"Jusqu’à présent, les Mahorais votaient sur des “cadeaux” ou sous l’effet de la peur réveillée par l’agitation du statut. Aujourd’hui, le souci de l’égalité sociale passe devant tout ce qui pouvait s’apparenter, avant, aux discours sur l’enrichissement (Mayotte département français) et sur la peur du retour à l’ensemble comorien. Le SMIC est tellement bas à Mayotte (500 euros par mois) qu’on a vu récemment trente cas de béri-béri pour cause de malnutrition", affirme Ahamada Salime.
"Il n’y avait plus de débat d’idées, poursuit-il ; et cette année, il y en a eu un, accompagné du glissement à gauche du MPM. L’électorat mahorais est traditionnellement volatile, mais cette fois-ci, nos thèmes de campagne ont été pris au sérieux : sur les déchets par exemple.
Tous les déchets, même ceux des hôpitaux, sont à ciel ouvert chez nous. Avec le fatalisme inculqué par un islam très conservateur, les gens acceptaient auparavant de boire et de cuisiner avec l’eau d’une rivière polluée par les vidanges d’un millier de taxis. Nous avons soulevé un débat de société sur ce thème, ainsi que sur celui du co-voiturage, des transports en commun (bus), du transport maritime, de l’énergie solaire...
Le président Vergès est venu nous parler de ce qui se fait à La Réunion dans ce domaine, et les gens commencent à accepter cela".
Selon Ahamada Salime, "la société mahoraise évolue positivement. Les idées progressistes y sont mieux acceptées. Mayotte change beaucoup et, forcément, elle attire les Comoriens. Ils sont obligés de venir chercher ici de quoi se soigner et souvent, le comportement des jeunes Anjouanais - par exemple, il en arrive peut-être cent par semaine - pose problème.
Aujourd’hui, Mayotte est devenue “les Comores-Réunies” ! Pour nous, la solution est dans une méthode à la chinoise : aller sur place (aux Comores - NDLR) construire les structures et en suivre de près le fonctionnement".
Et de conclure : "Ce sont toutes ces idées-là qui ont fait la convergence et l’élan de progrès dont l’Alliance a bénéficié dans ce scrutin. Les jeunes sont plus ambitieux. Auparavant, le message des chefs religieux et des cadi maintenaient les Mahorais sous tutelle. Mais Mayotte est en train de changer...".

Propos recueillis par P. David