Coopération régionale et co-développement

« Ouvrir les horizons » : un enjeu économique et culturel

Une orientation majeure de cette mandature régionale (1998-2004) -suite

2 octobre 2003

Des compétences accrues

La loi du 6 février 1992 fixait le cadre général de la coopération décentralisée, en permettant aux collectivités locales et à leurs regroupements de « conclure des conventions avec des collectivités locales étrangères et leurs groupements dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France ». Avec la loi du 13 décembre 2000, loi d’orientation pour l’outre-mer, les collectivités territoriales se sont vues reconnaître des compétences accrues pour l’action internationale (voir encadré), qui donnent une assise nouvelle et forte au rôle stratégique que peut et doit jouer la coopération régionale dans le développement de régions ayant souffert par le passé d’un isolement "historique" par rapport à leur environnement. Ces régions de l’outre-mer français, au statut de "régions ultrapériphériques" européennes (RUP) ont aussi un rôle stratégique dans les relations UE-ACP ou avec des pays tiers, que leur reconnaît l’article 299§2 du traité d’Amsterdam -dont la refonte (art. 330) dans le futur traité constitutionnel de l’Europe des 25 pourrait, sauf séisme politique d’ici à la réalisation de l’élargissement, proroger le contenu.
Enfin, il faut mentionner l’initiative européenne INTERREG et le double programme dont bénéficient les DOM pour la période 2000-2006, visant à « l’intégration économique, sociale et territoriale de la zone » à partir de cinq objectifs, qui viennent compléter les programmes de coopération régionale financés par le DOCUP (document unique de Programmation).

Un enjeu économique

Depuis avril 2001, la France (La Réunion) siège comme « partenaire du dialogue » aux réunions de l’Indian Ocean Rim/ARC. Un statut comparable a été évoqué dans les instances du COMESA, dont le secrétaire général, Erastus J. O Mwencha, était récemment de passage à La Réunion.
La nouvelle convention de Cotonou, enfin, encourage fortement la coopération régionale entre RUP et ACP (article 28), reprenant même certaines dispositions, restées lettres mortes, des anciennes conventions de Lomé 3 (annexe 7) et Lomé 4 (annexe 32) qui permettent la mise en place d’accords commerciaux et de mesures spécifiques concernant les DOM français (déclaration 28 de l’acte final de Cotonou). Les accords de Cotonou prévoient, pour la perspective 2008, la conclusion d’accords de partenariats économiques régionaux (APER) : pour notre région, ces accords se déploieraient dans un espace regroupant les pays du COMESA, de la SADC, de l’EAC et de la COI (voir les sigles en encadré).
« Au-delà du resserrement de liens politiques et culturels très anciens, le véritable enjeu est économique. il s’agit de trouver des marchés nouveaux pour ses entreprises et des débouchés régionaux pour ses jeunes peu enclins à s’expatrier vers la métropole. Au développement d’essence bilatérale qui a prévalu pendant près d’un demi-siècle avec une relation quasi exclusive avec la métropole doit succéder une politique de co-développement durable fondée sur des partenariats. il s’agit d’une véritable prise de conscience de la part des pouvoirs publics locaux et des chefs d’entreprise qui remonte à moins d’une dizaine d’années », note l’IEDOM dans son rapport de juillet 2003 sur la coopération régionale à La Réunion : "Enjeux économiques et réalités" (voir encadré).

La qualité des échanges culturels et humains

Tel est le cadre juridique et réglementaire dans lequel des actions de coopération peuvent être mises au service d’un développement mutuellement avantageux avec nos partenaires, quelle que soit l’écart d’échelle qui nous différencie. L’enjeu primordial de ces relations et de ces échanges, en ouvrant à notre île des horizons nouveaux, est de tourner davantage les Réunionnais vers la compréhension des évolutions du monde -où tout va de plus en plus vite- et de sortir notre île d’une dépendance exclusive à la France, en trouvant de nouveaux débouchés économiques.
Un point important à ne jamais perdre de vue est la qualité des échanges culturels et humains tissés dans le cadre de ces relations. Les regroupements régionaux, utiles pour faire face aux chocs causés par les tendances de l’ultralibéralisme, sont aussi porteurs d’une autre forme de globalisation des échanges : celle qui cherche à affirmer une solidarité plus forte et plus universelle entre les peuples à travers des actions et des liens concrets. Si la collectivité territoriale, par ses orientations et son dynamisme, définit le cadre des actions et des programmes de co-développement, il ne faut jamais perdre de vue que ce sont les citoyens qui donnent vie à ce cadre par leur engagement : que ce soit avec le soutien des chambres consulaires, d’institutions diverses ou d’associations.
« Historiquement, la zone océan Indien est un carrefour où s’est exercée la confrontation entre les hommes et les idées. Cet espace est aujourd’hui face à des défis majeurs… À ces défis viennent s’ajouter ceux liés à l’impact de la mondialisation, aux conséquences des évolutions géopolitiques dans un monde multipolaire ou encore aux risques de conflits inter-culturels dans un environnement pluriel », disait Paul Vergès à l’occasion des Assises indocéaniques de la Recherche, tenues à Saint-Denis de La Réunion du 3 au 5 juin dernier. Le président de la Région mettait en avant « l’ambition légitime » de la zone océan Indien à « devenir un espace de paix et de prospérité, construit autour de valeurs communes dans une logique de partenariat (…) et dans le sens d’un co-développement durable ».
Cette ambition est aussi l’enjeu des actions de coopération à engager : pour sortir de notre étroitesse insulaire et pour reconstruire la solidarité mise à mal entre les peuples par les ravages d’un "tout marché" prétendu sans limite.

La LOOM et la coopération régionale
Les actions de coopération conduites par la Région ont suivi un rythme croissant assez régulier depuis le début de la mandature, appuyées sur un cadre législatif que la LOOM (13 décembre 2000) est venue modifier de façon décisive par les articles 42 et 43 du titre V.
Le cadre législatif de la LOOM donne pouvoir aux collectivités territoriales -Conseil général et Conseil régional- de faire des propositions au gouvernement, de « négocier et signer des accords avec un ou plusieurs États ou territoires » ou avec des organismes régionaux tels que définis ci-dessus, tant dans les domaines de compétence de l’État que dans les domaines de compétence de chacune des collectivités. L’article 43 précise notamment que « le président du Conseil régional peut être chargé par les autorités de la République de les représenter au sein des organismes régionaux » de son environnement, « y compris des organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations Unies ». Ainsi, lors de la 18ème session du Conseil des ministres de la Commission de l’océan indien (C.O.I) -22/23 février 2002- à l’île Maurice, c’est le président de la Région Réunion, Paul Vergès, qui a conduit la délégation française, forte d’une vingtaine de membres, lors de la séance d’ouverture, en l’absence (momentanée) de Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie. Le décret du 11 avril 2001, pris en application de la LOOM, renforce les moyens financiers de la coopération dans les domaines culturels, scientifiques et médicaux. La création d’un fonds de coopération régionale opérationnel depuis 2001 découle également de la LOOM. 
Institut d’émission des départements d’outre-mer : Notes sur la coopération régionale, enjeux économiques et réalités
Encore trop d’obstacles…
Dans sa note de juillet 2003, l’IEDOM analyse les enjeux de la coopération régionale, ses avancées, les moyens financiers des collectivités (avec le concours de l’Europe) et les difficultés rencontrées.
Décrivant une intégration économique « encore embryonnaire » de La Réunion dans sa zone naturelle, la note observe que celle-ci est encore très souvent le fait de grands groupes privés. Toutefois, plus d’une vingtaine de PME, sur les 400 que compte l’île sont « en mesure de réaliser des investissements dans la zone », en utilisant « la complémentarité régionale » consistant en une division du travail entre les pays de la zone. Mais cette option rencontre vite ses limites, du fait des écarts de situation d’un pays à l’autre. Les « disparités économiques », les distorsions de rythme dans les réformes et les « niveaux de développement » trop disparates sont davantage perçus comme des obstacles que comme des "complémentarités". « …Les difficultés éprouvées par La Réunion pour s’intégrer économiquement dans son environnement géopolitique tiennent d’abord aux différences des modes de consommation, à l’exiguïté des marchés et, surtout, à leur faible solvabilité », note le rapport, qui relève aussi les « différences culturelles et linguistiques ».
Mais ce sont surtout les « distorsions fiscales et douanières » qui rendent l’approche difficile pour La Réunion, territoire de droit européen -à la fois DOM et RUP- dans une zone ACP. « L’appartenance à l’UE suscite des inconvénients tels en termes de compétitivité vis-à-vis de l’environnement géographique immédiat que l’idée d’une réelle pénétration des marchés régionaux demeure, en l’état actuel de la réglementation fiscale et douanière, très largement illusoire », estime le rapport de l’IEDOM, avant d’énumérer des « axes d’intégration régionale ».
Une solution envisagée -« négocier avec le concours de la France et de l’UE un statut spécial entre les RUP et les pays ACP »- met en première ligne le rôle de la collectivité régionale dans la recherche d’aménagements à inventer, à partir de l’article 299-2 du traité d’Amsterdam et les traitements dérogatoires qui en découlent pour les RUP dans de nombreux domaines.
Les sigles :
RUP : région ultrapériphérique (UE)- Açores et Madère (Port.), Canaries (Esp.) + les DOM français.

ACP : Afrique-Caraïbe-Pacifique (77 pays liés à l’UE par les accords de Cotonou du 23 juin 2000)

COI : Commission de l’océan Indien

COMESA : Marché commun de l’Afrique orientale et australe. Ses membres sont l’Angola, le Burundi, les Comores, la République démocratique du Congo, Djibouti, l’Égypte, l’Érythrée, l’Éthiopie, le Kenya, Madagascar, le Malawi, l’île Maurice, la Namibie, l’Ouganda, le Rwanda, les Seychelles, le Soudan, le Swaziland, la Zambie et le Zimbabwe.

EAC : Coopération Est-africaine (1996). Organisation régionale regroupant l’Ouganda, le Burundi, le Rwanda, le Kenya et la Tanzanie.

IGAD : autorité intergouvernementale pour le Développement

IOR/ARC : Indian Ocean Rim/association pour la Coopération régionale

Ses membres sont : l’Australie, le Bangladesh, l’Inde, l’Indonesie, l’Iran, le Kenya, Madagascar, la Malaysie, l’île Maurice, le Mozambique, le sultanat d’Oman, Singapour, l’Afrique du sud, le Sri Lanka, la Tanzanie, la Thailande, les Émirats Arabes Unis et le Yemen. Les Seychelles ont annoncé leur retrait de l’Association en Juillet 2003.
La Chine, l’Egypte, la France, le Japon et le Royaume-Uni sont des « partenaires du dialogue » de l’IOR-ARC.

SADC (Southern Africa Development Community) : réunit quatorze pays, dont Maurice (depuis 1995) et les Seychelles (depuis 1998).

Cinq conventions avec Madagascar
Cinq conventions de coopération ont été mises en œuvre avec la Grande Île depuis 1999, "année de Madagascar" pour la collectivité. Les partenaires en sont respectivement le gouvernement malgache, lorsqu’il s’agit d’actions globales de développement économique et de programme de soutien à l’éducation, l’association "Espace métiers solidarité Firaisankina" pour le Programme d’appui à l’insertion socio-économique (PAISE) ou le centre hospitalier universitaire pour l’aide d’urgence médicale ou des actions de coopération dans le domaine de la santé, avec le concours de l’Union hospitalière océan Indien (UHOI).
En 2002, lors de la grande crise politique ouverte par les élections présidentielles du 16 décembre 2001, la Région Réunion a adopté le 19 avril une « Déclaration sur la reconstruction économique et sociale de Madagascar » comportant une enveloppe financière destinées à des actions sanitaires et sociales d’urgence.
Cette même année, une déclaration définissant le cadre du nouveau partenariat souhaité entre La Réunion et Madagascar a été signée avec le ministre malgache des Affaires étrangères, Marcel Ranjeva, à l’occasion des rencontres "Madagascar-La Réunion" des 15 et 16 novembre 2002. La semaine suivante, des représentants de La Réunion prenaient part, dans une contribution spécifique, aux travaux du comité de suivi de la 7ème Commission mixte franco-malgache, qui s’était tenue en mai 2000. Le plan d’actions de coopération La Réunion-Madagascar qui en a résulté doit être finalisé au cours de cette année 2003.
Cinq autres actions de coopération sectorielles -agriculture, artisanat, pêche, aquaculture et développement rural- ont donné lieu en 2002 à des subventions du Conseil régional.
La plus récente convention est celle signée en juillet dernier avec le gouvernement malgache pour le Programme d’appui réunionnais au système éducatif malgache (PARSEM). Dans ce cadre, des actions de formation d’enseignants malgaches ont été appuyées par la Région depuis 1999. La convention signée pour une durée de trois ans, porte sur le financement par la Région de la formation d’instituteurs et le recrutement de cinq "volontaires du Progrès" auquel la Région participe pour 43% de la dépense, le reste du financement étant apporté par l’Association française des Volontaires du Progrès.
Les « pays du troisième cercle »
Québec

La coopération avec le Québec a été initiée en 1996 et consiste en des relations de coopération éducative, dans une entente de partenariat tripartite reconduite tous les deux ans depuis 1997, entre l’école nationale d’aérotechnique (ENA), le ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (MRCI) et la Région Réunion.

Vietnam

Les actions engagées en 2000 dans les provinces de Tây Ninh, Nghe An et An Giang portent respectivement sur la production végétale (canne à sucre), l’élevage (cerf) et l’aquaculture.

Chine

Initiées en 2002 à l’occasion d’un voyage du président de la Région en Chine pour un congrès Ville et Port, suivi de contacts établis avec le milieu sportif chinois dans le domaine du football et d’une première visite dans notre île d’une délégation d’opérateurs chinois, en décembre 2002, les relations avec la Chine se sont affirmées au début de l’année 2003, avec la visite de Wu Jianmin, ambassadeur de Chine en France et d’une délégation de la ville de Tianjin.
Un accord de coopération, signé le 14 janvier 2003, prévoit de « renforcer les liens d’amitié et les échanges humains, d’expériences et de savoir-faire en soutenant notamment les initiatives privées… » dans les domaines de la transformation industrielle, des plantes médicinales et de la pharmacopée, de la pêche et de l’aquaculture, de l’agro-alimentaire, du tourisme, des échanges de technologies, de la recherche, de la formation technique supérieure, de la culture, du sport et des échanges linguistiques. Une récente visite d’une délégation d’opérateurs économiques a fait faire d’importantes avancées à plusieurs de ces projets.

Centre d’intelligence économique
Un outil de veille stratégique
Pour réaliser l’ouverture internationale de La Réunion, la collectivité régionale s’est dotée en 2002 d’un outil stratégique, le Centre d’intelligence économique (CIE) dont le rôle est de répondre aux besoins de "veille" des acteurs économiques et institutionnels. Les débuts du Centre ont vu l’embauche de deux chefs de projets et la réalisation d’une étude de faisabilité portant sur « l’identification de technologies porteuses d’avenir et de nouveaux pôles d’activités pour La Réunion », d’où se dégagent six domaines porteurs. Par ailleurs, le Centre d’intelligence économique, appelé aussi D6, édite depuis cette année une revue, "Vigie océan Indien", dont le deuxième numéro (juillet-août) fait un tour d’horizon de la plupart des « pays du premier et du deuxième cercle » avec lesquels notre île développe des actions de co-développement dans divers domaines. Il y est notamment question du Mozambique, de l’Afrique du Sud, de l’Inde et de sa "Bangalore valley", des Comores, des Seychelles et des perspectives données à la recherche indocéanique après les Rencontres de la Recherche de juin. (Diffusion D6 - contacts : Région et SR21)

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