Environnement

Observer pour atténuer les conséquences du réchauffement climatique

15 mars 2003

Les effets des activités humaines sur le climat

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a rendu en 1995 son second rapport scientifique. Il conclut entre autres que :
- depuis 1750, le taux de CO2 (dioxyde de carbone issus notamment de la combustion d’hydrocarbures et de charbon) dans l’atmosphère a augmenté de 30%, celui de méthane (constituant principal du gaz naturel) de 145% ;
- depuis la fin du 19ème siècle, la terre s’est réchauffée de 0,3° à 0,6° et on a assisté à une montée du niveau des océans de 10 à 25 centimètres.
- toutes les analyses confirment l’effet notable des activités humaines sur ces variations, même s’il demeure de nombreuses incertitudes sur leurs évaluations, et surtout sur les conséquences qui peuvent s’ensuivre ;
- la comparaison entre le changement observé dans la température moyenne globale et le résultat des simulations suggère que le réchauffement des cent dernières années n’est vraisemblablement pas dû aux seules causes naturelles et que les caractéristiques géographiques d’un réchauffement dû aux activités humaines sont identifiables dans les observations du climat.

Et le futur ?

D’après le rapport du GIEC, d’ici 2100, selon différents scénarios liés au développement de la société, le réchauffement pourrait atteindre 1 à 3,5°C et la mer monter de 15 à 95 centimètres, (ceci principalement sous l’effet d’une dilation thermique de l’eau). La hausse des températures devrait provoquer des cycles hydrologiques plus vigoureux, c’est-à-dire des sécheresses et des inondations plus sévères et une augmentation des précipitations (voir encadré). Une évolution rapide et soutenue du climat pourrait également modifier l’équilibre entre les espèces, et provoquer un dépérissement des forêts, qui sont notamment des puits de CO2.
Les projections obtenues sont plus fiables aux échelles hémisphériques ou continentales qu’à l’échelle régionale. On se fie davantage aux prévisions concernant la température qu’à celles concernant le cycle hydrologique.
Outre-mer, la hausse des températures des eaux marines peut être néfaste pour les coraux qui pour beaucoup d’entre eux ne survivent pas au-delà de 29° - 30 degrés. Elle est également susceptible d’accroître la fréquence et l’amplitude des cyclones, particulièrement néfastes pour les atolls.
Pour ce qui concerne l’Europe, les projections concluent plutôt à un réchauffement, accompagné d’une intensification des cycles hydrologiques, dont l’amplitude croîtrait dans la partie Nord de l’Europe et diminuerait dans la partie sud. En France, l’élévation du niveau de la mer provoquerait l’inondation permanente des espaces côtiers aujourd’hui à peine ou incomplètement émergés. Les régions les plus concernées sont le delta du Rhône en Camargue et le rivage à lagunes du Languedoc.
L’élévation de la température entraînerait également une nette diminution (de 20 à 30%) de la durée de l’enneigement dans les Alpes à basse altitude (1.500 mètres). Il est important de souligner que ces prévisions ne préjugent pas de l’apparition d’effets de grande ampleur qui pourraient être liés par exemple à des bouleversements de la circulation océanique.

Les dangers probables liés au réchauffement

Il est probable que les pays du Sud et les écosystèmes les plus vulnérables souffriront le plus des changements climatiques. Par un accroissement de la sécheresse entraînant une chute des rendements agricoles dans les zones arides, et donc des risques de famine, par le passage sous le niveau de la mer de zones côtières, d’îles, d’archipels...
D’une façon générale, l’amplitude et la fréquence des orages, des inondations et des crues, des tempêtes ainsi que des cyclones pourraient augmenter, entraînant ainsi une intensification des accidents météorologiques.
Hormis dans les régions froides, où la mortalité due au froid reculerait, le réchauffement climatique aurait essentiellement des conséquences préjudiciables sur la santé humaine. D’une part, le renforcement et l’allongement des périodes de chaleur augmenteraient, principalement dans les villes, la mortalité et les affections cardiorespiratoires ; d’autre part, les aires touchées par les maladies infectieuses véhiculées par les insectes tropicaux s’étendraient considérablement.
Enfin, de façon globale, d’après le GIEC, le coût des dommages liés à une augmentation de la température de 2,5°C, est estimé à 1,5-2% du PIB mondial. Ce coût se décline en 1-1,5 % du PIB pour les pays industrialisés et il pourrait être très supérieur à 2 % pour les pays du Sud.

Plan Climat 2003
La stratégie nationale du développement durable est une priorité du gouvernement et la lutte contre le changement climatique un axe stratégique fort de cette politique. Le Premier ministre et Roselyne Bachelot Narquin, ministre de l’Écologie et du Développement Durable ont rappelé les objectifs lors de la réunion plénière du GIEC à Paris en février : diviser par 2 les émissions mondiales de gaz à effet de serre avant 2050, ce qui signifie une division par 4 à 5 des émissions des pays industrialisés.
Le bilan 2002 du Programme national de lutte contre le changement climatique (PNLCC) a montré que la très légère réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2001 par rapport à 1990 dissimulait une grande disparité dans la mise en œuvre des mesures et l’évolution des différents secteurs.
La Mission Interministérielle de l’effet de serre a été chargée de coordonner cette année l’élaboration d’un plan d’action renforcé qui s’inscrira dans le cadre du PNLCC et devra tout d’abord assurer le respect par la France de ses engagements du protocole de Kyoto, c’est-à-dire stabiliser ses émissions au niveau de 1990 sur la période 2008/12. Ensuite, anticiper l’accélération nécessaire de réduction des émissions allant vers une baisse de 75% en 2050. Et enfin, permettre des progrès effectifs dans les transports, dont les émissions ont crû de 20% en 10 ans.
Ce Plan climat 2003 sera établi en concertation avec les acteurs socio-économiques. Les huit groupes de travail (production d’énergie, industrie et gaz fluorés, bâtiments, transports, agriculture, déchets, éducation-information, collectivités locales) remettront leurs rapports en juin en prévision d’un Conseil des ministres début juillet. Ces groupes veilleront à identifier de nouvelles mesures pour pallier les lacunes du PNLCC, à anticiper et hiérarchiser les actions à long terme, et à analyser les facteurs juridiques, économiques et techniques de faisabilité des mesures. La synthèse de ces travaux, réalisée par la mission interministérielle, sera diffusée en septembre. Après débats interministériels, un Conseil Interministériel du développement durable adoptera le Plan climat en novembre 2003. Le plan sera présenté et évalué tous les 18 à 24 mois.
Le réchauffement climatique : conséquences tragiques au Pérou
Sécheresse, gel et, depuis quelques semaines, pluies diluviennes dues au phénomène du Niño : le Pérou est en situation d’urgence permanente. Un drame pour les populations locales, comme celle de Juliaca, victimes directes du réchauffement climatique de la planète.

Comme dans tout le Sud du Pérou, dans la province de Juliaca de la région de Puno, la pluie tombe depuis des semaines, par intermittence. Le Lac Titicaca a atteint son niveau maximum. Les cours d’eau qui s’y jettent habituellement sont saturés et ont débordé. Les terres des alentours sont engorgées. De nombreuses organisations tentent d’aider ces populations affectées. C’est le cas, parmi bien d’autres, de la Croix rouge péruvienne. En partenariat avec une chaîne télévisée et d’autres entreprises, elle a réalisé de grandes campagnes de récoltes de vivres et de vêtements.
Le Pérou a ainsi le triste privilège d’être l’un des pays au monde déplorant le plus de sinistrés à la suite de catastrophes naturelles. À chaque fois surpris par un phénomène nouveau, le gouvernement et les ONG ne savent plus comment s’organiser. Il est difficile de créer des plans de restructuration et des projets de développement, lorsque la plupart du temps le pays se trouve en situation d’urgence.
« En 1983-84, le pays a été victime du Niño », explique Edgardo Calderon Paredes, président de la Croix rouge péruvienne. « Il a causé des fortes pluies dans le Nord et la sécheresse dans le Sud. Les scientifiques ont calculé que ce phénomène pourrait se produire tous les dix ans. Or en 1993 il ne se passa rien. Quelques années plus tard, en 97, une vague de froid traverse le pays. La neige recouvre tout le Sud et tue des milliers de personnes et de têtes de bétail. En 98, le Niño réattaque et inonde les zones déjà sinistrées. En 2001, pour combler le tout, un tremblement de terre remue les sols plus qu’appauvris dans la région d’Arequipa. L’année dernière une nouvelle vague de froid recouvre le pays et cette année, les pluies refont leur apparition ».
« Rien que pour ce dernier déluge, on déplore quelque 50.000 personnes sinistrées et une trentaine de morts. Mais il n’y a pas que les hommes, il y a aussi le bétail : lamas, vaches, moutons, cochons... et toute l’agriculture. Il est impossible d’établir un inventaire précis, car régions comptent de nombreuses zones de pauvreté, où tous ne sont pas répertoriés »
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Rien que dans la région de Puno, qui compte une dizaine de provinces, 14 rivières ont débordé. Selon l’INDECI (Institut national de défense civile) 6.568 familles seraient sinistrées, 1.751 maisons inhabitables, 31.427 hectares de cultures endommagées et 6.140 hectares de pâturages affectés par ces pluies torrentielles.
Situation climatique anormale
Seul et unique responsable de ces pluies diluviennes : la Niño. Pour la petite histoire, le Niño est en réalité le nom que donnaient les pêcheurs de la côte péruvienne et équatorienne au courant marin chaud apparaissant habituellement à la période de Noël.
Les poissons étant moins abondants en cette période, ceux-ci en profitaient pour réparer leurs bateaux. Par la suite le nom a été repris par les scientifiques pour dénommer l’anomalie.
Lors de ce phénomène, les alizés (vents de l’Est) faiblissent et les eaux chaudes accumulées à l’Ouest se déplacent vers le centre et l’Est du Pacifique, entraînant avec elles les précipitations associées. La situation météorologique s’inverse par rapport à la normale : les côtes péruviennes subissent des pluies importantes tandis que l’Indonésie, le Nord de l’Australie mais aussi les Andes péruviennes subissent la sécheresse.
Cette année la situation est un sensiblement différente.
« En réalité, le courant du Niño arrive tous les ans », précise Ena Jaimes Espinoza, ingénieur en météorologie, et directrice du SENAMHI (Service national de météorologie et d’hydrologie). « On parle de phénomène du Niño, lorsque le courant du Niño rencontre un courant chaud et augmente la vague de réchauffement. Cette rencontre se fait lorsque les vents des alizés affaiblis, n’arrivent pas à retenir la vague de réchauffement. Celle-ci se déplace vers l’Est. Elle devrait normalement se trouver près de l’Australie. Sans cette vague, le courant Niño arriverait normalement sur la côte et il pleuvrait de façon normale en février et en mars dans le Nord ».
« Cette année, le Niño, qui a atteint son pic maximal fin février, a été qualifié de faible. La température a augmenté de 6 degrés, soit un peu moins qu’en 1998 où elle a atteint les 8 degrés au-dessus de la normale. Mais si on qualifiait le Niño par rapport à son impact, dans le Sud par exemple, on pourrait dire qu’il a été fort. En réalité, l’anticyclone qui se trouve sur la côte en ce moment aurait dû se déplacer vers le Sud, pour tempérer les basses pressions. Mais d’autres facteurs ont encore perturbé le climat cette année, comme le phénomène "d’alta de Bolivia". Amenant des pluies généralement en Bolivie, il s’est déplacé vers l’Ouest pour atteindre le sud du Puno »
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Urgence permanente
Conséquence directe de l’activité industrielle de la planète et du réchauffement climatique, le Niño, et globalement les variations des courants océaniques, sont difficilement prévisibles.
Cette année, par exemple, le gouvernement avait investi énormément dans des projets de préventions dans le Nord sans penser que le Sud aurait pu être atteint. Avec les moyens de bords, les différentes ONG comme la Croix rouge, Médecins sans frontières ou Défense civile tentent de s’organiser pour, dans un premier temps, faire face à l’urgence.
Si le temps et les moyens le permettent, des plans de reconstruction sont ensuite mis sur pied. Avec pour conséquence que ces communautés, pour la plupart peu accessibles, deviennent de plus en plus dépendantes des aides.
D’autres choisissent de quitter leur terre, pour tenter de trouver mieux ailleurs. Ainsi, après chaque déluge, la population migre un peu plus vers les villes de la côte Sud (principalement à Arequipa et Moquegwa) pour y chercher du travail ou des parcelles de terres cultivables. Les périphéries s’agrandissent et s’appauvrissent. Liés à cela, la violence et la délinquance. Même si le déplacement se fait avec tout le bagage culturel (célébration des fêtes, style vestimentaire et type de construction typique...) les traditions se meurent.
Conséquences désastreuses
« Ces phénomènes climatologiques ont des conséquences sociales désastreuses pour des populations aussi pauvres », commente Gilberto Romero, directeur du CEPES (Centre péruvien d’études sociales). « Leurs deux seuls facteurs de subsistance et de survie sont l’agriculture et le bétail. Sans les cultures, ces gens ne peuvent plus manger, sans leur bétail, ils ne peuvent plus rien produire pour échanger. À la famine et au froid vient s’ajouter la coupure des échanges de production, la diminution des sacrifices réalisés lors des fêtes. Les traditions perpétuées dans ces peuples meurent donc peu à peu. Lorsque la faim atteint un peuple, la recherche de survie anéanti la volonté d’expression culturelle ».
À Cachamarca, où 150 lots de vêtements et de vivres ont été distribués, quelques-uns sont déjà partis chercher du travail en ville. Des terres cultivables, il ne reste quasiment rien et la majorité du bétail est en mauvaise santé. Lorsque les eaux auront baissé, il faudra tout réensemencer et racheter des animaux. Tout cela bien sûr avec l’aide minime des organisations humanitaires.

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