Entretien avec le Général Clément Bollée - 3 -

Les FAZSOI au service de la paix en Afrique australe

22 février 2007

Cette dernière partie de l’entretien que nous a accordé le Général Clément Bollée est consacré au dispositif RECAMP ou Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix. Ce dispositif, dont il est un des créateurs, a été conçu après la tragédie rwandaise de 1994. L’objectif consiste à ce que la France forme les troupes africaines afin qu’elles puissent intervenir elles-mêmes dans tel ou tel pays de leur continent. Ainsi doivent-elles être en mesure de rétablir la paix, en dépendant le moins possible d’une quelconque intervention extérieure. Depuis le lancement de RECAMP, en 1997, beaucoup de choses ont évolué, comme l’européanisation de la formation par exemple.
L’Union Africaine (UA) appuie de tels efforts. En effet, elle a demandé aux 4 sous-régions de disposer d’une brigade de maintien de la paix au moins d’ici à 2010. La plus avancée de ces sous-régions est la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Puis, il y a la Southern African Development Community (SADC) qui regroupe 15 Etats de l’Afrique australe. Ensuite, il y a la Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC). Enfin, il y a l’Intergovernmental Authority Development qui s’occupe de l’Afrique de l’Est.
Actuellement, l’armée française dispose de forces pré-positionnées en Afrique. Elles ont notamment pour objectif d’aider les 4 sous-régions politiques d’Afrique subsaharienne à se doter de forces de maintien de la paix. La France a accepté d’aider ces institutions à se doter de tels moyens militaires. Au niveau de l’Afrique australe (la SADC), les FAZSOI sont chargées d’aider les armées de cette institution politique à se doter de troupes compétentes en matière de maintien de la paix. Un des objectifs que doivent atteindre les FAZSOI pour 2010 consiste à faire en sorte que la SADC dispose d’une brigade de 5.000 hommes pour intervenir sur tel ou tel théâtre d’opération.

Général, vous vous êtes rendu dans un certain nombre de pays de la zone afin que les négociations avancent. Par exemple, du 5 au 7 juin 2006, vous vous êtes rendus au Malawi, les 21 et 22 novembre au Mozambique, etc... Où en êtes-vous dans cet objectif 2010 ?

- D’abord, j’ai visité tous les pays de la SADC hormis la Tanzanie, que je vais voir très bientôt. Le but était pour moi d’établir des relations nous permettant d’aider ces pays à faire monter en puissance leur contribution pour la brigade SADC. J’ai également rencontré les instances sécuritaires de la SADC à Gaborone au Botswana, ainsi que les autorités de l’Union africaine (UA) pour leur présenter en toute transparence ce que je pouvais apporter dans le cadre de ce grand projet. J’ai noté une volonté marquée des Etats d’Afrique australe pour avancer dans ce projet et donc, nous avons commencé à y travailler concrètement. Pour des raisons pratiques et logistiques, j’ai proposé à l’un d’entre eux, le Malawi, d’être notre partenaire pour la montée en puissance de cette force interafricaine. En novembre 2006, nous avons convenu de monter une base à Salima, en bordure du lac Malawi. Deux fois par an (en juin et en novembre), j’active cette base de façon à regrouper toutes les contributions et y jouer des exercices en commun. En novembre 2006, nous avons inscrit au plan technique la contribution du Malawi à la brigade australe. Cela concerne 150 hommes, soit une compagnie. Nous avons proposé pour la prochaine échéance, en juin 2007, de convier 3 autres pays de la SADC : le Botswana, le Mozambique et la Zambie, de façon à instruire au plan technique les contributions de chacun. En novembre 2007, nous avons planifié un premier exercice opérationnel avec ces 4 pays, et le Malawi devrait y convier tous les autres pays de la SADC comme observateurs.

Qu’en est-il de l’Afrique du Sud ?

- Deux signes me laissent penser que tout va bien aller. Lors de l’exercice RECAMP en 2002, l’Afrique du Sud a été un excellent partenaire. Ensuite, nous avons une commission mixte de coopération militaire (il s’agit du seul pays d’Afrique subsaharienne avec lequel nous en avons une). Au cours de la dernière réunion, en novembre 2006, l’Afrique du Sud a montré tout son intérêt à l’évocation de ce sujet.

Y aura-t-il un exercice RECAMP dans la SADC pour la période 2007-2008 comme il était prévu il y a quelque temps ?

- Je ne peux pas vous répondre. Tout ça dépend de l’évolution actuelle, dont on peut noter 2 grandes tendances : l’européanisation et l’implication de l’UA dans le programme. Cette semaine, une mission de l’UE est à Addis-Abeba pour parler du prochain exercice RECAMP.

La SADC est une organisation politique créée à l’origine, en 1980, pour contrer le poids économique dominant de l’Afrique du Sud de l’Apartheid. Depuis la chute de ce régime raciste, cette organisation régionale a intégré la “nation arc-en-ciel”. Au début 2007, cette institution compte 14 pays que sont : l’Afrique du Sud, l’Angola, le Botswana, la République démocratique du Congo, le Lesotho, Madagascar, le Malawi, Maurice, Mozambique, la Namibie, le Swaziland, la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe.
La SADC ne souffre-t-elle pas du fait qu’il y ait un grand pays, l’Afrique du Sud, dont la richesse et la puissance sont sans commune mesure avec les autres membres de la SADC ?


- Je dirais juste que la SADC est une sous-région bien particulière du fait de la présence d’un pays comme l’Afrique du Sud en son sein. En termes de coopération, il faut bien évidemment en tenir compte.

Quelle relation la France doit-elle avoir vis-à-vis de l’Afrique subsaharienne ?

- La politique française en Afrique est très claire : le maintien de la stabilité. Cela passe par 2 axes d’égale importance que l’on regroupe dans un vieil adage africain : pas de développement sans sécurité, pas de sécurité sans développement. Cela veut dire que l’un n’est pas le préalable de l’autre et que l’autre n’est pas le préalable de l’un. Il faut les appréhender en même temps comme les deux piliers d’une case. C’est peut-être le reproche que je ferais au NEPAD (New Partnership for African Development, grand projet lancé par des chefs d’Etat africains en 2000 afin notamment d’améliorer la croissance économique de ce continent). Ce partenariat compte 7 secteurs dont la sécurité qui est le premier d’entre eux. Dans ce NEPAD, on a sous-estimé la sécurité en en faisant qu’une des composantes du développement. A côté, il fallait créer le NEPAS où le D de développement est remplacé par le S de sécurité. Peut-être qu’avec l’objectif des brigades de paix dans chaque sous-région, il y a les prémisses d’un NEPAS. L’articulation NEPAS et NEPAD pourrait être une réponse adaptée à la situation africaine.

Concernant le Tchad ou la Centrafrique, on peut relever que, si la politique africaine de la France a tenu compte des intérêts étatiques de ces pays, son attitude n’en est pas moins critiquable au niveau des conséquences pour les peuples, en ne privilégiant pas certaines actions qui permettent l’enracinement d’une vraie culture démocratique ?

- Il ne m’appartient pas de rentrer dans ces considérations. J’observe qu’aujourd’hui les actions militaires de la France obéissent à des règles incontournables qui sont la légitimité et la transparence. Légitimité pour des actions soutenues par l’ONU. Transparence par la volonté d’afficher ces actions.

Propos recueillis par Matthieu Damian


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