La dernière « une » de Charlie Hebdo provoque une révolte au Niger

Manifestations anti-françaises chez le principal fournisseur des centrales nucléaires françaises

19 janvier 2015, par Céline Tabou

La “Une” de Charlie Hebdo représentant le prophète Mahomet avec une pancarte « Tout est pardonné », ne fait pas l’unanimité. Au Niger, une manifestation contre le journal satirique a dégénéré vendredi 16 janvier.

Le Niger est un des principaux alliés de la France. Il fournit de l’uranium à pays depuis 1961. Pourtant, le Niger est l’un des pays les plus pauvres d’Afrique. De nombreux contentieux ont éclaté entre le peuple nigérian et les dirigeants français. L’an dernier, le leader français de l’énergie nucléaire, Areva, a été pointé du doigt pour les souplesses fiscales mises en place depuis l’indépendance à son bénéfice.
L’uranium nigérian représente près de 40 % de l’approvisionnement mondial du groupe français. Ces accords sont souvent dénoncés par les Nigériens, en dépit du soutien du gouvernement de ce pays envers la compagnie française. La contestation va au-delà de ces accords, depuis plusieurs jours, les Nigériens ont manifesté contre la Une du dernier numéro de Charlie Hebdo.

« Vendredi noir » à Zinder

Les manifestations vendredi dans la seconde ville du pays ont fait au moins trois civils et un policier tués, selon le ministre nigérien de l’Intérieur. Le centre culturel français, huit églises et des commerces tenus par des chrétiens ont été incendiés. Une manifestation contre l’hebdomadaire satirique « Charlie Hebdo » a dégénéré, entrainant une confrontation entre les forces de l’ordre et les manifestants. Quarante-cinq personnes ont été blessées, a indiqué le ministre, Massaoudou Hassoumi.
« Tout a commencé ce matin juste après la prière. Plusieurs centaines de personnes ont déferlé sur la ville en sortant des mosquées, en hurlant des slogans hostiles à ’Charlie Hebdo’", a expliqué Jean-Karim Fall, à la chaine France 24.
Ce dernier a ajouté que les manifestants « se sont attaqués à un certain nombre d’édifices religieux. La mission catholique a été entièrement saccagée. Ils ont également totalement détruit et incendié une école catholique. Plusieurs débits de boisson, des bars, ont été détruits dans la ville. »
Une source administrative a indiqué à l’AFP « on n’a jamais vu ça à Zinder », en référence aux lieux de cultes incendiés ainsi que le siège d’un parti au pouvoir. « C’est un vendredi noir », a-t-elle déploré.
La police a utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule, qui criait en langue haoussa, « Charlie est le diable, que l’enfer engloutisse ceux qui soutiennent Charlie », a expliqué Aboubacar Mamane, un commerçant interrogé par l’agence Reuters. Seule l’armée est parvenue à calmer la situation à Zinder.

Niamey s’enflamme

Dans la capitale Niamey, près d’un millier de jeunes s’étaient réunis samedi 17 janvier au matin, pour un rassemblement de protestation contre la nouvelle caricature du prophète Mahomet. Bien qu’interdit par les autorités, après les évènements de Zinder, les manifestants ont maintenu lors mobilisation, entrainant des affrontements avec les forces de l’ordre.
La police a dû tirer des gaz lacrymogènes en direction des personnes réunies dans le centre de Niamey, qui marchaient jusqu’au Parlement. Les affrontements de samedi laissaient craindre un embrasement similaire aux émeutes anti-Charlie Hebdo de la veille, qui ont fait cinq morts dans la capitale.
Cependant dimanche 18 janvier, des manifestants de l’opposition se sont rassemblés malgré l’interdiction « en raison de la situation qui prévaut ». La veille, l’opposition avait annoncé le maintien de cette marche, suivie d’un meeting prévu de longue date.
La mobilisation était un moyen pour dénoncer « le concassage (pressions) des partis d’opposition et la mauvaise gouvernance », a expliqué Soumana Sanda, l’un des organisateurs, à Radio France Internationale.
Face à la tension, l’ambassade de France à Niamey a recommandé à ses ressortissants « d’éviter toute sortie », appelant à une « grande prudence ». D’ailleurs, plusieurs agences d’une entreprise française du Pari mutuel urbain et des kiosques de l’opérateur français Orange ont été saccagées.
De son côté, le président nigérien Mahamadou Issoufou a appelé à la tolérance et au respect mutuel. Ce dernier a toutefois dû justifier sa participation dimanche 11 janvier à la « marche républicaine » française contre les attentats à Paris. Le chef de l’État nigérien a indiqué avoir participé à cette marche « non pas pour soutenir un quelconque journal, mais pour prendre part à une marche pour la République et la lutte contre le terrorisme ». Le président a considéré que « la liberté d’expression ne saurait signifier la liberté d’insulter ce que les autres ont de plus cher, leur foi ».

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