Les députés risquent de confier à l’industrie pharmaceutique l’approvisionnement des ONG en médicaments

8 février 2008

Les associations pharmaceutiques humanitaires françaises envoient dans les pays en voie de développement plus de 400 tonnes de médicaments triés, avec des dates de péremption supérieures à 18 mois, répondant ainsi aux demandes précises des personnels médicaux sur place. Elles ne se débarrassent pas de stocks de produits périmés, entamés, inutiles aux pathologies locales : sur 100 kilos reçus, 15 seulement seront utilisés.
En 2007, Xavier Bertrand, via un amendement, a mis fin à cette collecte des médicaments à des fins humanitaires par les pharmaciens, s’appuyant sur l’engagement de l’industrie pharmaceutique d’approvisionner les ONG. « Le ministre nous a reproché que des médicaments contre le diabète ou contre les maladies cardiaques soient envoyés en Afrique, explique Patrick Angelvy, Secrétaire général de Pharmacie humanitaire internationale 94. Comme si, au Togo, il n’y avait pas de centre contre le diabète ou comme si tous les Africains mouraient avant d’être atteints de maladies cardiaques... ».
Mais devant l’inefficacité du texte, le ministère de la Santé propose maintenant de revenir sur l’amendement et de proroger de 30 mois l’application du texte précédent, histoire de trouver « des solutions pérennes ». Le lobby de l’industrie pharmaceutique et le Conseil de l’ordre des pharmaciens tentent, aujourd’hui, de faire reculer le Parlement sur ce dernier amendement qui prolonge, pour un temps, l’action des pharmaciens bénévoles.
« De toute façon, dénonce Patrick Angelvy, les industries pharmaceutiques sont incapables de répondre aux besoins. Quand on leur demande des antibiotiques, elles envoient de la pommade pour érythème fessier pour bébés. Elles envoient leurs surplus. Il y a un autre aspect à cette logique : ces envois seraient des dons, qui permettraient aux entreprises d’être exonérées d’une partie de leurs impôts. Donc, leur confier cet approvisionnement des ONG, cela revient à augmenter leur marge de profit. Alors qu’on sait qu’elles sont particulièrement réticentes à engager des recherches sur des maladies spécifiquement africaines, par exemple, sous prétexte que les pays concernés seront incapables d’en payer le prix ».
« Jamais
, renchérit Patrick Angelvy, l’industrie ne sera capable, à court ou moyen terme, de fournir 400 tonnes de médicaments qui répondront aux besoins réels. Elle le reconnaît elle-même. Une plaquette de médicaments pèse 30 grammes, pour 7 euros en moyenne. Mesurez-vous ce que représentent 400 tonnes ? Il faut vraiment que les députés prennent conscience de l’enjeu de leur vote aujourd’hui ».

Émilie Rive


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