Sport et société

Le sport comme ferment d’unité d’un peuple

Après les 6èmes Jeux des îles de l’océan Indien

10 septembre 2003

La flamme des 6èmes Jeux des îles de l’océan Indien s’est éteinte dimanche soir au stade Anjalay à Belle Vue, dans le Nord de l’Ile Maurice. Cérémonie empreinte d’émotion après dix jours de compétitions rythmés par une ferveur populaire comme rarement l’île sœur en a connue dans son passé. Le sport, c’est incontestable, a joué un rôle de ciment patriotique pour le peuple mauricien.
Les compétitions ont été marquées par l’explosion du sport seychellois, une sensible mais compréhensible régression du niveau des Malgaches et une timide avancée des Comoriens. Mauriciens et Réunionnais se sont partagés la plus grosse part des citations, La Réunion devançant l’île sœur au nombre des médailles d’or.
Par delà le côté compétition, il y a toute une ambiance à comprendre lors d’un tel événement et certains enseignements sont à tirer. Pour en discuter, nous avons interrogé Raymond Lauret, délégué pour le sport au Conseil régional. Il a été un témoin privilégié de ces Jeux, où il a représenté la collectivité réunionnaise.

Tout le monde s’accorde pour dire que l’Ile Maurice a mis la barre très haut avec ces 6ème jeux. Madagascar, en 2007, pourra-t-elle faire mieux ?

- En effet, la barre a été placée très haut. Les conditions d’hébergement étaient remarquables. Sobres, mais remarquables. Le gouvernement mauricien a utilisé un projet immobilier pour faire son Village des Jeux. Madagascar s’inspirera peut-être de cette façon de procéder. C’est en tout cas ce qu’ont confié les responsables de la Grande Île qui étaient à l’Ile Maurice.
Question alimentaire, rien à dire. Tout s’est bien déroulé.
Les quelques problèmes - inévitables dans ce genre de manifestation, et insignifiants pour qui sait relativiser ce genre de choses - ont toujours été réglés au mieux. En tout cas, il aurait été mal venu d’en faire tout un fromage.
Oui, Madagascar tentera sûrement de faire aussi bien. On espère tous que ses dirigeants pourront se mettront très tôt à la préparation de ces manifestations.

Les cérémonies d’ouverture et de clôture ont été grandioses...

- C’est le mot. Grandioses... J’ajouterai - mais ce n’est pas une nouveauté - qu’elles ont été également émouvantes. Toute cette jeunesse - plus de 1.500 athlètes élégamment habillés ou se mêlant dans un même hommage à l’amitié - rassemblée dans le magnifique stade Anjalay, voilà qui, je le crois, aide la cause du co-développement régional à avancer.

Faut-il parler de fanatisme ou de chauvinisme mauricien ?

- Fanatisme, non. Je n’en ai jamais ressenti le moindre soupçon. Chauvinisme, il y en a forcément chez certains, comme il y en a dans tout peuple et dans tout groupe.
Je crois qu’il faut surtout parler de patriotisme. Le football mauricien sort d’une grosse crise. Il y a trois ans environ, lors d’un match de coupe d’Afrique qui opposait l’équipe d’Egypte à celle de Maurice, des spectateurs mauriciens de souche musulmane avaient sifflé les joueurs de Maurice et applaudi ceux d’Egypte. Cette manifestation communaliste choquante avait été à l’origine d’émeutes graves avec mort d’hommes. Le gouvernement mauricien avait alors interdit tout match de foot et mis un terme à ces équipes sportives qui, à Maurice, s’identifiaient à une communauté ethno-culturelle (Hindu-Cadets, Muslim-Scouts...).
Aujourd’hui, l’organisation de football mauricien n’a plus de connotation ethnique. C’est ainsi que la Jeanne d’Arc de La Réunion, il y a deux ans, a rencontré le club de Beau Bassin Rose Hill.
C’est donc un renouveau que vit aujourd’hui l’île sœur. Et cette victoire de son équipe nationale vient couronner une volonté politique forte de voir le sport unir et non pas diviser ou opposer les citoyens d’un même pays.

Le stade du Curepipe était tout acquis à la cause du onze mauricien, samedi, pour la finale contre La Réunion. Comment avez-vous ressenti cette passion ?

- Les Mauriciens sont venus en masse soutenir leur équipe. Cela n’a rien de choquant. En 1998, la France avait connu cela. Rappelez-vous les Champs-Élysées après la victoire finale…
De nombreux responsables sportifs réunionnais m’ont confié qu’ils auraient bien aimé qu’à La Réunion, lorsque joue le Club R, nous bénéficions un peu de cet enthousiasme et de cet engouement patriotique.

Et si Maurice avait perdu ?

- Maurice a gagné sans que quiconque ne puisse sérieusement mettre en cause l’arbitrage. On peut même dire que, logiquement, notre gardien Emmanuel Ledoyen a eu droit à la mansuétude de l’arbitre sur sa fameuse faute sur un attaquant mauricien. Personnellement, j’ai cru qu’il allait prendre un carton rouge.
Si Maurice avait perdu, me demandez-vous ? Le match était tellement beau, avec deux équipes qui s’étaient donné avec fougue et talent que je me mets à rêver que les spectateurs auraient applaudi les vainqueurs, comme il y a quatre ans de cela, les supporters de la Jeanne d’Arc avaient sportivement applaudi la Saint-Louisienne pourtant vainqueur par 4 à 0 du onze portois en finale réunionnaise de la coupe de France, au stade olympique de Saint-Paul.
Mais l’Ile Maurice a gagné. Il n’y a pas de regret à avoir là-dessus. D’autant plus que la veille, La Réunion avait gagné en basket masculin et que le lendemain elle s’adjugeait l’or et le bronze en cyclisme !


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