Mexique

Les communes autonomes indiennes continuent la résistance

30 janvier 2007

Au début du mois, l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca (APPO) a fondé une commune autonome à San Juan Copala, dans l’Ouest de la région, située elle-même au Sud-Est du Mexique. Georges Lapierre* en décrit le climat de violence créé par les bandes armées qui, depuis 2004, tentent de faire obstacle à la reconstitution de l’unité du peuple triqui, dont l’autonomie historique date de 1826. Vingt communautés sur 36 ont réussi à s’entendre après 3 mois de palabres pour former la commune autonome indigène de San Juan Copala et s’émanciper ainsi de la tutelle des 3 communes métisses dont elles dépendaient. Le pouvoir n’a pas l’intention d’accepter la constitution d’une commune autonome. C’est la guerre.

Oaxaca, 26 janvier 2007 - « La nuit est tombée, nous traversons le village qui est plongé dans l’obscurité, pas âmes qui vivent, du moins des âmes d’apparence humaine, les portes sont fermées sur une sourde inquiétude, des meutes de chiens se répondent d’un point à l’autre du village, chaque meute semble avoir son terrain d’aventures ou de chasse qu’elle garde jalousement. Nous savons que des patrouilles surveillent les alentours. En sortant de la mairie, nous avons repéré dans l’ombre des hommes, le fusil à la main. Nous nous retrouvons autour d’une table où j’écoute nos compagnons nous parler de l’imbroglio politique dans lequel s’est trouvée toute la population triqui. Ils nous parlent aussi de leur espoir de voir naître un jour prochain toute une région autonome qui regrouperait l’ensemble de la population.
Le lendemain matin, le village a retrouvé son animation, les chiens ne forment plus des meutes agressives, ils sont devenus indifférents, ils nous ignorent superbement. À 10 heures, les habitants doivent abandonner leurs tâches quotidiennes, fermer leurs maisons et participer à l’événement politique et culturel de l’investiture publique des autorités désignées selon les us et coutumes. Les gens arrivent des communautés voisines qui se sont ralliées à la commune de San Juan Copala, de Yoxoyuzi, de Santa Cruz Tilaza, de Guadalupe Tilaza, de Tierra Blanca, d’El Carrizal, de La Sabana, de Yerba Santa, d’Union de los Angeles... en voitures, en camionnettes, en redilas, en cars, certaines n’ont pu venir, par crainte ou parce qu’elles ont rencontré sur leur route des barrages, nous dit-on, de la police fédérale. Des invités sont venus d’Oaxaca et de Mexico. Une assiette de bouillie de maïs bien relevée avec un morceau de bœuf est offerte à tous les arrivants.

La cérémonie d’investiture avait déjà eu lieu une première fois, début janvier. Aujourd’hui, c’est la confirmation devant non seulement les 20 communautés, mais en présence de témoins nationaux et même, disent-ils, mondiaux, en faisant allusion, je suppose, aux 2 Français qui se sont retrouvés le matin dans les rues du village. C’est l’acte public de la naissance de la commune libre de San Juan Copala, l’affirmation d’un peuple, de l’unité du peuple triqui, contre les forces de la mésentente et de la division. C’est un début. Les autorités vont recevoir leurs bâtons de commandement de la main des anciens et des majordomes, qui ont été responsables des fêtes. Elles ont droit à un petit discours en langue indienne.
Le président municipal, vêtu du pantalon blanc des temps anciens et d’une guayabera verte éclatante, fera son discours dans cette langue et il ne le traduira pas lui-même en espagnol, comme c’est la coutume, il laissera le soin de la traduction à un de ses adjoints, marquant ainsi clairement son souhait de rester une autorité indienne au service du peuple triqui. Il dit qu’il est prêt à dialoguer avec le gouvernement pour que soit reconnue l’autonomie de cette commune indienne, à la différence des communes autonomes zapatistes. Il dit aussi qu’il est prêt à recevoir des ressources, comme toute commune, de la part du gouvernement, mais que ces ressources iront directement aux communautés, que sa gestion sera en tout point transparente et qu’il espère que le peuple le respectera comme il respectera le peuple.
Ensuite, c’est la fête, les “officiels” de l’APPO, du Front populaire révolutionnaire avec leurs petits drapeaux rouges et faucille et marteau en coin, le Frente Amplio de Lucha Popular, la Promotora por la Unidad Nacional, etc..., les journalistes, tous, quittent la scène et laissent le terrain aux clowns, (1) aux vrais, à ceux qui font rire les enfants et les mères de famille. »

George Lapierre ,
Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte (http://cspcl.ouvaton.org/)

(1) Le courant dominant au CSPCL se veut anarchiste. C’est son droit. C’est sans doute ce qui explique le mépris non dissimulé de cette fin de reportage, par ailleurs intéressant, pour toutes les formes d’organisation populaire, dès lors qu’elles décollent de la stricte représentation directe et du “cocon” communautariste. Dommage. C’est faire preuve de beaucoup de condescendance envers les communautés indiennes que de ne pas les croire capables de se doter d’autant d’organisations que le nécessite la complexité du monde dans lequel elles vivent. Elles ont droit, comme tous, à la pluralité des opinions et des structures.


Délégation indigène à Paris

Du 4 au 10 février, deux délégués de San Salvador Atenco (Etat de Mexico) seront en France, où les attend un programme de conférences pour le soutien aux luttes des populations indigènes du Mexique.
En 2002, au début du mandat présidentiel de Vicente Fox Quesada (Président de décembre 2000 à novembre 2006), la population d’Atenco s’était opposée victorieusement à la construction d’un aéroport international taillé sur ses terres.
De violentes mesures de rétorsion, en mai 2006, firent plusieurs tués et emprisonnés : vendeurs ambulants tués, femmes violées, prisonniers politiques, hommes et femmes.
Les mouvements sociaux indigènes dénoncent une stratégie de « criminalisation des luttes sociales » au Mexique, où le pouvoir central tente d’étouffer les aspirations des populations indigènes par la terreur et les intimidations, et la répression de la rébellion zapatiste, qui fêtait ce 1er janvier son 13ème anniversaire.
L’EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale) prépare pour juillet 2007 la Deuxième Rencontre des peuples zapatistes et des peuples du monde, et appelle le Congrès national indigène à une rencontre des peuples originels de l’ensemble du continent américain, de l’Alaska à la Terre de Feu, qui aura probablement lieu au mois d’octobre 2007.

P. David


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