Référendum

Les Européens ne croient pas en l’Europe qui se prépare

11 avril 2005

43% de citoyens européens déclarent qu’un abandon de l’Europe les laisseraient indifférents. 13% affirment même s’en satisfaire. Au total 56% des Européens se disent peu préoccupés de l’avenir de l’Union. Un état de l’opinion qui expliquerait la montée du “non” en France pour le référendum du 29 mai.

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Crée en 1973 par la Commission de Bruxelles, l’Euro-baromètre réalise deux fois par an une enquête pour mesurer la manière avec laquelle les Européens perçoivent l’Union. La dernière réalisée, celle de septembre octobre 2004, est alarmante pour les partisans de la construction européenne.
Les résultats de la dernière enquête de l’Euro-baromètre sont consignés dans un ouvrage collectif, “L’Opinion publique européenne en 2005”, rédigé par la Fondation Robert-Schuman et publié par La Table ronde.
“Le Monde” qui, dans son édition datée du 8 avril rend compte de cet ouvrage, note : "à l’automne 2004, 43 % des citoyens de l’UE affirmaient qu’un éventuel abandon de l’Union les laisserait indifférents, 13 % avouaient même qu’ils s’en satisferaient. En somme, ce sont 56 % des Européens qui se préoccupent comme d’une guigne de l’avenir du Vieux Continent".
Le niveau de connaissance sur l’UE par les citoyens européens est "invariablement et désespérément faible", commente Ruben Mohedano-Brethes, ancien directeur de recherche des Euro-baromètres pour “Le Monde” : il atteint la note de 4,3 (sur 10) alors que la "connaissance moyenne" est évaluée à un niveau minimal de 5,5.
"Ce n’est pas tant la construction européenne qui est remise en cause, que ses résultats. Ainsi, on note une forte déception en matière de politique sociale et d’emploi. Et si la moitié des personnes interrogées continuent de faire confiance à l’UE, c’est une confiance conditionnée. En tout cas, les motifs des pères fondateurs de l’Europe (assurer la paix sur le continent) ne suffisent plus à lutter contre cette tendance à l’indifférence et à l’apathie", écrit “Le Monde”.
"Une partie des Européens est-elle en train d’abandonner l’Europe à son sort ?", se demande le quotidien qui cite Ruben Mohedano-Brethes : "En plus de trente ans de sondages Euro-baromètre l’indifférence n’a jamais aussi été marquée que depuis le début de ce siècle."
Or, le même constat peut-être fait non plus au niveau européen, mais à celui de la France. "Les mêmes caractéristiques se retrouvent en France comme le montre l’état de l’opinion 2005, d’Olivier Duhamel (professeur à Sciences Po) et Brice Teinturier (TNS/Sofres), qui vient également de sortir", analyse “Le Monde”. Les deux auteurs constatent chez les Français un "effritement de l’enthousiasme européen". Ils "semblent avoir été parmi les Européens les plus sceptiques face à l’élargissement, le 1er mai 2004, de l’UE à dix pays d’Europe centrale (42 % pour, 39 % contre)".

J. M.


Le mépris de ceux qui savent...

Les électeurs sont en train de prendre au sérieux le référendum. Cela déplaît profondément les partisans du “oui” qui eux, pensaient être les seuls à savoir et à comprendre de quoi il s’agit.

À sept semaines du référendum, le “non” s’installe et s’enracine. La possibilité de sa victoire au soir du 29 mai est pour l’heure confirmée par toutes les enquêtes d’opinion. Les raisons exprimées convergent. Elles tournent toutes autour de la même volonté : dire nettement à ceux qui nous gouvernent en France et en Europe que si la construction européenne doit continuer, cela ne doit plus se faire dans la même direction, sur les mêmes bases, à partir des mêmes recettes libérales.
Mais pour les partisans du “oui”, cette perspective reste inconcevable. Elle ne peut à leurs yeux résulter que d’un malentendu, d’une méconnaissance, d’une ignorance. Ceux qui votent “non” ne peuvent l’envisager que parce qu’ils ne savent pas. Comme l’a déclaré cette semaine avec cynisme l’ancien commissaire européen Frits Bolkestein au micro de France Inter, mieux aurait valu ratifier le traité par voie parlementaire, car "la démocratie n’est pas faite pour ceux qui ont peur".

Le nombre d’indécis recule

L’ancien président du Parlement européen, Enrique Baron Crespo a, lui, lâché ce cri du cœur : "Si les Français rejettent la Constitution, on ne renouvellera pas de sitôt l’expérience." En somme, il apparaît toujours plus clairement que pour tous ces messieurs, le référendum n’était que de pure forme, la seule réponse autorisée étant le “oui”.
Ne leur en déplaise, les électeurs sont en train de prendre l’affaire au sérieux, et plus ils se penchent sur la question posée, plus le nombre d’indécis recule, plus la montée du “non” semble confortée.
Certains esprits éclairés se demandent donc comment endiguer cette progression. Et là, le mépris s’affiche en toutes lettres. Dans un article publié par “Le Monde”, un analyste, Thierry de Montbrial, dévoile ainsi sa conception de la démocratie. "Si l’on s’en tenait à la communauté des analystes ou des experts, le oui l’emporterait aisément le 29 mai." Ceux-là pourraient mobiliser "leur connaissance de l’histoire et du système international contemporain pour faire partager leurs arguments".
Mais l’expert ne se fait pas d’illusion, "cette espèce n’a qu’une influence très indirecte sur l’opinion publique". Aussi Thierry de Montbrial invite les hommes politiques à toucher certes la raison, "mais aussi le cœur des citoyens" ! Et encore, tient-il à préciser que pour avoir une chance d’y parvenir, mieux vaudrait que ce soient "les meilleurs d’entre eux qui montent au front".

L’Europe mérite un débat

L’écrivain Robert Merle avait consacré un livre au dauphin, cet “animal doué de raison”. L’analyste du "Monde", lui, ne semble pas prêt à parier un euro sur "l’électeur doué de raison".
Cette arrogance insupportable sert de prétexte à un impressionnant déploiement de propagande officielle. Les électeurs recevront le texte de la Constitution accompagné d’un argumentaire à sens unique en faveur de la ratification du traité. Puisque les électeurs ne comprennent pas, il faut bien leur expliquer ! Le problème pour les promoteurs du traité, c’est que le débat démocratique et citoyen n’a pas attendu les modes d’emploi officiels. L’Europe mérite un débat, un vrai débat. Pas une caricature où de pseudo savants donnent la leçon à un peuple qui aurait tout à apprendre. Une véritable confrontation démocratique et pluraliste entre des citoyens égaux devant la loi et le choix des urnes.


Élie Hoarau au Zénith, pour le “non”

Jeudi 14 avril à partir de 19 heures au Zénith de Paris un grand meeting unitaire pour le “non” réunira de nombreuses personnalités françaises et étrangères.
Parmi toutes celles qui prendront la parole avec Marie-George Buffet, on peut citer Jean-Luc Mélenchon, sénateur socialiste ; Francine Bavay, écologiste, vice-présidente du conseil régional d’Île-de-France ; Georges Sarre, premier secrétaire du MRC ; Émile Zuccarelli, député et maire de Bastia ; Francis Wurtz, président du groupe GUE au Parlement européen ; Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR ; José Bové, Confédération paysanne ; Éric Coquerel, MARS ; Yves Salesse, Fondation Copernic ; Claire Villiers, Alternative citoyenne, vice-présidente du Conseil régional d’Île-de-France ; Didier Le Reste, syndicaliste cheminot ; Fausto Bertinotti, secrétaire du Parti de la refondation communiste d’Italie, président de la Gauche européenne ; Horst Schmitthenner, dirigeant syndicaliste allemand (IG Metall) ; Tiny Kox, Parti socialiste populaire des Pays-Bas ; Marie-José Montzain, philosophe ; Anna Pizzo, pacifiste italienne ; Stéphane Pocrain, militant écologiste ; Laurence Cohen, militante féministe ; Juliette, chanteuse ; Khalid Filarothi, comité du “non” du 78 ; Christian Favier, président duConseil général du Val-de-Marne ; Éliane Assassi, sénatrice de Seine-Saint-Denis ; des militants syndicaux de divers secteurs notamment de l’énergie, de la santé, de Peugeot-Citroën, Technip...
Élie Hoarau prendra la parole au cours de ce meeting au “non” du Parti communiste réunionnais.


La persistance du “non” et la presse

Les quotidiens et les hebdomadaires parisiens commentent les résultats des derniers sondages et la persistance du "non".

"Le tassement du non est dû exclusivement aux progrès des intentions de vote en faveur du traité au sein de l’électorat UMP et UDF. Les sympathisants de la droite modérée se prononcent à 72% en faveur de la Constitution européenne, alors qu’ils n’étaient que 67% les 25 et 26 mars", écrit Gilles Perrault dans “Le Figaro” de mardi dernier.
Pour Jean-Michel Thénard, de "Libération" "le "non" est devenu tendance. Il séduit du bobo au populo. Il est majoritaire chez les cadres et fait un tabac chez les ouvriers. Il triomphe dans toutes les classes d’âge, sauf chez les plus de 65 ans. Comme si dire “non” à la Constitution, aujourd’hui, était la meilleure façon d’exprimer ses craintes quant à un avenir de plus en plus incertain pour tous, car de plus en plus synonyme de démantèlement d’acquis. Avec l’élargissement, l’Europe aussi semble plus prédatrice que protectrice."


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