Après la consultation sur la départementalisation

Mayotte : et maintenant ?

31 mars 2009, par Manuel Marchal

Étalée sur au moins 20 ans, la départementalisation de Mayotte aura lieu dans un contexte incertain. Quelle sera la situation de l’Europe, de la France et de la région dans 20 ans ? Une chose est sûre, c’est que pendant toute cette période, les citoyens français résidant à Mayotte toucheront moins d’allocations familiales et un SMIC inférieur à celui de La Réunion ou des autres départements de la République. Quel sera l’impact de cette situation ?

Dimanche, les citoyens de Mayotte étaient consultés sur la possibilité d’un changement statutaire. Le taux de participation est de 61%, un peu plus de 95% des votants se sont prononcés pour une plus grande intégration dans la République. À partir de maintenant, il reste plusieurs étapes pour aller vers la transformation de Mayotte en 101ème département de la République.
Le Parlement doit d’abord adopter une loi organique qui confirme le résultat de la consultation, puis une loi sur l’organisation et la composition de la future assemblée unique qui succédera au Conseil général, et qui, en plus des compétences de la collectivité départementale, aura celles d’une Région.
Si ces différentes étapes étaient respectées, c’est en 2011 que Mayotte devrait devenir un Département d’Outre-mer.
Cette date constituera le point de départ d’une départementalisation progressive et adaptée qui s’étalera sur une période comprise entre 20 et 25 ans. Quelle sera la situation du monde, de la France ou de la région océan Indien dans 20 ans ?

L’impact des APE

D’ores et déjà, des projections démographiques annoncent au moins 30 millions d’habitants à Madagascar, plus d’un million dans les trois autres îles de l’archipel, et 300.000 à Mayotte.
Mayotte sera donc sous l’influence du Nord de Madagascar, d’autant plus que les Accords de Partenariat Économique seront devenus le droit commun depuis une vingtaine d’années. Autrement dit, tout le marché mahorais sera ouvert aux produits venant de Madagascar et des autres îles des Comores.
Un autre aspect à prendre en considération est le temps prévu pour la réalisation de l’égalité. Paris annonce d’ores et déjà un délai minimum de 20 ans. Et précise un premier exemple : lors de son application à Mayotte en 2012, le RSA sera inférieur de 75% à la France. Autrement dit, dans trois ans, un Mahorais touchera un minima social dont le montant sera le quart de celui que reçoit une personne résidant à La Réunion ou en France.
Les Réunionnais connaissent toutes les batailles qu’ils ont dû livrer pour obtenir l’égalité. La loi du 19 mars 1946 prévoyait l’égalité au 1er janvier 1947, soit moins de neuf mois plus tard. Il a fallu 50 ans de luttes pour que cette loi soit appliquée. Alors quand un délai d’au moins 20 ans est annoncé pour l’égalité à Mayotte, il est légitime de s’interroger.

RSA 75% en dessous de la France

Pendant ce temps, les citoyens français de Mayotte percevront moins d’allocations familiales et un SMIC inférieur aux autres citoyens des départements de la République. Cela les poussera à se déplacer en France ou à La Réunion pour mieux vivre. Or, aucune étude d’impact de ce phénomène n’a été faite préalablement à la consultation, et durant au moins 20 ans, les gouvernements qui se succéderont à Paris devront faire face à cette situation.
La départementalisation de Mayotte pose le problème de son intégration dans l’Union européenne. En tant que département, Mayotte deviendra une RUP, éligible aux fonds structurels européens. Elle sera aussi le DOM où le PIB par habitant sera le plus faible, et donc celui qui sera à coup sûr éligible à l’Objectif convergence de l’Union européenne.

Fonds européens revus à la baisse

Mais au moment où Mayotte commencera sa transformation en département, l’Union européenne sera en pleine négociation du futur budget européen pour la période 2013-2019. Du fait de la crise, et de l’intégration à l’Union de pays où le PIB par habitant est nettement inférieur à celui des DOM, Mayotte y compris, les critères d’attribution des fonds structurels européens seront probablement révisés à la baisse pour les Départements d’Outre-mer. Autrement dit, Mayotte touchera moins de l’Europe demain que les DOM aujourd’hui. Il est essentiel que le gouvernement anticipe et propose des solutions face à cette situation.
Force est de constater que l’intervention de la France élargit le fossé entre Mayotte et les trois autres îles de l’archipel. Compte tenu de ces éléments, la porte de sortie se situe dans des rapports apaisés entre les îles de l’archipel des Comores afin que chacun puisse contribuer au développement de la région.

M.M.

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Messages

  • Si vous dites cela on vous dira que vous êtes "contre les intérêts de Mayotte". Le Maorais est formaté pour ne jamis analyser les choses. Il est obnibulé par un statut. C’est lorsqu’il deviendra un étranger chez lui, qu’il réalisera. Déjà aujourd’hui l’agriculture et la pêche maoraises survivent grâce à ceux qu’on qualifie de "clandestins". Et demain ?

    Ceratins Maorais qui ont des moyens, notamment des élus, commencent à préparer l’avenir en achetant des parcelles de terrain à Anjouan, Mohéli et Grande Comore, c’est à dire chez leur bête noire !

  • La départementalisation ne constitue pas une fin en soi. Ce n’est pas le saint graal non plus. Tout cela, les Mahorais l’ont bien intégré, et en ont pleinement conscience. Tout monde le sait en effet, les Mahorais les premiers, que le département de Mayotte n’est pas encore créé.Il est à construire, il est à inventer. Les Mahorais en votant "oui" à plus de 95% ont opté pour un cadre juridique et institutionnel. La société mahoraise d’aujourd’hui et de demain est entre les mains de la population. Des chantiers immenses et des défis colossaux de dressent devant Mayotte. Mais, il n’y a de bonheur et il n’y a pas d’avenir déjà tout faits, comme qui dirait, qui descendra du ciel pour les Mahorais. On peut donc également voir dans le résultat sans appel du référendum, une volonté forte des Mahorais de relever et de réussir le grand défi qu’impose un tel projet de société.


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