Le cas des R.U.P. modifié dans le Traité constitutionnel

Les gouvernements n’ont pas été entendus

10 mai 2005

’L’éventuelle reformulation de l’article 299-2 dans le Traité constitutionnel pourrait entraîner une confusion sur sa portée juridique’, écrivaient les gouvernements français, espagnol et portugais soutenus par les 7 Régions ultrapériphériques. Pourtant, la réécriture a bien eu lieu. Et elle est lourde de conséquences pour ces régions.

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D’abord, un rapide rappel historique.
En décembre 2001, les quinze pays membres de l’Union décident, lors du Conseil européen de Laeken, de convoquer une Convention chargée, pendant un an, de réfléchir aux possibles réformes du fonctionnement de l’Union européenne, dans la perspective de son élargissement. Le 28 février 2002, la Convention démarre officiellement ses travaux. Le 28 octobre 2002 : l’avant-projet de Traité constitutionnel est présenté. Les 20 et 21 juin 2003 : la Convention adopte le projet de Constitution qui servira de base de discussions aux 25 chefs d’État et de gouvernement réunis en conseil européen de Thessalonique.
Le 18 juin 2004, le Traité établissant une Constitution pour l’Europe est adopté par les 25 chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne.
Le 29 octobre 2004 le Traité est signé à Rome. Débute alors la phase d’adoption par les États du Traité.
Parallèlement, les RUP vont prendre plusieurs initiatives pour que leur situation soit traitée dans la nouvelle Constitution.
Les 14 et 15 octobre 2002, réunie à Paris, en présence du Commissaire européen, Michel Barnier, et avec la participation des représentants des Gouvernements espagnol et français (Mme Girardin, ministre de l’Outre-mer), la 8ème conférence des présidents des RUP a "décidé de présenter à la Convention européenne une contribution pour que l’article 299-2 reste au plus haut niveau possible dans le futur Traité constitutionnel. C’est à la Région Réunion qu’a été confiée la préparation de ce dossier".

Un mémorandum commun aux RUP

Les Présidents des RUP ont aussi décidé de préparer leur contribution au mémorandum commun qui sera présenté aux États et à la Commission dans le premier semestre 2003 pour servir de base à un nouveau rapport de la Commission sur le développement durable des RUP.
Le 9 janvier 2003, toujours à Paris où ils se retrouvent pour échanger sur les dossiers urgents et importants, les présidents des RUP adoptent une déclaration concernant la défense du statut de Région ultrapériphérique dans la nouvelle Constitution de l’Union Européenne.
Le 7 janvier 2003, la Convention se réunissait en séance plénière sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing pour examiner notamment le cas des RUP. Plusieurs interventions en faveur de l’article 299-2 marquent la discussion. Le 22 juin 2003, alors que le projet de Traité a été rendu public la veille, le mémorandum commun sur les RUP est remis à la Commission de Bruxelles.
"Les États et régions ultrapériphériques considèrent qu’il est absolument indispensable de maintenir l’actuel article 299§ 2 dans le futur Traité constitutionnel dans toute sa dimension de base juridique transversale et dérogatoire."

Des principes doivent être pris en compte

"En vertu des considérations précédentes, les États demandent que, dans le futur Traité constitutionnel, les principes suivants soient pris en compte et ils s’engagent à défendre cette position au sein de la CIG :

- le maintien de l’article 299-2 dans la partie constitutionnelle du Traité afin de préserver l’acquis communautaire pour des régions faisant partie intégrante de l’UE mais nécessitant des adaptations de la législation et des conditions spécifiques d’application des politiques de l’Union pour répondre aux contraintes structurelles et permanentes liées à l’ultrapériphérie ;

- la garantie que le caractère transversal de l’actuel article 299§ 2 soit préservé en le plaçant dans la partie du Traité qui affirmerait son rôle de base juridique horizontale, pour toutes les politiques de l’Union",
écrivent les 10 signataires du document dont les gouvernements français, espagnols et portugais.

Les risques d’une reformulation du texte

Les signataires insistent : "en adoptant cette position, la Convention européenne resterait ainsi sur la ligne des auteurs des traités antérieurs et en pleine cohérence avec les statuts différenciés de ces régions dans leurs constitutions nationales. D’autre part, cela permettrait de respecter, en même temps, l’orientation des institutions européennes, maintes fois réaffirmée, selon laquelle, dans le cadre du futur Traité constitutionnel, l’exercice de réorganisation des traités existants devrait être fait dans la mesure du possible."
Un peu plus loin ils précisent : "s’agissant de la formulation concrète de l’article dans la future Constitution, il conviendrait de maintenir la rédaction actuelle de l’article 299§ 2 sans pour autant exclure des aménagements liés à l’évolution institutionnelle de l’Outre-mer dans le cadre de la Constitution française. Une éventuelle reformulation pourrait en effet entraîner une confusion sur sa portée juridique. L’Espagne, la France et le Portugal soulignent notamment l’importance qui s’attache au maintien de la procédure d’adoption actuelle de mesures spécifiques en faveur des régions ultra périphériques. Ce maintien, conforme à l’esprit d’une consolidation de l’article 299§ 2 à “droit constant”, éviterait les risques de dilution du contenu matériel de l’article ainsi que du concept même d’ultrapériphérie."

Des efforts vains

Tous ces efforts, toute l’insistance à conserver le 299-2 auront donc été vains.
Or, si l’on tient compte de l’argumentation développée notamment dans le mémorandum - notamment sur la portée juridique du 299-2 - on ne peut pas tenir comme négligeables les modifications apportées avec le III-424. La suppression de toute référence à des mesures spécifiques ou des décisions prises à la majorité qualifiée ont une portée qui ne peut être traitée à la légère.

J. M.


Virapoullé : un rapport pour rien ?

Le 12 mars 2003, Jean-Paul Virapoullé remettait au Premier ministre un rapport sur la "stratégie de mise en œuvre de l’article 299-2 du Traité d’Amsterdam pour les départements français d’Outre-mer".
Dans sa conclusion, il faisait une proposition de texte en vue d’insérer dans le Traité des dispositions de modernisation du 299-2. Le sénateur de la Relève avançait deux options. La première était ainsi rédigée : "Les dispositions de la présente Constitution sont applicables aux régions ultra périphériques de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de la Réunion, de Mayotte, des Açores, de Madère et des îles Canaries."
La seconde, plus longue, comportait le troisième paragraphe suivant : "Le Conseil statuant à la majorité qualifiée et le Parlement européen arrêtent en conséquence, sur proposition de la Commission, les mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions d’application aux régions ultra périphériques de la présente Constitution, ainsi que de l’ensemble des actes pris sur son fondement, y compris dans le cadre des politiques communes."


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