Réaction, prise de position...

Lettre ouverte à nos élus qui ne daignent même pas nous répondre

22 avril 2005

Citoyen responsable, je m’étais informé auprès de nos élus en leur posant cinq questions fondamentales sur la “future” Constitution européenne.

(page 4)

Questions

1. Pourquoi le texte constitutionnel est-il si long (852 pages) ?
2. Son contenu est-il politiquement neutre, ni de droite, ni de gauche, ni social, ni économique, ni ultra-libéral ?
3. Comme la Constitution française, ce traité est-il révisable facilement ?
4. Ce texte "giscardien" respecte-t-il la séparation des pouvoirs si chère à Montesquieu ? Le parlement européen maîtrise-t-il l’initiative et le vote de toutes les lois ?
5. L’Histoire montre que toute Constitution est élaborée par une assemblée constituante élue par le peuple souverain. Cela n’a pas été respecté ici, pourquoi ? Comme parlementaire avez-vous été consulté, informé durant le processus ? Pouviez-vous, élu du peuple, intervenir d’une manière ou d’une autre ?

Réponse

Pas de réponse ! Le silence total est inquiétant. L’élu “oublie” l’électeur, il ne répond pas aux préoccupations légitimes d’un citoyen attaché au principe républicain “Liberté, égalité, fraternité” et pourtant il touche une confortable indemnité pour un service de communication ! (l’attaché parlementaire).
Cela m’a conduit à relire la Constitution, péniblement, pour arriver à ces conclusions :
o Cette longueur est lassante et conduit inévitablement à la non lecture par le plus grand nombre, comme si les auteurs le souhaitaient. De plus chaque électeur ne peut être un “expert” juridique.
o Son contenu n’est pas neutre puisque dans ses parties (I, Il et surtout Ill) des contraintes et références libérales sont imposées en détails. Notamment, ce texte, comme le dit M. Ch..., confirme pour toujours que l’Europe se prive de trois leviers économiques indispensables pour gouverner.

A) pas de politique monétaire (la banque centrale indépendante n’a comme mission que la lutte contre l’inflation mais rien concernant l’emploi et la croissance),
B) pas de politique budgétaire (sauf le fameux pacte de stabilité : déficit inférieur ou égal à 3% du PIB)
C) pas de politique industrielle (interdiction de toute entrave à la concurrence même à l’encontre des services publics nationaux). II institutionnalise l’impuissance économique des gouvernements face aux acteurs privés en situation de monopole ou non. Le CNPF jubile...
Il infantilise les citoyens d’Europe en les privant de possibilités de réfléchir à d’autres alternatives, en imposant un dogme comme une chape de plomb : tout débat politique est faussé, inutile. Cette Constitution partisane serait un cas unique au monde mis à part la constitution soviétique qui imposait le collectivisme.

Une révision impossible

La révision est pratiquement impossible avec le principe de la double unanimité pour ratifier un éventuel projet. Unanimité des gouvernements d’abord puis unanimité des peuples (parlements ou référendums). Par contre pour ce qui est de l’entrée d’autres pays (Turquie par ex), ce texte laisse l’unanimité des gouvernements décider, il ignore la volonté des peuples et s’impose par ses règlements aux constitutions nationales ; (art I -6,142,1-33). Le principe du pays d’origine, rejeté "théâtralement" par notre président n’en demeure pas moins présent dans le texte et l’actualité "150 Taïwanais payés 200 € par mois attendus sur la centrale du Gol" verra se multiplier ces exemples dans l’avenir si le “oui” l’emporte.

o Quant à la séparation des pouvoirs, Montesquieu aurait honni ce texte, elle n’existe plus en réalité, les principes démocratiques sont foulés aux pieds.
a) la réalité des pouvoirs est remise à l’exécutif (Conseil des Ministres + Commission permanente).
b) le parlement européen n’a pas l’initiative des lois et son contrôle est limité, contingenté par l’exécutif.
c) le pouvoir judiciaire voit son rôle confisqué par l’exécutif qui peut seul intenter ou pas des actions en justice. C’est la confusion des pouvoirs favorable à (’exécutif : c’est la trahison des peuples, trop confiants en ceux qu’ils ont désignés pour les défendre.

o On comprend mieux pourquoi nos gouvernants ont évité le lourd processus constituant : élection dans toute l’Europe de députés pour une assemblée constituante chargée uniquement de rédiger un projet de constitution qui serait ensuite débattu dans chaque État membre puis ratifié soit par le parlement national soit par référendum. Voilà un processus auquel j’adhérerais à 100%.

Les arguments du “oui”

Mais est-ce pour cela que nos élus n’ont pas voulu répondre ? Voyons les arguments des partisans du oui :
Lors d’un récent débat "truqué", sans réel contradicteur (aucun journaliste spécialisé mais des présentateurs faire-valoir) et un public trié, des jeunes ont été évincés pour être partisan du “non”, le Président calmement nous dit - sa prestation s’ajoute au temps d’antenne exorbitant des partisans du “oui”, les opposants sont réduits à la petite part congrue comme sous le second empire ! - qu’il est fier de cette Europe, première puissance pour : le commerce, l’exportation, l’investissement, le sport, l’aide aux pays pauvres. En fait il justifie son choix de Constitution libérale : il faut laisser agir les agents économiques librement, cela est source de bonheur... pour ceux qui s’engagent dans le privé et surtout pour les puissantes multinationales... Mais il nous dit aussi, rassurant "n’ayez pas peur" après avoir agité l’apocalyptique fin de l’Europe si le non l’emporte. C’est comme avec De Gaulle "moi ou le chaos, la chienlit". Fait-il semblant d’oublier qu’il y a eu d’autres Traités qui construisent l’Europe - auxquels j’ai adhéré - et celui de Nice fera vivre l’Europe jusqu’en 2009 ! Il nous dit encore, hiératique, qu’on ne pourrait renégocier un autre traité si le “non” l’emporte ! Qu’est-ce qui empêcherait nos gouvernants d’engager un réel processus constituant ? De toute façon ce Traité constitutionnel est pérenne et très difficilement révisable.
On entretient le flou sans expliquer vraiment.

Ne pas se tromper

D’autres nous invitent à "ne pas se tromper de colère", mais le gouvernement Raffarin méprise le Parlement en le forçant à voter globalement une loi sans débat (!), s’impose au judiciaire et reste sourd aux revendications, aux diverses manifestations des forces vives du pays : il lui faut préparer les Français à la Constitution européenne de demain, il donne un avant-goût de ce qui nous attend, c’est vrai on ne doit pas se tromper.
D’autres encore nous menacent d’une rupture des aides notamment européennes comme si le “non” supprimerait le fonctionnement actuel de la communauté. Où trouver dans la Constitution les contraintes à l’égard des puissances privées pour satisfaire les besoins collectifs de notre région ?
On nous parle d’Europe sociale mais toujours dans les grandes lignes car aucun article ne précise cette intention, vœu pieux ! Tout le social dépend du domaine réservé de l’exécutif (commissaires et/ou gouvernants), ainsi l’affaire “ Bolkenstein”, suspendue, reviendra après les élections. Les propos du président du Conseil européen, J.C. Juncker, dans son communiqué de presse du 23 mars, sont clairs : "La directive ne sera pas retirée. Seule la commission pourrait le faire." La protection contre le dumping social tient au respect d’un modèle social européen vague et indéfini, ce qui arrange tout le monde.
D’autres directives des commissaires européens ont été adoptées avant, sans que personne s’en émeuve, comme les directives 92/49/CEE concernant l’assurance non-vie et la 92/96/GEE concernant l’assurance vie : qui mettent juridiquement fin à l’obligation d’affiliation à la Sécurité sociale pour les branches maladie, accidents du travail et vieillesse ; ou la directive 2003141 /CE concernant les activités et la surveillance des institutions de retraites professionnelles, qui est un peu ce que la directive “Bolkenstein” est aux services. Le respect du "modèle social" ne fut dans les deux cas, nullement invoqué. Il ne l’est pas davantage pour la proposition 2004/0209/COD du 22 septembre 2004, visant à modifier certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

Pédagogie

On nous dit aussi qu’il faut faire preuve de "pédagogie auprès des électeurs" : comment, par exemple leur apprendre à lire toute affaire cessante, 852 pages indigestes !? Difficile de leur expliquer que le "modèle social européen" est utopique, mieux que la Constitution remet en cause tous les acquis sociaux français. Cet argument est aussi révoltant que de s’entendre dire qu’il faut accepter "ce rapport de force en Europe qui joue en faveur des gouvernements libéraux" ! Si nos illustres anciens avaient baissé ainsi les bras au 19ème siècle, nous n’aurions pas obtenu la législation du travail qui protège tout salarié mais qui “handicape” l’économie libérale. Combien de fois avons-nous entendu "trop de charges sociales, je ne peux embaucher", et maintenant le chômage baisse ?
On nous parle de "générosité à l’égard des peuples du Tiers Monde". Poudre aux yeux. Le libre-échange ne favorise jamais la compétitivité mais principalement la concentration de capitaux financiers. Il se soucie de rentabilité seulement, les hommes ne comptent pas (ne pas oublier que le colonialisme très libéral a secrété l’esclavage et ... des guerres !) Et les pays pauvres, insolvables, piètres consommateurs, n’ont que peu intéressé les USA, demain ils n’intéresseront pas l’Europe ultra-libérale car l’art I -2 portant sur les "valeurs de l’Union", confirme l’absence de toute ambition de faire de l’Europe un continent solidaire et attentif aux besoins du Sud.
En conclusion, ce Traité constitutionnel (oxymore !) est mauvais pour tout citoyen épris de liberté, de justice et de fraternité. L’Europe ne peut se construire que sur des bases démocratiques où le peuple doit pouvoir exercer sa souveraineté dans la clarté et non à travers des représentants qui confisquent ce pouvoir à des fins mercantiles : on ne finira donc jamais d’adorer le "veau d’or" ?

G. M.


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