Analyser le scrutin de dimanche

Les tenants du “oui” peuvent-ils avoir raison contre tous ?

1er juin 2005

À droite comme à gauche, à quelques notables exceptions, les tenants du “oui” persistent à penser qu’ils ont eu raison et - dans le meilleur des cas - qu’ils n’ont pas su convaincre. N’est-ce pas une façon de refuser de se remettre en cause ?

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Les partisans du “oui”, bien que désavoués par les électeurs, sont assez peu nombreux à tirer les enseignements justes de leur défaite. Les plus réalistes constatent qu’il leur faudra revoir leur stratégie. Mais beaucoup préfèrent travestir les faits - ceux qui clament par exemple que "l’Outre-mer a voté “oui”" (voir en page 2)  ; d’autres persistent dans l’insulte aux électeurs du “non”, en disant qu’ils ont voté en laissant parler leurs peurs, ou leur incompréhension du texte constitutionnel.
Que les peuples d’Europe, dont les Français, aient des raisons de craindre la politique européenne de délocalisations et de chômage, la vie chère, les difficultés à se loger... cela peut se comprendre. Ils subissent ces contrecoups depuis déjà de trop longues années.

Un mépris certain

Il est une chose que les tenants du “oui” ne veulent pas admettre : si les victimes du système et de ses crises rémanentes avaient trouvé dans la Constitution un rempart à leurs difficultés, ils n’auraient pas hésité à s’en saisir, en votant “oui”. C’est parce qu’il y ont vu au contraire un risque d’aggravation que le “non” a été si largement majoritaire.
Toute autre interprétation sous-entend en général un certain mépris - pour ne pas dire un mépris certain - envers des électeurs appartenant d’une façon générale aux catégories sociales les plus exploitées, les plus fragiles. Bref celles qui subissent de plein fouet les conséquences d’une libéralisation à outrance de l’économie et sa prétention à dominer et organiser l’ensemble de la vie sociale. On peut être écrasé socialement et politiquement perspicace : mais allez dire cela à un journaliste vedette de télévision ou à un “expert” constitutionnel !

Faire insulte à l’électorat

Les tenants du “oui” n’admettent pas non plus le fait que les gens se soient informés. Longtemps avant l’arrivée du texte constitutionnel dans les foyers, certains sont allés l’acheter en librairie. Nous aurons peut-être prochainement des chiffres de vente donnés par les librairies réunionnaises ; en France, les organisations professionnelles du livre ont déjà fait savoir que le texte de la Constitution européenne a été l’ouvrage le plus réclamé depuis le début de l’année 2005 ; et avec lui, les ouvrages parlant de la Constitution, en pour ou en contre.
C’est absurde de faire insulte de cette façon à l’électorat, surtout de la part d’élu(e)s européens : c’est se couper durablement des électeurs, qui sauront se souvenir en temps utile de ceux et celles qui les ont traités d’imbéciles !

Les tenants du “oui” persistent dans l’erreur

Il peut toujours arriver qu’un électorat se trompe, qu’un peuple se fourvoie : c’est généralement la marque d’une vie politique malade ou gangrenée, comme on l’a vu récemment aux États-Unis d’Amérique.
Mais peut-on dire que cela a été le cas dans cette élection ? Tout le monde s’accorde au contraire à souligner la vigueur du débat démocratique - même faussé - voire la renaissance d’une vie politique dans des catégories sociales qui s’en étaient détournées. Tout le monde a salué la qualité du débat démocratique qui a précédé l’élection.
Dans ces conditions, il faut admettre soit que les arguments du “non” ont été les plus percutants, soit que ceux du “oui” sont restés très faibles.
Il reste choquant de voir des tenants du “oui” refuser de tirer les leçons de leur défaite. Ils se sont trompés - certains, de bonne foi, mais c’est loin d’être le cas de tous - ils ont été désavoués... Et ils persistent dans l’erreur. Cette arrogance a déjà coûté cher aux forces de progrès, en 2002. Ne faudrait-il pas maintenant en tirer les vraies leçons ?

P. David


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