Le social, grand absent de la présidence française

7 juillet 2008

Union européenne. Nicolas Sarkozy a pris la présidence de l’UE sur fond d’attaques contre le droit du travail et contre les droits des migrants.

Muet sur le social

La présidence française de l’Union européenne (PFUE) a ses priorités. Les salariés et les migrants en ont d’autres. Nicolas Sarkozy prend les rênes de l’UE, et ce jusqu’en décembre. Au menu des priorités : la lutte contre le réchauffement climatique, la politique européenne de défense, le pacte sur l’immigration et l’asile, l’Union pour la Méditerranée, la question de l’énergie, et si possible faire que tous les États ratifient le Traité de Lisbonne. L’Europe sociale sera absente, même si le président français assure ne pas se désintéresser de la dimension sociale de l’UE. Pourtant, le président français accompagne, et parfois même conduit, les attaques contre les droits sociaux des salariés, et les droits humains des migrants.

La directive 65 heures

Mardi 10 juin, les ministres de l’Emploi de l’Union européenne, malgré l’abstention de 5 d’entre eux, ont adopté le principe de pouvoir porter par opt out (négociation au cas par cas avec les salariés) la durée de travail à 60 ou 65 heures hebdomadaires, contre les 48 heures actuellement en vigueur dans l’UE. Cette décision doit encore passer devant le Parlement de Strasbourg. L’adoption de cette directive, à la demande du Royaume-Uni, n’a été rendue possible que par le revirement de la position française, à la faveur de l’élection de Nicolas Sarkozy.
En 2006, Paris, Rome et Madrid se battaient pour supprimer les opt out accordés au Royaume-Uni qui, par ce biais, permettait une durée de temps de travail supérieure aux 48 heures hebdomadaires. « Il en va de la crédibilité du modèle social européen et de la protection de la santé des travailleurs. Nous ne pourrons pas accepter un compromis qui ne prévoirait pas une date de disparition de cet opt out », faisait valoir le ministre français de l’Emploi de l’époque, Gérard Larcher.

Le dumping social

Depuis le 11 décembre, 4 décisions de la Cour de justice européenne (CJE) sont venues révéler que le dumping social était inscrit dans les traités de l’UE en vigueur, aux articles 43 et 49. Avec l’arrêt - Viking Line, les juges ont condamné le syndicat des marins finlandais - qui faisaient grève contre Viking Line - qui entendait réimmatriculer Rosella en Estonie, où le droit du travail est moins favorable aux salariés. Le 18 du même mois, la CJE a condamné les syndicats suédois qui boycottaient une entreprise lettone qui ne voulait pas respecter la convention collective du Bâtiment.
Le 3 avril, c’est le Land de Basse Saxe, en Allemagne, qui était condamné. Il obligeait dans ses règles d’attribution d’appel d’offres une entreprise polonaise à respecter la Convention collective du Bâtiment en vigueur dans le Land. Plus récemment, le 20 juin, l’État du Luxembourg était condamné à la demande de la Commission européenne pour mauvaise retranscription de la directive temps de travail. Le grand-duché entendait obliger les entreprises détachant des travailleurs à indexer les salaires sur la hausse des prix, et à nommer un mandataire facilitant les relations avec l’Inspection du Travail.

Les migrants poursuivis

S’il est une des priorités de la présidence française de l’Union européenne dont le contenu est détaillé, c’est le pacte sur l’immigration et l’asile. Celui-ci s’inscrit dans la continuité d’une politique répressive à l’égard des migrants de la part de la Commission et du Conseil européens, comme le montre le vote de la « directive de la honte », qui autorise une durée de rétention de 18 mois pour les sans-papiers interpellés.
Dans le projet de Nicolas Sarkozy, on trouve le renforcement de Frontex, la police des frontières extérieures de l’UE, qui sera dotée d’un état-major. Est prévue également la création d’une institution commune pour traiter les demandes d’asile. Les États n’auront ainsi plus de marge de manœuvre pour protéger les victimes de répression politique, l’UE ayant le maître mot sur la question. Deux autres dispositions font l’objet de débat, notamment avec l’Espagne du socialiste José-Luis Rodriguez Zapatero. « Le Conseil européen constate que les régularisations massives et collectives produisent un appel d’air important et s’accorde donc à l’avenir pour y renoncer », lit-on dans le document présenté au gouvernement espagnol, qui ne pourrait plus, selon le pacte, procéder à des régularisations massives.
En 2005, 600.000 travailleurs sans papiers avaient été régularisés de l’autre côté des Pyrénées.
Le contrat d’intégration fait également l’objet de critiques de Madrid. En rendant contraignant l’apprentissage de la langue par les migrants extracommunautaires, elle est une rupture de l’égalité de devoirs entre les individus. Un immigrant nigérian en France se devrait d’apprendre la langue de Molière, un immigrant finlandais, non.

Une Europe faussement protectrice

Le gouvernement français a choisi de faire de « l’Europe protectrice » le fil conducteur de la PFUE. Dans de nombreux pays d’Europe, les droites sont parvenues au pouvoir en tenant un discours identitaire et sécuritaire, visant à rassurer les citoyens et les catégories de la population les plus fragiles face aux déséquilibres issus de la mondialisation. C’est cette recette qui a permis à Nicolas Sarkozy et à Silvio Berlusconi de remporter les dernières échéances électorales, et que le président français cherche à imposer à toute l’UE. Mais il n’est pas sûr que ce registre symbolique rende crédibles les politiques libérales : la semaine dernière, Eurostat annonçait une inflation de 4% en 1 an dans la zone Euro.

Gaël De Santis


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