Au Maroc

Polémique autour de la découverte d’un charnier

23 décembre 2005

Le rapport de l’Instance Équité et Réconciliation (I.E.R.) est remis en cause par des organisations non gouvernementales marocaines.

Le Maroc est loin de pouvoir tourner la page des victimes de la répression des émeutes de juin 1981. Avec la découverte, la semaine passée, de nouvelles fosses communes dans une caserne de pompiers à Casablanca, une polémique est née. Les ONG et les parents des victimes des violations des droits humains n’apprécient guère le rapport, remis au souverain marocain, d’une organisation mise en place en 2004 par les pouvoirs publics, l’Instance Équité et Réconciliation (IER).
Créée par le roi Mohammed VI, en 2004, l’IER visait à faire la lumière sur les exactions commises entre 1960 et 1999 par les forces de l’ordre jusqu’à l’expiration de son mandat le 30 novembre dernier.
Avec cette nouvelle découverte, l’IER reprend “du service” et c’est cette organisation qui a annoncé que les dépouilles de 81 personnes au total ont été retrouvées. L’opération d’exhumation et d’inhumation, dans des tombes individuelles, de toutes les dépouilles des victimes de la répression de juin 1981 s’est effectuée dans des conditions, semble-t-il, non réglementaires.
L’affaire des fosses communes de Casablanca a soulevé, par ailleurs, l’indignation des familles des victimes ainsi que des ONG des droits humains. Les ONG reprochent globalement au rapport de l’IER de ne pas aller assez loin dans la recherche de la vérité et de ne rien apporter de neuf, notamment dans l’affaire Ben Barka.
Les parents des victimes, de leur côté, redoutent que l’inhumation des corps dans des tombes individuelles fasse disparaître des indices indispensables pour poursuivre les auteurs des tueries. Par ailleurs, 3 ONG marocaines de défense des droits humains avaient exprimé mardi dernier leur inquiétude devant la destruction de preuves matérielles des victimes des manifestations du 21 juin 1981.


Regarder le passé pour construire l’avenir

Ce que monarchie peut, démocratie ne le pourrait-elle pas ?

Dix années après les massacres organisés en 1971 au Maroc par le général Oufkir (complice des assassins de Ben Barka), le général Dlimi organisait, en 1981, la répression de la révolte des affamés par les nouveaux massacres de Casablanca. 24 ans après, ces massacres orchestrés sous le règne du roi Hassan II, père de l’actuel roi Mohamed VI, font l’objet d’enquêtes débattues publiquement au Maroc. Dirigé par un roi, ce pays est donc une monarchie.

En 1962, la France reconnaissait la souveraineté du peuple algérien. Depuis cette date, il a toujours été très difficile de parler de ce qui s’est passé durant une guerre qu’on ne voulait pas appeler par son nom. Quarante trois années plus tard, dans une démocratie, patrie des Droits de l’Homme, aucune enquête officielle n’a été diligentée sur la torture, les exactions des armées et polices parallèles. La télévision et le cinéma français se sont toujours montrés plus que timorés à se pencher sur ce passé.
Conséquence : la France est toute entière malade d’une colonisation et d’une décolonisation toujours pas assumées. De quelque côté qu’on se place, les plaies et cicatrices continuent de suppurer alors qu’il faudrait enfin les ramener à l’air libre. Nier les traumatismes ne permettra jamais de les soigner, bien au contraire. Et quand, par dessus le marché, une poignée de députés ignorants ou provocateurs se mêlent de réécrire l’Histoire à la sauvette, ils ne font que fournir des allumettes à ceux qui - dans un contexte de crise économique, sociale, politique et culturelle - jouent avec les barils de poudre du racisme.

N’est-il pas temps d’affronter la réalité et de poser les termes du débat autrement que dans la passion et l’invective ? La France n’aurait-elle pas tout à gagner dans un examen lucide de son passé ?
Et puis, tiens, puisqu’il nous est demandé d’aborder également les aspects positifs de la colonisation française outre-mer, relevons le gant mais sans omettre tous les aspects positifs que la France métropolitaine aura retiré du commerce triangulaire puis de la colonisation des 19ème et 20ème siècles. C’est alors que chacun verra tout ce que les pays leaders de l’Europe - France, Allemagne, Royaume Uni, Pays Bas, Italie - doivent aussi aux peuples et aux ressources agricoles, minières et culturelles de leurs anciennes colonies.

Jean Saint-Marc


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