e Père Jean Cardonnel

Non à la compétitivité !

24 mai 2005

(page 6)

Je cherchais depuis longtemps le motif radical de mon refus d’une Europe de bas-étage au profil également bas. Or, il me vient d’un lieu d’où je ne l’attendais pas en forme aussi claire : l’édito “Objectif régions” dans “Cahiers du Monde” du jeudi 19 mai 2005. Ce texte signé Caroline Faquet a pour titre “Oui à la compétitivité”. Il n’existe pas de mots qui résument mieux - exactement comme le pouvoir et même l’autorité constituée - l’ampleur du mal qu’avec des milliards d’humains, je veux contribuer à extirper jusqu’aux ultimes racines. "Oui à la compétitivité".

C’est donc ça, le secret d’État, la raison d’État du plus fort, d’un Tout-Marché qui se tapit, se dissimule, se calfeutre pour s’étaler aujourd’hui - mais regardez-le donc ! - sous les dehors trompeurs, la façade grossièrement hypocrite, menteuse, d’une Europe libérale dite riche en multiples futures possibilités d’avancées sociales. Eh bien, non, mille fois non ! Le potentiel d’avancée des exigences sociales, conviviales se trouve noyé dans l’écœurant marais de la régression fœtale vers le bourbier primitif, sauvagement déjà “technologisé”, des montagnes énormes d’empire aux comptoirs souterrains du capital anti-fraternel universel. Et, Caroline Faquet, vous nous dites dans une parfaite crudité de langage économico-lyrique, qui sont les locataires en mal d’appropriation de vos fameux pôles compétitifs : "ceux qui, alliant la richesse et l’hospitalité des campagnes françaises, contribuent à conforter le leadership mondial du pôle de compétitivité touristique hexagonal." Vous avez bien lu ? Ce n’est même plus le pôle touristique compétitif national, c’est le pôle de compétitivité touristique hexagonal du capital mondial.

Ah ça, mais pour qui donc nous prenez-vous, chantres larbins du “oui” à la compétitivité ? Nous ne voulons plus être des animaux concurrentiels, les brutes compétitives, les bêtes à Bon Dieu, cet arbitre du combat de fauves, de prédateurs ou de mantes religieuses, les premiers comme les secondes à inimaginable gueule humaine, répandus sur le marché mondial agrémenté d’un grand orchestre social néo-libéral. Nous sommes des millions qui ont la conviction radicale - d’expérience vécue, étudiée, pensée de l’opposé, le pouvoir aggravé de la tyrannie du sélectif - que l’on ne peut à la fois jouer des coudes pour écarter, éliminer les autres, et se serrer mutuellement les coudes. Je lance donc le “non” à la compétitivité pour cause du “oui” à la créativité d’inépuisable humanité.

Jean Cardonnel


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus