Un enjeu du conflit

Manoeuvre américaine en Ukraine

15 avril 2014, par Céline Tabou

La crise actuelle en Ukraine découlerait d’une volonté des Américains de s’imposer en Europe, après la création de la zone euro, et la remise en cause du pouvoir du dollar. La position américaine met également en exergue le retour d’une guerre froide entre les Etats-Unis et la Russie.

L’Otan s’est étendu vers l’Est au cours des 20 dernières années.

Le chaos actuel en Ukraine a ainsi permis aux Américains de revenir sur le Vieux Continent, militairement mais aussi économiquement. En effet, le Pentagone a décidé de renouveler son potentiel tactique nucléaire en Europe, ce qui, selon la majorité des experts, pourrait remettre en cause la sécurité du continent. Pour certains, la guerre froide n’est pas terminée entre les Etats-Unis et la Russie, avec comme enjeu l’Europe.

Remise en cause du dollar

D’après le Global Europe Anticipation Bulletin (groupe d’experts en géostratégie. GEAB) du 15 mars 2014, les Etats-Unis ont tenté à plusieurs reprises de déstabiliser la zone euro, à travers différentes plaintes à l’Organisation Mondiale du Commerce et des conflits commerciaux inter-entreprises.

Au départ de la construction européenne, les Américains avaient vu le danger d’une monnaie commune, remettant directement en question sa propre monnaie et son poids sur le plan international. En effet, la prédominance du dollar après la seconde guerre mondiale permettait aux Etats-Unis d’acquérir des avantages commerciaux importants. Cependant la création de la zone euro a été vivement critiquée par les Américains, qui voyaient tout un continent sortir de leur joug. D’autant que les deux objectifs principaux de la construction européenne sont « la paix par la coopération et la mutualisation des intérêts, et l’indépendance du continent par la force » que lui procure l’union des États membres.

Ainsi la création de l’euro a conduit les pays européens à se retrouver en opposition à la zone dollar. Une confrontation monétaire se met en place, le dollar perd de son pouvoir alors que l’euro parvient, par décision politique à se maintenir sur le marché.

Le pacte qui scelle l’UE aux USA

Pour pouvoir contrer l’euro et reprendre son rôle hégémonique sur l’ensemble des échanges commerciaux globaux, les Américains pressent désormais les européens à signer le Pacte Transatlantique d’investissement et de commerce. Un pacte refusé par de nombreuses organisations, car il permet aux multinationales d’attaquer des Etats qui auraient enfreint, selon la loi américaine harmonisée en Europe, la bonne marche de leurs bénéfices.

Ce pacte créerait « une énorme zone de libre-échange UE-US échangeant en dollars et annexant formellement l’Europe à la zone dollar », a expliqué le GEAB. A l’instar de ces détracteurs politiques, économiques et sociaux, les experts du GEAB ont expliqué que ce pacte est une attaque vis à vis de « l’indépendance européenne » et particulièrement de « son arsenal juridique de protection commerciale, garant de l’intérêt économique, de la compétitivité qualitative et de la santé des Européens ».

Ce réarmement a été possible par la présence accrue des forces de l’Otan, poussée par les amércains, pour Jim Thomas, vice-président du Center for Strategic and Budgetary Assessments à Washington, l’Otan a désormais « les coudées franches pour installer, dans les pays membres frontaliers de la Russie, des forces nucléaires non stratégiques ».

Que fait l’Ukraine là dedans ?

Le conflit en Ukraine met en évidence deux forces en oppositon. D’un côté, l’Occident avec l’Union Européenne et les Etats-Unis et de l’autre côté, la Russie, pays émergents parvenus à s’allier aux puissances économiques mondiales, comme la Chine et l’Inde.

Une confrontation bilatérale dont l’enjeu est selon le quotidien anglais « The Guardian », « le désir de s’assurer qu’un pays géostratégique crucial en ce qui concerne le contrôle des routes de pipelines d’énergie reste dans leur sphère d’influence ». A l’heure où les réserves énergétiques s’amenuisent, les puissances veulent contrôler le maximum de pays détenant du pétrole et des gaz naturel.

D’après une conversation fuitée entre la vice-secrétaire d’Etat adjoint, Victoria Nuland et l’ambassadeur américain à Kiev, Geoffrey Pyatt, retranscrite par le quotidien britannique, les États-Unis sont en liaison directe avec les partis de l’opposition ukrainienne et « manipulent l’orientation du gouvernement ukrainien », dans leurs intérêts.

Des efforts dans ce sens ont été fait par les Américains, qui en 2004, sous l’administration Bush, avait donné plus de 65 millions de dollars aux dirigeants de l’opposition et à des militants politiques anti-russe, afin de peser sur la scène politique ukrainienne.

20 années de préparation

D’après un ancien agent du renseignement américain, Scott Rickard, Washington préparait depuis 20 ans la venue de forces pro-occidentales au pouvoir en Ukraine. L’ex-espion a expliqué à la chaîne de télévision RT, que « depuis 20 ans, Washington œuvrait à élargir, voire à pousser l’Otan du côté de l’Ukraine (…). Le renseignement américain travaillait en Ukraine, mais la Crimée, peuplée essentiellement de Russes, représentait un théâtre des opérations plus difficile pour les Américains qui s’y faisaient remarquer tout de suite ».

Après avoir tenté durant plusieurs années de créer un soulèvement populaire, les Américains ont dépensé près de 5 milliards de dollars, seulement par l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), a expliqué l’agence de presse Ria Novosti. Aujourd’hui, l’Ukraine est prise entre la Russie et l’Occident.

Une confrontation qui se traduit de la violence, notamment dans l’est du pays, où des pro-russes armés ont tenu tête lundi 14 avril au gouvernement pro-européenne. A Slaviansk, la tension reste vive, depuis que des groupes armés pro-russes se sont emparés samedi 12 avril, des bâtiments de la police et des services de sécurité.

 Céline Tabou 

Vers un second référendum


Après la région de la Crimée, le mois dernier, les habitants de la ville de Slaviansk souhaite un référendum pour un rattachement à la Russie. Si bien qu’un millier d’entre eux étaient rassemblés au centre ville, promettant de rester sur place jusqu’à l’organisation du référendum. Pour la première fois, le président par intérim Olexandre Tourtchinov a tendu la main dans ce sens, estimant qu’un tel scrutin pourrait être organisé en même temps que la présidentielle anticipée prévue le 25 mai.

Olexandre Tourtchinov a évoqué un référendum national, alors que les pro-russes veulent des scrutins locaux, où le rapport de force serait plus favorable au rattachement. La proposition a peu de chances de débloquer la crise, d’autant qu’à Moscou a exhorté les autorités de Kiev à « cesser la guerre contre (leur) propre peuple, mettant en garde contre une guerre civile », a indiqué l’Agence France Presse.

Moscou a ainsi demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU, qui a tourné en rond, dimanche 13 avril entre les Occidentaux et Moscou, accusé d’avoir organisé les dernières tensions. La situation fait craindre aux occidentaux que les 40.000 soldats russes basés à la frontière, n’aient l’ordre d’intervenir. Car, le président Vladimir Poutine avait promis de défendre à tout prix les ressortissants russes dans l’ex-URSS.

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