Présentation hier des quatre candidats à la direction du Conseil général

OMC : Sous le signe des différends Nord-Sud

27 janvier 2005

Mercredi 26 janvier a eu lieu au siège de l’Organisation mondiale du commerce, à Genève, un Conseil général extraordinaire de l’Organisation mondiale du commerce, prévue dans le cadre de la procédure de remplacement du directeur général.

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Le mandat de l’actuel directeur, M. Supachai Panitchpakdi, ancien ministre thaïlandais du Commerce en poste à l’OMC depuis 2002, prendra fin le 31 août 2005 et les textes de l’organisation prévoient que le processus de désignation de son successeur peut commencer neuf mois avant, c’est-à-dire au 1er décembre 2004.
Quatre candidats ont été présentés par leur gouvernement respectif : Carlos Pérez del Castillo (Uruguay), Jayen Cuttaree (Maurice), Luiz Felipe de Seixas Correa (Brésil) et Pascal Lamy (France). Ils devaient hier être auditionnés, chacun pendant 75 minutes.
Après leur présentation, les candidats ont trois mois pour se faire connaître des 148 États-membres - tous représentés au sein du Conseil général - et pour engager des entretiens sur les questions pertinentes en débat dans l’organisation. Les membres, siégeant dans la Conférence ministérielle, auront ensuite deux mois, du 1er avril au 31 mai 2005, pour choisir et désigner l’un des candidats. La procédure prévoit également une réunion finale du Conseil général, au plus tard trois mois avant l’expiration du mandat du directeur en poste, c’est-à-dire avant la fin du mois de mai. À condition toutefois que les membres parviennent à se mettre d’accord. En 1999, l’OMC n’était pas parvenue à trancher entre M. Supachai Panitchpakdi et son adversaire néo-zélandais Mike Moore, obligeant à créer pour chacun un mandat de trois ans. Le directeur général désigné en 2005 sera le cinquième depuis la création de l’OMC, en 1995.

Quatre candidats

La réunion d’hier a donc ouvert la course à la direction de l’OMC, sorte de parcours du combattant dont sont exclus au fur et à mesure ceux des candidats qui auront reçu le moins de soutiens.
Certains candidats peuvent apparaître comme favorisés au départ par la connaissance approfondie qu’ils ont des rouages de la machine et par les importants contacts qu’ils ont pu nouer lors de leurs mandats précédents.
Le représentant de la France, Pascal Lamy, a été commissaire européen au Commerce jusqu’à la fin 2004 et la Commission européenne est l’instance désignée par l’Union comme intermédiaire auprès de l’OMC. C’est dire s’il doit bien connaître la maison. Mais la plupart des pays adhérents sont des pays émergents ou en voie de développement et M. Lamy est le seul candidat présenté par un pays développé.

Selon un ambassadeur du continent sud-américain qui s’exprimait sur ce sujet, à Genève, dimanche dernier, "le fait que deux candidats latino-américains s’affrontent pose un gros problème". Ce même observateur estimait que les chances du candidat uruguayen étaient accrues par l’avantage qu’il avait "d’avoir annoncé sa candidature le premier". Brasilia n’a avancé la candidature de M. de Seixas Correa, ambassadeur du Brésil à l’OMC, que pour contrer son “voisin” uruguayen, qui a dirigé les négociations de Doha en 2003 en tant que président du Conseil général.
Enfin, le ministre mauricien des Affaires étrangères, Jayen Cuttaree, a le soutien de plus du tiers des États membres de l’OMC, que sont les 56 pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) adhérents de l’Organisation mondiale du commerce. Dans son discours aux délégués, hier, le candidat mauricien a fait valoir que "les bénéfices de la libéralisation commerciale amorcée par le GATT (l’ancêtre de l’OMC) en 1947 n’ont pas été équitablement distribués".

Immense portée symbolique

Les Mauriciens ont entrepris de discuter avec tout le monde et leur Premier ministre, Paul Bérenger, actuellement en visite en Chine, a entrepris de convaincre les Chinois d’appuyer le candidat mauricien, dans un projet qui se veut différent des autres. Le candidat mauricien espère obtenir en fin de semaine le soutien de l’Union africaine.
Dans ce contexte, si le candidat mauricien obtenait le soutien d’une très forte majorité des pays en développement, dont le géant chinois, son élection prendrait une immense portée symbolique. Mais la Chine est très sollicitée, notamment par le Brésil, dont le candidat se prévalait hier du soutien de Cuba et des grands pays émergents comme la Chine et l’Inde, ses partenaires au sein du G20.
Lors du Sommet, à l’île Maurice, des Petits États insulaires en développement (P.E.I.D), du 10 au 14 janvier dernier, le président de la Région Réunion, Paul Vergès, interrogé par la presse mauricienne, avait estimé que la candidature mauricienne posait la question de la place du tiers-monde dans l’arène internationale : "Aujourd’hui, à chaque gros événement international, que voit-on en première ligne, sinon la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ? (...) Si les États-Unis et l’Europe pouvaient y ajouter la maîtrise de l’OMC, ils n’hésiteraient pas. Ils s’y emploient d’ailleurs... C’est dire, donc, la portée d’une candidature du tiers-monde (...) Un directeur général mauricien, ce serait un éclairage tout différent du dossier sucre", avait-il déclaré alors.
Par rapport aux deux gros organismes cités ci-dessus - la Banque mondiale (6.800 fonctionnaires) ou le FMI (2.600) -, l’OMC est une “petite” organisation, dotée de 550 fonctionnaires [Source : CEPII, octobre 1998] et d’un budget de 154 millions de francs suisses pour l’année 2003.
La prochaine Conférence de l’OMC aura lieu à Hong Kong, en décembre 2005. Le coup d’envoi des préparatifs de cette Conférence doit être donné ces jours-ci à Davos dans le cadre du Forum économique mondial (WEF) qui s’y déroule du 26 au 30 janvier, lors d’une réunion ministérielle regroupant environ 30 membres. Réunie sous la présidence du conseiller fédéral suisse et ministre de l’Économie, Joseph Deiss, cette rencontre sera la première de ce niveau depuis l’accord intermédiaire adopté le 1er août dernier à Genève.

Synthèse : P. David


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