Religion

Les musulmans mauriciens n’échappent pas à l’occidentalisation

Le Ramadan a débuté ce lundi à Maurice

28 octobre 2003

Les musulmans de Maurice ont entamé ce lundi le Ramadan, mois de jeûne islamique, selon les autorités religieuses à Port-Louis.

Chez beaucoup de musulmans (18% de la population mauricienne de 1,2 million), les préparatifs en vue d’accueillir le Ramadan se sont accélérés ces derniers jours avec le nettoyage de leurs maisons et des mosquées, l’application d’une nouvelle couche de peinture aux mosquées et le renforcement de stocks de provisions, particulièrement la viande, le poulet, le poisson, la farine, l’huile, les dattes, le sucre, entre autres, qui sont les plus utilisées durant ce mois.
« Nous serons plus actifs ces jours-ci en nous préparant à faire face à ce mois de jeûne », lance Abdoolah Kadeer, un habitué de la mosquée. Pour de nombreux autres musulmans, le Ramadan est devenu une routine. « Qu’on jeûne ou pas, c’est pour nous toujours la même chose », déclare Habib Ramjeet, rencontré devant la mosquée à Plaine des Papayes, village à majorité musulmane dans le Nord de l’île, « mais je sais que c’est un événement important du calendrier islamique ».
Le Maulana Jameel Chooramun, imam à Port-Louis, la capitale, estime que le Ramadan à Maurice c’est la même chose chaque année. « Rien de nouveau », a-t-il dit, sauf que l’accent est mis, du côté du gouvernement, sur davantage de facilités afin de permettre aux musulmans de mieux vivre le Ramadan.
Il a cité les dispositions prises par le gouvernement telles que les patrouilles policières régulières dans les régions à forte population musulmane. Les routes aux abords des mosquées seront éclairées les soirs et des poubelles ont été distribuées partout pour la bonne collecte des ordures.
Toujours concernant les facilités, les autorités ont annoncé lors d’une rencontre cette semaine avec les présidents des mosquées qu’il n’y a aura pas de coupures dans la fourniture de l’électricité cette année, « grâce au barrage de Midlands construit l’année dernière et qui est opérationnel depuis quelques mois ».
De son côté, le directeur-général de la Central water authority (CWA), Rohit Mungra, a laissé entendre que, même si les réserves en eau baissent durant le Ramadan, son organisation assurera un service de camions-citernes qui sillonneront l’île afin de distribuer de l’eau aux mosquées.

Évolution

Commentant le caractère spirituel de cet événement chez les musulmans, le Maulana a estimé qu’il dépend des parents et des familles. « Si les parents s’intéressent au Ramadan et le vivent correctement, nul doute que les enfants également vont s’y intéresser », a-t-il dit.
Un autre imam, Hafiz Akbar Neeyamatkhan de la Jamaah Naeemiah, Port-Louis, a concédé que l’enthousiasme d’autrefois pour le Ramadan, a disparu de chez les musulmans de l’île. « Il y a une quinzaine d’années encore, la collaboration et la solidarité étaient exemplaires chez les musulmans. Ils se concentraient beaucoup sur les prières et passaient beaucoup de temps à la mosquée ou chez eux-mêmes dans la lecture du Coran et d’autres livres islamiques. Tout cela a diminué maintenant. Si le nombre de musulmans vivant le Ramadan diminue, ceux qui le vivent encore sont pressés d’en finir avec ce mois », a-t-il souligné. « Comme si, ce mois représentait une barrière à leurs activités », a-t-il ajouté. Selon lui, ce sont les divisions semées entre les musulmans par différents groupes qui seraient la cause du déclin du Ramadan et d’autres activités islamiques.
« De jour en jour, le musulman s’éloigne de l’Islam parce que son cœur s’attache à d’autres choses de la vie, dont beaucoup émanant de la société occidentale. Ils vivent difficilement leur foi dans une telle atmosphère. Auparavant, les mosquées par exemple étaient remplies, Ramadan ou pas. De nos jours elles sont vides, même si la population a augmenté par cinq, six fois, ainsi que le nombre de mosquées à travers l’île », a-t-il fait ressortir.

« Une formalité »

Une autre raison du déclin, a-t-il poursuivi, est le manque d’éducation islamique chez la population musulmane « malgré le grand nombre de madrassah (écoles islamiques) et les centres islamiques qui sont opérationnels dans l’île ».
« Nous constatons que l’éducation islamique est devenue de moins en moins importante chez les musulmans. Le madrassah est devenu une formalité, une tradition obligée pour les enfants musulmans sans qu’ils apprennent vraiment l’Islam et ses principes », a affirmé l’imam Neeyamatkhan.
Il a estimé que les enfants sont débordés par les leçons particulières qui se tiennent après les heures de l’école « mais à l’heure des cours donnés dans les madrassahs ». « Les parents également s’intéressent davantage à ce que leurs enfants progressent à l’école et accordent moins d’importance à l’école islamique », a-t-il déclaré.
Poursuivant son analyse, l’imam a expliqué que les parents n’arrivent pas à contrôler leurs jeunes enfants. « C’est la raison pour laquelle la majorité d’entre eux se trouvent loin, très loin même, de l’Islam. L’avenir est sombre pour les musulmans à Maurice », a-t-il souligné, prenant pour preuve la tenue des jeunes musulmans, garçons et filles. « Ils sont méconnaissables quand je les vois dans la rue. Je crois comprendre que ce sont les parents eux-mêmes qui souhaitent que leurs enfants s’habillent ainsi », a-t-il ajouté.
Les propos de l’imam rejoignent quelque peu ceux d’un enseignant, Goolhamid Beegun, qui a estimé que la majorité des musulmans à Maurice vivent l’Islam seulement pendant le mois de Ramadan. « Le Ramadan terminé, ils en finissent avec leur religion, jusqu’au prochain Ramadan », a-t-il dit.

Les Comoriens entament le jeûne sous une chaleur excessive
Le jeûne du Ramadan aux Comores a commencé hier, la nouvelle lune étant apparue dimanche. La particularité du Ramadan en cette année 2003, c’est un problème d’eau accompagné d’une très grande chaleur ces derniers jours. Le retard des pluies a entraîné le tarissement des citernes, obligeant tout le monde à se ravitailler à Moroni à l’aide de jerrican. Dans les mosquées dès dimanche, les prières se sont multipliées pour le retour des pluies afin de pouvoir passer sans difficulté cette période hautement sacrée chez les Comoriens. En attendant l’approche des fêtes de fin de jeûne et ses dépenses en habits pour les femmes et les enfants notamment, le Ramadan cette année sera pas éprouvant, les températures très élevées des derniers jours ne présagent rien de facile rapporte le correspondant de l’Agence panafricaine d’information (PANA).

On note par ailleurs une forte flambée des prix des produits vivriers, aussi bien ceux produits localement que ceux importés, consécutive à la hausse du prix du riz passé de 250 à 300 FC (0,5 à 0,6 Euro) en août dernier.
Aux Comores où le manioc, la banane ou le taro sont consommés avec une pointe pendant la période du Ramadan, les vendeuses ont saisi l’occasion pour augmenter excessivement les prix. Dans les marchés de Moroni, dimanche, l’on a relevé que le kilo de thon (poisson généralement vendu moins cher) se vendait à 1.250 FC (2,54 Euros). Le prix du kilo des autres espèces dépassait les 1.500 F C (3,04 Euros). Personne ne peut assurer que ces prix resteront longtemps à ce niveau, et ce, d’autant plus qu’en cette période, généralement, le poisson tend à se faire rare.
Chez les fonctionnaires et autres salariés de l’État, le Ramadan débute certainement avec quelques grosses difficultés, les salaires du mois de septembre n’étant pas encore payés. La sécheresse devenant de plus en plus rude sur tout le pays, des difficultés d’approvisionnement en eau rendent encore plus insupportable la période du jeûne, surtout à la Grande Comore où il n’existe aucun cours d’eau à cause de son sol volcanique.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus