municipal de Fontenay-sous-Bois, dans la région parisienne. Avec son association, la Fédération nationale des associations franco-africaines, il organise 3 ou 4 chantiers par an en Afrique subsaharienne. Les jeunes un peu déstructurés qui se lamentent d’une "société française discriminante se rendent compte lors de leurs séjours qu’il y a des gens qui galèrent plus que nous, et qui ont donc du mérite", explique-t-il. Au retour, ils sont animés d’une nouvelle "dynamique citoyenne" et participent plus facilement aux activités de la ville.
L’Afrique est devenue une destination humanitaire et sociale pour un nombre croissant de jeunes issus de l’immigration. Ils y participent à des chantiers de construction ou à des actions culturelles. "Ces jeunes sont confrontés à une fragilisation de leur construction identitaire. Souvent les jeunes ne sont que dans le quartier", constate Coumba Traoré. déléguée aux relations internationales à Léo Lagrange, une grosse association d’éducation populaire. En discutant avec eux, il apparaît qu’ils ont trois souhaits : se rendre utiles, faire de l’humanitaire et voyager. Selon elle, cela veut dire "j’ai envie de me revaloriser pour donner une autre image de moi". "Eux, ils sont en France. Leurs racines, inconsciemment, sont en Afrique. Tout cela, c’est enfoui", explique-t-elle. "L’image de leur père et de leur mère est complètement dégradée, négative. L’image du père, c’est celle du père immigrant. Et c’est l’image du continent africain. Comment restaurer tout cela ?"

"Ressourcement"

À Montreuil, avec son Association pour le développement du Cercle de Yélimané (ADCYF) au Mali, Douga Cissé travaille cette image, en collaboration étroite avec les mères, car "on sait que le papa va travailler, que c’est la maman qui est confrontée aux problèmes quotidiens des enfants". Certains jeunes ont "des problèmes relationnels avec les parents. C’est à dire qu’il y a des conflits de générations", affirme-t-il sans fard. Et ajoute-t-il "souvent quand on parle de délinquance, on montre du doigt l’Arabe ou le Noir". Sa solution, c’est "le ressourcement".
Pas de chantiers mais des séjours au Mali, au sein de leurs propres familles pour "savoir d’où l’on vient, pour savoir où l’on va". Grâce à la Mairie qui assure 80% du financement, le reste étant payé par les familles, chaque année de 30 à 50 jeunes partent. Sur place, ils voient ce que la communauté immigrée réalise. "Quand on leur dit “au départ il n’y avait rien au village, les enfants allaient à l’école à 10 km et maintenant ils ont une école”, ça les touche", raconte-t-il. De même lorsqu’ils voient le centre de santé qui permet de se faire soigner sur place, ils se disent qu’il y a vraiment eu un progrès. C’est ce qui a poussé beaucoup de jeunes à se dire qu’ils pouvaient eux aussi faire quelque chose.

"On va être plus grands dans notre tête"

Grâce à l’ADCYF, Mamadou Traoré part cet été encadrer d’autres jeunes. "J’ai 21 ans et je n’ai pas encore été dans mon pays", dit-il. "Il faut que je découvre le climat, les conditions de vie là-bas. Il ne faut pas oublier que le Mali, c’est pauvre. Mais culturellement, c’est riche. On voit toujours le sourire aux lèvres des gens".
Cependant, les jeunes ne sont pas toujours aussi convaincus avant le départ. "Quand on parlait du Mali aux jeunes, c’était la peur", raconte Cissé. "Les parents vont peut-être me garder là-bas, et je ne reviendrai plus. Il y a tous les problèmes du monde...", s’inquiètent certains. Aramata Cissé, 16 ans, qui s’en va bientôt, malgré l’hospitalité malienne vantée par ses copines, a, elle, la hantise de tomber malade.
Ceux qui sont rentrés ravis de leur séjour se passent le mot. Pour Atoum Soumaré, 19 ans, qui, avec son association Benkan Solidarité, a agrandi une pouponnière de Bamako, l’expérience a été concluante. Elle se rappelle avec émotion la situation des enfants de la rue à Bamako et la gentillesse des habitants : "On évolue : on ne va pas faire de gâchis, on va être plus grand dans notre tête, on sera apte à donner des conseils. On a certaines références aussi, parce qu’avec toute la préparation du projet, je pense qu’on a appris beaucoup de choses. Cela m’a donné un peu plus confiance en moi. Je vais plus de l’avant".
De l’avis de Coumba Traoré, c’est une forme de "thérapie sociale", à laquelle de plus en plus de "jeunes Européens et Français aux yeux bleus" ont également recours. "Ils partent avec l’idée d’aller aider", conclut-elle. "Mais ils ne se rendent pas compte qu’en y allant c’est pour s’aider eux-mêmes".

Moctar Kane (Syfia)


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Messages

  • salut. je suis ne en france en 1984 apres 3 mois ma mére ma envoiyer au Maroc chez ma grande mere a cause de son divorce avec mon pere algerien qui je sais pas ou il est ,mnt ma mere est vraiment malade ,toute seul, sans travail(chaumage).je sais plus koi faire ,pourai’je aller la voir au (pays de droit de l’homme)france merci


Témoignages - 80e année


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