Coopération régionale

Les premiers pas d’un modèle de développement diversifié

Bilan d’étape de la visite de la délégation chinoise de Tianjin

20 septembre 2003

En matinée, hier, une réunion de travail a regroupé, autour du préfet, les chefs des services de l’État, les présidents des collectivités territoriales et le député-maire chargé de mission pour la coopération avec la Chine, ainsi que les chargés de mission ministériels pour la coopération régionale, tant avec l’Afrique que vers l’Asie. Il s’agissait de récapituler les premiers pas vers la construction d’un modèle économique nouveau, que Paul Vergès, dans une allocution très argumentée, a appelé « la troisième phase économique » depuis 1946.
Il n’est pas sûr que le citoyen ordinaire ait déjà compris, à travers les comptes-rendus médiatiques, à quel point les échanges inaugurés sous ses yeux préfigurent une nouvelle étape de l’Histoire économique de son île. C’est pourtant ce qu’a soutenu le président de la Région dans son récapitulatif, expliquant que la première phase - ouverte en 1946 avec la loi de transformation de la Colonie - puis la phase marquant le début de l’intégration à l’Europe, avaient été l’une et l’autre placées sous le signe « de la dépendance et de la protection ». Avec la mondialisation des échanges et la façon dont La Réunion veut faire jouer son rôle « d’interface entre l’Europe, l’Afrique et la Chine », c’est une étape radicalement nouvelle qui s’ouvre sous nos yeux.

Sur la bonne voie

De l’avis de plusieurs acteurs de ces échanges nouveaux avec la Chine, par exemple, il faudra encore du temps et quelques missions complémentaires, pour que les projets prennent vraiment corps. Mais le sentiment de tous, hier, était que La Réunion était sur la bonne voie et que les premières réticences trouveraient vite à être surmontées.
Une dernière réunion, tenue hier en début d’après-midi à la SR 21, a fait le point sur l’état des projets en cours d’étude et les questions restées en suspens. C’est d’ailleurs dans les locaux du fond de la rivière Saint-Denis que devrait s’installer, d’ici la fin de l’année 2003, le premier bureau de représentation de Tianjin à La Réunion. Il se disait hier que le représentant pressenti en serait le directeur-adjoint du Centre d’échange international de Tianjin, M. Wu Jian, l’un des interprètes de la délégation.

Contrat "gagnant-gagnant"

Lors du point presse qui a suivi, Paul Vergès a souligné devant la délégation au grand complet les caractéristiques des échanges initiés avec la ville-province de Tianjin, rappelant les « convergences de politique » des gouvernements français et chinois qui ont permis à la municipalité de Tianjin et à La Réunion de s’engager sur la voie de la coopération sur des projets concrets. « Ce ne sont pas des opportunités d’investissements mais une stratégie de la Chine - l’État le plus peuplé - vers le marché le plus solvable, celui de l’Union européenne », a-t-il rappelé. Il s’agit, à travers des initiatives concrètes, dans des secteurs économiques que la délégation chinoise est venue identifier, de fabriquer à La Réunion, selon les normes européennes, des produits finis "made in France" fabriqués avec le concours du savoir-faire et des investissements chinois. Ces produits pourront entrer sur le marché européen sans limitation de quota. « Pour La Réunion, il s’agit de mettre la valeur ajoutée la plus haute à travers divers productions. Pour les Chinois, l’enjeu est d’entrer sur le marché européen en allant plus vite que les mécanismes d’ouverture des marchés », a encore dit le président de Région pour expliquer le contenu du contrat "gagnant-gagnant" dont parlait l’ambassadeur de Chine en France lors de son passage dans notre île en janvier dernier. Réussir l’entrée dans cette nouvelle étape de l’Histoire économique de La Réunion demandera encore beaucoup d’explications de part et d’autres, des connaissances approfondies des dispositifs et mécanismes européens et, certainement aussi que l’on surmonte un certain nombre d’obstacles.
Mais Paul Vergès n’a pas manqué d’observer la « quasi unanimité des points de vue professionnels et politiques sur cette orientation stratégique, menée sous l’égide des deux gouvernements ». Le président de la collectivité était en effet entouré d’élus témoignant de cette pluralité - François Caillé, Camille Gérard, Antoine Minatchy et Raymond Lauret - auxquels est venu se joindre le député-maire chargé de mission pour la coopération avec la Chine, André Thien Ah Koon.

Culture, sport et économie

Pour M. Liu Fengsong, du bureau des Affaires Etrangères de la municipalité de Tianjin, qui a conduit cette délégation, cette initiative est bien sûr « une façon de renforcer les relations avec la France d’une part et entre Tianjin et La Réunion d’autre part ». C’est « une base pour le développement de relations futures, fondées sur le principe gagnant-gagnant », ainsi qu’« un atout pour la société réunionnaise ». « Valorisons nos atouts communs », a-t-il dit dans un clin d’œil au principal slogan de la collectivité réunionnaise, dont le président est invité à se rendre à Tianjin en novembre pour signer une convention culturelle. « Les contacts pris vont être approfondis au plan économique et vont s’étendre au culturel », a dit Liu Fengsong, en annonçant, au nombre des initiatives en cours, l’accord intervenu entre les deux parties pour la création d’une école de footballeurs de haut niveau et le projet de création de centres d’études linguistiques à Tianjin et à La Réunion. Une convention a été signée dans l’après-midi d’hier avec un collège de Sainte-Marie, en vue d’échanges culturels avec les scolaires.
Au plan économique, la délégation chinoise confirme l’intérêt d’un de ses membres pour la construction d’un hotel quatre étoiles et une coopération « en bonne voie » entre hôpitaux de La Réunion et de Tianjin. Dans le secteur industriel, les projets les plus avancés portent sur une unité de production de cellules photovoltaïques, tandis que la réflexion se poursuit pour une unité de montage de postes de télévision. Enfin, une provenderie (usine de fabrication d’aliments pour bétail) est à l’étude.

Plusieurs projets

Ces quelques projets ne couvrent pas la totalité des centres d’intérêt explorés par les membres de la délégation chinoise. Mais il leur faudra convaincre leurs vis-à-vis réunionnais et trouver parmi eux des partenaires financiers pour la concrétisation de plusieurs projets, en dépit de la "différence d’échelle" entre nos deux pays.
L’idée d’une ligne aérienne directe est à l’étude, par exemple, et demandera encore des mois et des mois de réflexion et de mise au point.
Il a aussi été question de l’éventuelle reprise, par un industriel chinois, d’une usine textile qui a récemment fait faillite, pour le cas où l’activité pourrait redémarrer. Les Chinois, qui sont de grands utilisateurs de la bicyclette, se demandent pourquoi il y a chez nous si peu de gens qui choisissent ce mode de transport, avant d’envisager de fabriquer des cycles. Dans le domaine médical, l’étude de marché entreprise par le directeur général d’un groupe pharmaceutique chinois, venu avec la délégation de janvier, est toujours en cours. « Quelque chose est possible », a dit M. Liu, en dépit de la difficulté qu’il y a à pénétrer le marché des médicaments.

Diversification

Paul Vergès a conclu la rencontre en soulignant « la différenciation » entre La Réunion et Maurice dans les choix stratégiques de développement économique. Profitant de l’entrée du Royaume-Uni dans le marché commun, l’île Maurice a pu passer avec l’Union européenne un accord pour le rachat de sa production sucrière. avec cette base d’investissement, elle a construit une zone Franche et de l’activité industrielle d’export, mais fondée essentiellement sur le textile - une activité fragilisée aujourd’hui par l’émergence de grands pays producteurs sur le marché mondial. À La Réunion, si nous sommes à l’interface entre le marché de l’Union européenne et le pays le plus peuplé de la terre, dans des conditions d’échange qui nous permettent de « jouer un rôle actif dans la réponse aux divers besoins du marché européen », nous pourrons construire une réelle diversification de l’économie, alors que l’expérience maucienne s’est concentrée « sur deux ou trois produits » a résumé le président de la Région. La Chine est « le plus grand atelier du monde » aujourd’hui. Elle pourrait être « la plus grande puissance industrielle » du monde de demain.
Voilà qui devrait donner de l’espoir aux jeunes réunionnais à la recherche de débouchés, professionnels ou de formation. C’est en tout cas la nouvelle "terra incognita" (terre jamais explorée) que les responsables de la Région proposent à leurs compatriotes, s’ils veulent connaître autre chose que la dépendance et le cocon européen. « On pourra dire un jour que des responsables réunionnais, avec le soutien des gouvernements de Pékin et de Paris, ont cherché la voie de ce que tout le monde appelle le développement durable », a conclu le président de la Région, en remerciant tous les acteurs de cette nouvelle étape franchie.


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