Maurice

Paul Bérenger à la tête du gouvernement mauricien

Le dirigeant du M.M.M. investi hier

1er octobre 2003

Paul Bérenger a prêté serment hier à Port-Louis, comme nouveau Premier ministre de Maurice, suite à la démission, le même jour, de Sir Anerood Jugnauth. Un tournant dans l’histoire politique contemporaine de l’Ile Maurice estiment les observateurs, un moment salué comme historique par beaucoup de Mauriciens. Les principaux dirigeants politiques de La Réunion se sont félicités de l’accession de Paul Bérenger à la tête du gouvernement de Maurice, qui constitue, à leurs yeux, une occasion de relancer la coopération entre les deux îles. Pour Élie Hoarau, « le fait que ce soit Paul Bérenger qui devienne Premier ministre est la démonstration de l’expression de la démocratie à Maurice ». Rappelant que « Paul Bérenger a été l’une des chevilles ouvrières de la coopération régionale entre les îles du Sud-Ouest de l’océan Indien », le secrétaire général du PCR a déclaré que « maintenant qu’il devient Premier ministre, il est certain qu’il va pouvoir tout faire pour aider à atteindre les objectifs de développement de la coopération régionale ».

Paul Bérenger, 58 ans, est le quatrième Premier ministre de Maurice depuis l’indépendance de l’île en 1968, après Sir Seewoosagur Ramgoolam (1968-1982), Sir Anerood Jugnauth (1982-1995 et de 2000 à ce jour) et Navin Ramgoolam (1996-2000). Le nouveau chef du gouvernement est le dirigeant du Mouvement militant mauricien (MMM), parti politique en alliance avec le Mouvement socialiste militant (MSM) de l’ex-Premier ministre Anerood Jugnauth. L’accès au poste de Premier ministre de Paul Bérenger était un point essentiel de l’accord électoral conclu en septembre 2000 entre ces deux partis.
Dans son dernier discours hier au Parlement, Anerood Jugnauth a rappelé le chemin parcouru par le pays depuis 1982, quand il était devenu Premier ministre pour la première fois. Il a dit que beaucoup de progrès ont été accomplis par le pays pendant ces deux dernières décennies. « D’un PIB par tête d’habitant de 11.300 roupies (environ 383 dollars US), nous sommes arrivés à 128.000 roupies (environ 4.340 dollars US). C’est une grande réussite qui place notre pays au premier rang sur le continent africain. En 1982, nos réserves en devises n’étaient même pas suffisantes pour payer nos importations. Aujourd’hui, nous avons des réserves de 48,1 milliards de roupies, de quoi payer 42 semaines d’importations », a fait ressortir le Premier ministre sortant.
Anerood Jugnauth a ajouté qu’outre les quatre piliers de l’économie de l’île, que sont le sucre, le textile, le tourisme et les services financiers, « nous avons ajouté un cinquième pilier : les technologies de l’information et de la communication (TIC) ». Selon lui, ce dernier pilier devrait offrir pas mal d’emplois aux jeunes Mauriciens dans les années à venir. Il a fait remarquer qu’il n’y a, aujourd’hui, aucune différence entre les villes et les villages sur le plan infrastructurel. « L’eau, le téléphone et l’électricité couvrent toute l’île. L’État-providence a été consolidé, de même que la démocratie. Aujourd’hui, il est pratiquement impossible de renvoyer les élections générales, ni mêmes les élections partielles dans l’île », a-t-il souligné.
Anerood Jugnauth a dit qu’il laisse le pays entre de bonnes mains « car M. Bérenger est un homme de conviction » qui « mérite pleinement de diriger notre pays vers plus de prospérité ».
Après son discours, le Premier ministre sortant s’est rendu à la Présidence pour remettre sa lettre de démission au président de la République, avant de démissionner comme parlementaire. Le nouveau Premier ministre, Paul Bérenger, a ensuite prêté serment à la salle Vaghjee, à Port-Louis, dans l’après-midi. Une cérémonie historique pour le peuple mauricien.

La liste des ministres du nouveau gouvernement mauricien
- Vice-Premier ministre, ministre des Finances et de l’Agriculture : Pravind Kumar Jugnauth.

- Ministre de l’Industrie et du Commerce international : Jayakrishna Cuttaree.

- Ministre des Administrations régionales, de Rodrigues et du Logement et des Terres : Georges Pierre Lesjongard.

- Ministre de la Sécurité sociale, du Bien-être des personnes âgées et des Institutions réformatrices : Samioullah Lauthan.

- Ministre des Utilités publiques : Alan Ganoo.

- Ministre du Tourisme et des Loisirs : Nandcoomar Bodha.

- Ministre de l’Environnement : Rajesh Bhagwan.

- Ministre des Infrastructures publiques, du Transport interne : Anil Kumar Baichoo.

- Ministre de la Fonction publique et des Réformes administratives : Ahmad Jeewah.

- Ministre du Travail et des Relations industrielles : Showkatally Soodhun.

- Ministre des Droits de la Femme, des Enfants et du Développement de la Famille : Arianne Navarre-Marie.

- Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale : Anil Kumar Gayan.

- Ministre de l’Éducation et de la Recherche scientifique : Steven Obeegadoo.

- Ministre de la Santé et de la Qualité de la Vie : Ashok Kumar Jugnauth.

- Ministre des Arts et de la Culture : Motee Ramdass.

- Ministre de la Pêche : Louis Sylvio Michel.

- Ministre du Développement économique, Services financiers et des Affaires corporatives : Khushalchand Khushiram.

- Ministre du Commerce et des Coopératives : Premdut Koonjoo.

- Ministre des Télécommunications et de l’Informatique : Deelchand Jeeha.

- Ministre de la Justice et des Droits humains : Emmanuel Jean Leung Shing.

- Ministre de la Formation et de l’Emploi et de la Productivité : Sangeet Fowdar.

- Ministre de la Jeunesse et des Sports : Raviraj Yerrigadoo.

Vers une relance des relations entre La Réunion et Maurice ?
La prise de fonction hier de Paul Béranger, dirigeant du Mouvement militant mauricien (MMM, principal parti de gauche à Maurice), en tant que Premier ministre est suivie avec beaucoup d’intérêt par les hommes politiques et les autorités de La Réunion.

D’un point de vue global, les responsables politiques réunionnais de toutes tendances, l’accession, pour la première fois dans l’Histoire post-coloniale de l’île, d’un non-hindou au poste de Premier ministre est considérée comme un progrès de la démocratie. Outre les déclarations de félicitations et d’encouragement, les élus réunionnais semblent espérer de cette accession un coup de fouet dans les relations, jusqu’à maintenant restées timides, entre les institutions des deux îles.

« Un événement très important »

Pour le Parti communiste réunionnais, « le fait que ce soit Paul Bérenger qui devienne Premier ministre est la démonstration de l’expression de la démocratie à Maurice », a déclaré à la PANA le secrétaire général du PCR, Elie Hoarau, estimant que cela est « une leçon qui a valeur d’exemple pour le monde entier ». Ainsi, Paul Bérenger connaît bien La Réunion pour y avoir noué, dans les années 1970, de solides liens avec les dirigeants politiques de gauche, et notamment le PCR. « Nous considérons cette nomination comme un événement très important. C’est l’aboutissement de plusieurs années de lutte et cela vient couronner tout un effort qui a été fait par lui-même et par l’ensemble de son parti pour Maurice », a poursuivi le secrétaire général du PCR.

Le PCR et le MMM ont mené ensemble des combats depuis très longtemps, a rappelé Elie Hoarau, pour qui l’idée même de la coopération régionale entre les îles de l’océan Indien est à mettre sur le compte de ces partis alors que la création de la Commission de l’océan Indien (COI) est une initiative de Maurice à un moment où des membres du MMM dirigeaient la diplomatie mauricienne.

« Paul Bérenger a été l’une des chevilles ouvrières de la coopération régionale entre les îles du Sud-Ouest de l’océan Indien. Maintenant qu’il devient Premier ministre, il est certain qu’il va pouvoir tout faire pour aider à atteindre les objectifs de développement de la coopération régionale. Nous pouvons donc espérer que des conditions positives sont réunies pour un essor de cette coopération entre les deux pays », a-t-il encore dit.

État des relations commerciales

La Fédération socialiste de La Réunion souhaite également une relance de cette coopération, selon son porte-parole, Gilbert Annette. « Nous souhaitons que la Région Réunion franchisse un véritable palier dans la coopération avec notre île sœur », a déclaré Gilbert Annette tout en se réjouissant de l’accession au plus haut niveau à Maurice d’un « homme progressiste ».

Alors que Maurice a nommé, il y a un mois, un consul honoraire à La Réunion, les relations commerciales entre les deux pays restent, quant à elles, très déséquilibrées. La Réunion importe de plus en plus de produits de l’île Maurice, mais ne parvient pas, en retour, à exporter pareillement les siens.

En 2002, les exportations réunionnaises à destination de Maurice ont atteint 5,17 millions d’euros, en baisse de 2,4% par rapport à l’année précédente. Un chiffre qui fait de la Réunion le 46ème fournisseur de l’île soeur, derrière l’Ukraine et la Turquie... Depuis trois ans, le marché mauricien demeure marginal pour les entreprises réunionnaises, ce qui n’est pas le cas des entreprises mauriciennes. Les exportations mauriciennes dans l’île ont dépassé l’année dernière la barre des 25 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de 17% par rapport à 2001.

La Réunion est devenu ainsi le septième client de Maurice, derrière l’Allemagne et l’Italie, un signe que le nouveau Premier ministre mauricien ne pourra pas négliger, estiment les observateurs.


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