Les Mahorais pris en otages

27 février 2008

Le secrétaire d’État à l’Outre-mer, Christian Estrosi, choisit Mayotte comme terre d’expérimentation de la remise en cause du droit du sol.

Pour conforter son “envergure” en matière d’identité nationale, Christian Estrosi, Secrétaire d’État à l’Outre-mer et challenger du maire de Nice sortant, Jacques Peyrat, n’a rien trouvé de mieux que de reprendre l’idée d’une remise en question d’un principe républicain, celui du droit du sol. Il n’est pas le seul et il n’est pas le premier. François Baroin avait déjà lancé cette idée, pensant être ainsi en accord profond avec son candidat président, mais sa tentative s’était soldée par un lamentable flop.
Il s’agit donc, une nouvelle fois, de tenter de restreindre les conditions d’accès à la nationalité française dans les Territoires d’Outre-mer « confrontées à une immigration clandestine importante ». « Nous pourrions prendre une décision exceptionnelle (une expérimentation sur 5 ans - NDLR) qui fasse que tout enfant né de parents en situation irrégulière ne puisse plus réclamer son appartenance à la nationalité française », a-t-il déclaré, précisant « réfléchir à proposer tout cela dans une réforme spécifique au printemps prochain ». Comme d’habitude, cette mesure fait référence aux Comoriennes qui accouchent à la maternité de Mayotte parce qu’à 70 kilomètres de là, les conditions sanitaires ne sont pas vraiment les mêmes. Mais comme d’habitude, l’élu de l’UMP oublie que naître sur un territoire français ne donne pas automatiquement la nationalité française, et qu’il faut que ces enfants vivent à Mayotte jusqu’à 13 ans pour l’obtenir.
Éliane Assassi, Sénatrice communiste, s’insurge contre cette annonce « qui ouvre une brèche pour la remise en question de notre droit du sol, lequel a pourtant été au fondement de la République et de la société française », et s’inquiète de voir resurgir, sous cette forme, « le thème de l’immigration dans le débat des Municipales ».
Pour sa part, le Député socialiste de l’Aisne, René Dosière, dénonce le caractère dangereux de cette « intervention politicienne », dans le contexte électoral mahorais.
SOS Racisme demande au gouvernement de renoncer à une possible réforme du droit du sol à Mayotte.
France Terre d’asile dénonce un projet qui « fabrique les conditions d’une polémique nationale sur la question migratoire ».
Le MRAP parle de nationalité « à la découpe ».
À Mayotte, les associations interpellent, justement en ce moment, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) et la défenseure des enfants contre l’impossibilité d’accès aux soins des étrangers en situation précaire, en dénonçant l’inexistence de l’aide médicale d’État sur le territoire et la non-application de la circulaire relative aux soins urgents qui devrait garantir la prise en charge des enfants et adolescents. Les élus locaux, même UMP, ne sont pas partis fleur au fusil pour défendre les propositions de Christian Estrosi, chacun jouant sa carte électorale dans son coin.
Les associations savent, elles, de quoi on parle : « Ils tentent de voir comment va réagir la population française sur la remise en question du droit du sol, explique Georges Alide, de la Cimade. Christian Estrosi n’a pas regardé les chiffres. Tous les enfants dès l’âge de 13 ans devraient demander la nationalité, et ce n’est pas le cas. En plus, il parle de la fédération des Comores, qui n’existe plus ! Nous avons le même nombre de personnes qui arrivent sur l’île que celles qui repartent. Le ministre des colonies sait pertinemment qu’il n’est pas vraiment dans un territoire français (les Comores dénoncent toujours à l’ONU les conditions du “référendum” qui a permis de rattacher Mayotte à la France). C’est pour cela qu’il peut prétendre ne pas reconnaître la loi française. On en a des exemples tous les jours, ne serait-ce que la façon dont sont reconduits les gens à la frontière... ».

E. R.


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