Ne pas se laisser abuser par Jean-Paul Virapoullé

Les RUP et l’Europe : les acquis du long combat des progressistes réunionnais

28 avril 2005

Dire que la future Constitution, si elle est adoptée, va rendre plus difficile la situation des RUP, ce n’est pas être contre l’Europe : c’est tirer la sonnette d’alarme sur le recul qu’elle fait courir à nos régions fragiles. En raison de l’immobilisme de la droite, l’Europe a mis très longtemps à admettre nos spécificités. Elle se prépare aujourd’hui à les rayer d’un trait de plume.

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C’est la première fois qu’une élection européenne appelle un débat approfondi, y compris à La Réunion : c’est une bonne chose, mais il faut veiller à ce que ce débat ne soit pas faussé par des arguments simplistes, inspirés du seul souci clientéliste.
La droite joue essentiellement sur l’argument du suivisme institutionnel, comme elle l’a toujours fait. Son indifférence à l’Europe l’a longtemps dispensée de débattre. Elle ne s’est jamais souciée du statut de La Réunion au sein de l’Union européenne, ni des problèmes économiques posés par une intégration indifférenciée au Traité de Rome. Il en va tout autrement du PCR, dont la création intervient deux ans après la signature du Traité de Rome (25 mars 1957) et qui a toujours porté à ces questions une attention pointue, motivée par la défense des intérêts de La Réunion.

Tout un travail accompli

Aujourd’hui, la droite tente de s’approprier le bénéfice du travail fait essentiellement par Paul Vergès depuis son élection comme député au Parlement, de 1979 à 1989. C’est tout ce travail accompli pour faire reconnaître nos spécificités au sein de l’Europe qui a valu à Paul Vergès d’être mandaté par l’Outre-mer lors des dernières élections européennes de 2004. Il n’est venu à l’idée de personne, alors, de le qualifier "d’anti-européen". C’est principalement sa persévérance auprès des instances européennes qui a permis de faire reconnaître la notion de RUP et la faire inscrire dans le corps d’un Traité.
Les propos du sénateur-maire de Saint-André, Jean-Paul Virapoullé, évoquant dans le “JIR” du 27 avril l’annexe du Traité de Maastricht, signent sa méconnaissance du sujet. Premièrement, Maastricht, c’est 1992 (le 7 février) et pas 91. Ensuite, au moment de l’adoption du Traité de Maastricht, les RUP n’avaient encore obtenu aucune reconnaissance officielle, raison pour laquelle l’abstention a été si forte dans notre île : pour envoyer aux responsables européens un message clair. Bien reçu en effet, puisque les discussions ont pu reprendre ensuite, jusqu’à l’acceptation du concept de “région ultra-périphérique” et son intégration dans le corps du Traité d’Amsterdam (1er mai 1999).
C’était l’aboutissement d’une longue bataille, menée à titre principal par les communistes réunionnais et en particulier par Paul Vergès, 4ème sur la liste du PCF en 1979 et seul élu réunionnais à la faveur de ces premières élections au suffrage universel.

Faire admettre nos spécificités

Avant 1979, il n’était pas facile à La Réunion de faire admettre ses particularités au sein de l’ensemble européen : le gouvernement français lui-même, pendant très longtemps, s’est montré incapable de recevoir ce discours, qu’il assimilait à une volonté “séparatiste”.
Depuis 1957, l’intégration des DOM à la Communauté européenne avait été prévue en deux temps : certaines mesures allaient s’appliquer immédiatement, tandis que d’autres devaient l’être après un délai de deux ans, selon l’article 227-2 du Traité de Rome. Au bout des deux ans, le sort des DOM étant lié à celui des départements d’Algérie, alors en guerre, le gouvernement n’avait pris aucune mesure, laissant notre île et les autres territoires ultramarins dans leur statut hybride. Ainsi, La Réunion était considérée à l’époque comme un territoire “associé”, bénéficiant à ce titre des crédits du Fonds européen de développement (FED) depuis 1963 seulement. Autre particularité : l’Octroi de mer est resté en vigueur. Sur le plan des fonds structurels communautaires, l’intégration s’est faite graduellement et toujours avec plusieurs années de décalage. Ainsi, le FSE (Fonds social européen) n’est étendu aux DOM qu’en 1971, le FEDER en 1975 ; les prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI) ne seront accessibles aux DOM qu’à partir de 1980.
La Politique agricole commune, mise en place en Europe dès 1962, a exclu au départ les produits de l’agriculture réunionnaise autres que la canne : c’est une des causes de la faillite de nos cultures traditionnelles comme le vétiver, le géranium ou la vanille.

Qu’a fait Jean-Paul Virapoullé ?

Comme on le voit, l’intégration de La Réunion, aux débuts de la Communauté européenne, c’était le dernier des soucis de la droite française. Il suffit pour le vérifier, de demander à M. Virapoullé ce qu’il a fait à partir de 1972 (nous lui faisons grâce de la période antérieure !) pour défendre les cultures traditionnelles de La Réunion, lui qui n’a même pas su garantir aux planteurs les sous-produits de la canne ! Il n’a pas levé le petit doigt pour garantir à notre île une intégration cohérente à l’ensemble européen.
C’est en grande partie ce qui explique l’élection au Parlement de Strasbourg, en 1979, de Paul Vergès, leader de l’opposition : bâillonné dans son île, privé d’antenne à FR3, il est magistralement élu député européen sur la liste du PCF, recueillant ici plus de 44.000 voix, c’est-à-dire avec près de 5.000 voix d’avance sur Jean-Paul Virapoullé. Les Réunionnais, déjà, ne se sont pas trompés de défenseur lorsqu’ils ont dû envoyer l’un des leurs au Parlement de Strasbourg.

Les initiatives de Paul Vergès

C’est le travail spécifique de Paul Vergès, sur deux mandats, qui a permis de faire reconnaître la spécificité des DOM dans l’Europe. Tout commence par une initiative parlementaire du député de La Réunion, en 1984. Sur cette initiative, une délégation de la commission de politique régionale s’est rendue dans notre île en 1985, préparant à la suite un rapport - le rapport Ligios - adopté à l’unanimité par le Parlement européen en 1987. C’est sur cette base qu’a été adoptée la politique du POSEIDOM et plus tard, avec le rapprochement des îles d’Espagne et du Portugal, les programmes POSEIMAD et POSEICAN (pour Madère et les Canaries).
Ce sont ces rencontres avec des pays marqués par une Histoire proche de la nôtre et des particularités géophysiques ou économiques semblables qu’une réflexion spécifique s’est mise en place : Comment faire reconnaître des particularités qui, dans l’ensemble européen, font figure de “handicaps permanents” (éloignement, étroitesse et dépendance des marchés, isolement...) ?
C’est ainsi qu’est apparue et que s’est peu à peu imposée la notion de “Région ultra-périphérique” européenne (RUP), dans laquelle le sénateur-maire de Saint-André n’entre absolument pour rien. Faire croire qu’il pourrait en être aujourd’hui un fervent défenseur, c’est se moquer du monde. Mais le “monde” n’est pas obligé de croire le premier bateleur de foire qui se présente.
La défense des spécificités réunionnaises dans l’Union et la défense des RUP est un combat du PCR et des progressistes réunionnais. Ce sont eux qu’il faut écouter lorsqu’ils disent que les acquis de cette bataille sont menacés par la Constitution actuelle.

Des raisons d’être inquiets

Le fait d’avoir obtenu par nos luttes passées un niveau conséquent de crédits au titre des fonds structurels ne nous interdit pas de porter sur la Constitution une appréciation de portée générale.
Cette appréciation est de deux ordres :
1/ D’une part, en dépit de la mobilisation des RUP pour le Mémorandum de 2003, la mouture finale de la Constitution diffère de celle sortie des premiers travaux de la Convention et c’est pour nos régions un motif de controverse et d’inquiétudes.
2/D’autre part, en raison de l’élargissement de 15 à 25 membres, et bientôt 27 puis 28 membres, il est d’ores et déjà établi que les fonds structurels européens, à budget constant, ne seront pas dans l’avenir ce qu’ils ont été. Même et surtout si le “oui” l’emporte sans débat !
Ainsi, l’argument “alimentaire” et béni oui-oui institutionnel mis en avant par les partisans du “oui” n’est pas respectueux de notre Histoire, des combats qu’il a fallu mener et qu’il faudra mener encore pour défendre les RUP et leur donner les moyens de leur développement.

Pascale David


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