
Mal-do-mèr dann sarèt
28 juin, parLo zour la pokor kléré, Zan-Lik, Mariz é sirtou Tikok la fine lévé, mèt azot paré. Madanm Biganbé i tir zot manzé-sofé, i donn azot, zot i manz. (…)
Une libre opinion d’André Oraison
7 avril 2005
Le professeur André Oraison a fait parvenir à ’Témoignages’ une étude juridique ’à propos de la consultation référendaire du 29 mai 2005 sur le projet de Convention pour une Constitution européenne’. Ce texte nous a été adressé sous le titre suivant : ’Pour empêcher la réactivation de la ’directive Bolkestein’ sur la libéralisation des services au sein de l’Union européenne, il convient de dire ’non’’. On lira ci-après le texte intégral de cette étude.
(pages 4 & 5)
Les Français auront à se prononcer prochainement par la voie la plus démocratique du référendum sur le projet de Convention pour une Constitution européenne. Dans ce document volumineux, comprenant pas moins de 448 articles, 36 protocoles additionnels et une kyrielle de déclarations, tout le monde peut y trouver son compte ou des raisons d’être insatisfait. Pourtant, il faudra bien répondre par "oui" ou par "non" le 29 mai 2005 à la question suivante : "Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe ?".
Pour les partisans du "oui", actuellement minoritaires dans les sondages, le projet de Convention pour une Constitution européenne apparaît comme une nouvelle et indispensable avancée dans le processus d’intégration qui a commencé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale en Europe et qui devra encore se poursuivre - faut-il le souligner ? - au cours des décennies à venir. Dès à présent, il faut le savoir : la création des États-Unis d’Europe n’est pas pour demain. Mais les adeptes du "non" ont eux aussi des griefs à formuler. Ces derniers sont nombreux et loin d’être négligeables.
Nous avons besoin d’une Europe forte
En vérité, ce qui importe vraiment - en ce début de 21ème siècle - ce n’est pas de savoir s’il faut faire où ne pas faire l’Europe. À part quelques souverainistes ou nationalistes attardés qui souhaitent que la France vive repliée sur elle-même comme au temps de la marine à voile et des lampes à huile, personne aujourd’hui n’est vraiment hostile en France à l’ambitieux projet visant à la création d’une Europe unie sur le plan politique. La Communauté internationale dans son ensemble a par ailleurs besoin d’une Europe forte capable de parler d’une seule voix sur la scène inter étatique et de s’opposer à toute forme d’hégémonie et d’abord au primat insolent des États-Unis d’Amérique qui prennent de plus en plus de liberté à l’égard du droit international public, notamment en Irak depuis 2003.
Il importe ici de présenter l’objectif principal de la consultation référendaire du 29 mai 2005 (I) avant d’analyser le contenu de la "directive Bolkestein" (1), même si cette dernière vient d’être provisoirement mise sous le boisseau pour des raisons tactiques le 22 mars dernier par décision des chefs d’États et de Gouvernements lors du Conseil européen de Bruxelles (2). Plus que jamais, ce projet scélérat de directive sur la libéralisation des services entre les États membres de l’Union européenne reste en effet au cœur du débat sur le prochain scrutin dans la mesure où il est une application caricaturale avant la lettre du projet de Convention pour une Constitution européenne (II). Nous analyserons enfin les conséquences bénéfiques d’une éventuelle victoire du "non" au référendum (III).
I. L’enjeu du référendum du 29 mai 2005 : un vrai choix de société
À la veille d’un scrutin décisif, la question cruciale est bien la suivante : quelle Europe veut-on construire exactement pour la génération présente et pour les générations futures ? Quel est donc le bon choix stratégique ? Grosso modo, deux grandes options se présentent et s’opposent.
Veut-on une société résolument capitaliste à l’image de celle des États-Unis où les entreprises s’entredéchirent pour faire toujours plus de profits au détriment des travailleurs ? Pour les citoyens qui souhaitent contribuer au triomphe du libéralisme en Europe avec en prime une politique de défense de l’Union européenne dans le cadre de l’OTAN, une organisation placée sous le leadership américain, aucune hésitation n’est possible. Il leur faudra voter "oui" lors du référendum du 29 mai 2005. Ils diront "oui" comme le feront avec enthousiasme les dirigeants du patronat et notamment ceux du MEDEF ainsi que les responsables des formations politiques de la droite (UMP) et du centre (UDF) avec l’appui - on doit le déplorer - d’une partie des forces de la gauche républicaine (PS).
En vérité, la philosophie dominante de l’Union européenne penche naturellement dans la direction de la libre concurrence et de la compétitivité des entreprises. Depuis ses origines, les dirigeants du vieux continent militent pour la plupart pour la création en Europe d’une nouvelle entité à la fois régionale et libérale. Si nous n’avons aucun grief à formuler contre le régionalisme qui est encore une idée neuve en Europe, nous avons en revanche mille raisons de nous méfier du libéralisme.
L’objectif nettement affiché par les porte-drapeaux et thuriféraires de l’idéologie d’Adam Smith - une vieille idéologie libérale qui remonte au début du XIXe siècle - est bien de créer sur le continent européen un grand marché économique dans lequel doit régner en maître la concurrence qui permet la recherche effrénée des bénéfices par les multinationales au détriment des droits les plus élémentaires des travailleurs, des créations d’emplois et des services publics. Le principe cardinal de la libre concurrence est aujourd’hui gravé en lettres d’or dans le marbre du futur traité constitutionnel européen. Son article 1-3-2 est ainsi rédigé en des termes particulièrement bien frappés : "L’Union offre à ses citoyens ... un marché unique où la concurrence est libre et non faussée". Dans le même sens, son article 1-4-1 reconnaît la libéralisation du marché des services et la liberté d’établissement qui en est le corollaire obligé : "La libre circulation des personnes, des biens, des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté d’établissement, sont garanties par l’Union et à l’intérieur de celle-ci, conformément à la Constitution". Sur un ton péremptoire, son article III-144 donne enfin une précision significative : "Les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation". On ne saurait à la fois être plus clair et plus brutal.
Vers une harmonisation des conditions de travail, par le bas
Dès lors, l’instauration d’une concurrence débridée entre les entreprises - de plus en plus tentées par les délocalisations en direction des pays les plus faibles de l’Union européenne sur le double plan économique et social (3) - implique logiquement le démantèlement des services publics nationaux et leur privatisation progressive. Ce processus ne peut évidemment se faire qu’au détriment des intérêts des travailleurs du secteur public et des acquis sociaux avec en prime l’augmentation des taux de chômage dans la plupart des pays membres les plus avancés de l’Union. Il implique également l’harmonisation par le bas des conditions de travail des salariés du secteur privé. Ce double processus rétrograde n’est pas récent. Il a en effet déjà été mis en œuvre au cours des deux dernières décennies et il est même appelé à se poursuivre et à s’aggraver si un coup d’arrêt n’est pas enfin donné à cette gigantesque entreprise de démolition sociale par le succès du "non" au référendum du 29 mai prochain.
Certes, les personnes tentées par le "non" forment un conglomérat hétéroclite. Leurs objectifs sont pour le moins divergents. Certaines voteront négativement parce qu’il n’est nulle part fait référence au principe fondamental de la laïcité ou à la séparation des Églises et des États dans le projet de Convention pour une Constitution européenne. D’autres électeurs voteront "non" parce que les valeurs chrétiennes de l’Europe sont absentes du Traité constitutionnel. Des électrices voteront probablement "non" parce que le droit à l’avortement et le principe de la parité impliquant une égale représentation des hommes et des femmes ne sont pas inscrits dans le texte soumis à la consultation référendaire.
De même, dans la France ultramarine départementalisée par la loi du 19 mars 1946 et plus précisément dans les régions monodépartementales de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion, des domiens voteront "non" parce que les intérêts des régions ultra périphériques (RUP) risquent d’être remis en cause après l’entrée dans l’Union européenne, au 1er mai 2004, de dix nouveaux États, la plupart étant très retardataires au niveau économique et social. En vérité, il faut objectivement s’attendre à ce que les fonds structurels communautaires et notamment le Fonds européen de développement régional (FEDER) diminuent de manière sensible dans les années à venir, que les Français répondent "oui" ou "non" le 29 mai prochain !
Mais c’est essentiellement pour des raisons liées à un "déficit démocratique" dans le processus de création de l’architecture européenne et au maintien de leur niveau de vie qu’une majorité de Français risque de voter "non". Pour les adeptes du vote négatif, le projet sur la Constitution européenne n’a pas vraiment un objectif social. Ce point mérite quelques explications qui porteront paradoxalement sur la critique d’un texte qui lui est apparemment étranger, qui est encore à l’état de projet et qui doit être revu et corrigé si l’on s’en tient à une résolution adoptée par les chefs d’États et de Gouvernement réunis à Bruxelles les 22 et 23 mars derniers. Nous faisons allusion à la célèbre "directive Bolkestein" et à ses conséquences qui pourraient être, à plus ou moins long terme, cauchemardesques sur le plan social pour les travailleurs de tous les pays de l’Union européenne (II).
II. Flash-back sur la feue "directive Bolkestein" dans sa version initiale
Pour comprendre l’enjeu de la consultation populaire du 29 mai 2005, il faut impérativement revenir sur ce projet de directive "relative aux services dans le marché intérieur" - même s’il vient d’être mis en sommeil sous la pression du "non" - dans la mesure où le secteur des services concerne près de 70% des emplois dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Élaboré par l’ancien commissaire européen au Marché intérieur - le très libéral Néerlandais Frits Bolkestein - à la suite d’une demande formulée par le Parlement de Strasbourg, le 13 février 2003, ce texte de 47 articles et de 87 pages a été brandi comme une preuve du capitalisme sauvage par les partisans du "non". Même s’il devient caduc - totalement ou partiellement - il faut le connaître car il préfigure sous un angle caricatural la dérive ultra-libérale du futur traité constitutionnel.
Conçu en catimini, ce texte est très inquiétant dans la mesure où il a été adopté à l’unanimité et sans aucune réserve par l’ancienne Commission européenne le 13 janvier 2004 avec en prime l’aval des deux commissaires français - à l’époque MM. Michel Barnier (UMP) et Pascal Lamy (PS), avant d’être ratifié par le Conseil des ministres européen de Bruxelles. Compatible avec la lettre et l’esprit des traités européens en vigueur, en vertu du principe fondamental de la hiérarchisation des normes juridiques, la "directive Bolkestein" a finalement été portée à la connaissance de l’opinion publique par les organisations syndicales ouvrières alors même que son élaboration était loin d’être achevée et qu’elle doit encore être soumise au Parlement de Strasbourg en juin prochain. Mais aussitôt connue, elle a mis le feu aux poudres et nourri de manière inattendue le camp du "non" en France mais aussi dans d’autres pays comme l’Allemagne, la Belgique ou le Danemark (4). Ainsi se trouve vérifiée une pensée du Grand Timonier : "Une étincelle peut mettre le feu à toute la plaine" !
Pour relancer la croissance économique sur le vieux continent dans le cadre d’une Europe ultra capitaliste, la "directive Bolkestein" est édifiante. Elle a en effet prévu un traitement de choc qui est tout à fait au diapason avec l’esprit et la lettre du projet de Convention pour une Constitution européenne soumis au référendum le 29 mai 2005. Après avoir indiqué qu’elle a pour but d’établir "les dispositions générales permettant de faciliter la liberté d’établissement des prestataires de services ainsi que la libre circulation des services" dans l’Union européenne, la "directive Bolkestein" contient dans son article 16 un principe dit "principe du pays d’origine" ou PPO.
En vertu du PPO, c’est le droit du pays d’origine du prestataire de services ou employeur qui a vocation à s’appliquer et non le droit du pays d’accueil dans lequel sont rendus et facturés les services. Ainsi, en vertu de ce nouveau principe, une entreprise de bâtiment slovaque pourrait venir travailler dans n’importe quel État membre de l’Union en appliquant la loi de la Slovaquie, où se trouve son siège social, c’est-à-dire en faisant abstraction des échelles de salaires et de la protection sociale en vigueur dans l’État d’accueil où elle viendrait proposer ses services. La "directive Bolkestein" est bien ici en eurythmie ou symbiose avec le projet de Convention pour une Constitution européenne et notamment avec son article III-144 dont nous rappelons ici le contenu au demeurant lapidaire mais très explicite : "Les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites".
Directive Bolkestein et principes fondamentaux de la République “incompatibles”
Dans son avis rendu le 18 novembre 2004, le Conseil d’État, avait déjà attiré l’attention des Pouvoirs publics en mettant l’accent sur le fait que la "directive Bolkestein" porte atteinte aux principes fondamentaux de la République de valeur constitutionnelle et notamment au principe de la souveraineté nationale et au principe de l’égalité des personnes devant la loi (5). Faut-il ici rappeler avec notre collègue Jean-Marie Pontier que le principe républicain de l’égalité entre les citoyens a été consacré par le Conseil constitutionnel en tant que "principal des principes généraux du droit" et qu’il est "l’un des principes les plus profondément ancrés dans la conscience politique des Français" (6) ?
De surcroît, la "directive Bolkestein" dans sa version initiale n’imposait aux entreprises - avant l’envoi en mission à l’étranger de leurs salariés - aucune contrainte et notamment aucune notification préalable à l’administration du pays d’accueil qui est pourtant directement concerné ! Le prétexte officiel invoqué par les responsables européens de Bruxelles est qu’il fallait pour l’avenir réduire au maximum les kafkaïennes formalités administratives qui constituent des entraves au sacro-saint principe de la libre concurrence, à la liberté d’établissement et à la compétitivité des entreprises. Autant dire que les États membres de l’Union européenne se voyaient privés pour l’avenir de moyens de contrôle sur la main d’œuvre entrant sur leurs territoires respectifs. Dans ce cas de figure simplificateur où il était manifestement porté atteinte au principe de la souveraineté nationale, tous les abus devenaient alors possibles avec la surexploitation des travailleurs européens et le redoutable processus de délocalisation des entreprises.
Pour des raisons de rentabilité, la "directive Bolkestein" faisait en effet courir aux travailleurs français le risque de voir se généraliser le transfert des sièges sociaux d’entreprises françaises chez les nouveaux États membres de l’Union dans lesquels les droits sociaux sont les plus faibles, les salaires les plus bas et où, par ricochet, les sociétés de service sont parmi les plus compétitives d’Europe. Dans ce schéma apocalyptique, les travailleurs français qui se sont durement battus pour avoir les avantages sociaux et professionnels qui sont les leurs aujourd’hui - c’est-à-dire des avantages qui sont parmi les plus élevés de l’Union - risquaient non seulement de perdre ces acquis mais encore de disparaître en tant que travailleurs. C’est dire qu’ils étaient appelés à devenir une espèce au seuil de l’extinction biologique comme les grands cétacés, les tigres du Bengale ou encore les tortues vertes chelonia mydas. Mais à la différence de ces espèces animales, les travailleurs français n’étaient plus protégés. Ils étaient même délibérément sacrifiés dans le temple du libéralisme qu’est l’Union européenne !
Le président argumente
Le danger de "dumping social" était d’autant plus grand que le président en exercice de la Commission européenne — l’ultra-libéral José-Manuel Durao Barroso - n’avait pas manifesté l’intention, dans un premier temps, de remettre en cause la "directive Bolkestein", si l’on en juge par ses premières déclarations qui remontent au 14 mars 2005. Fort de l’appui de certains pays membres de l’Union européenne, dont la Grande-Bretagne, et des dix nouveaux États membres qui n’ont nullement l’intention de renoncer à l’avantage de la position concurrentielle de leurs bas salaires et qui soutiennent à 100% la "directive Bolkestein", il avait tenté de se justifier. Il avait ainsi expliqué que le principe de la libre circulation des services dans l’espace européen avait pour objet de dynamiser les échanges entre les États membres dans le cadre d’une économie globalisée. Comme pour bien enfoncer le clou, il avait ajouté : "Certains pensent que la Commission est là pour protéger les quinze membres anciens contre les nouveaux membres. Ce n’est pas le cas. Elle est là pour protéger l’intérêt général de l’Europe" (7) !
Le responsable ou plutôt l’irresponsable de la Commission européenne qui qualifiait au passage les adeptes français du "non" d’europhobes ou d’eurosceptiques entendait en fait s’en tenir au nouveau "principe du pays d’origine" (PPO), c’est-à-dire à la règle qui permet à un prestataire de service d’opérer sur le territoire des différents pays membres de l’Union européenne en appliquant les règles juridiques de son État de provenance et non celles des États d’accueil. En vérité, on ne pouvait pas être plus provocateur à la veille de la consultation populaire du 29 mai prochain. Si le Président de la Commission européenne avait voulu mettre le Président Jacques Chirac dans l’embarras et renforcer de manière soudaine et substantielle le camp du "non" en France, il ne s’y serait pas pris autrement !
À notre avis, des travailleurs polonais ou slovènes ne doivent pas pouvoir juridiquement travailler en Allemagne ou en France tout en étant rémunérés avec des salaires polonais ou slovènes qui sont nettement plus bas que les salaires allemands ou français ! À court terme, la mise en œuvre de la "directive Bolkestein" aurait été nuisible aux travailleurs des pays de l’Union européenne qui sont les plus avancés sur le plan social et notamment aux travailleurs français qui sont déjà lourdement frappés par le chômage et qui redoutent à juste titre la remise en cause de leur "modèle social" dans une Union européenne désormais élargie à 25. Mais à long terme, la "directive Bolkestein" aurait aussi été préjudiciable à l’ensemble des travailleurs européens - y compris aux travailleurs des dix nouveaux États membres ! - puisque son objectif inavoué et inavouable est bien d’assurer l’harmonisation par le bas des droits sociaux pour relancer à n’import quel prix la croissance sur le continent européen.
III. Les conséquences de la victoire du "non" au référendum du 29 mai 2005
Certes, la victoire du "oui" au référendum serait excellente pour l’Europe dans sa compétition économique avec le reste du monde et notamment dans sa rivalité de plus en plus âpre avec les États-Unis. Mais elle serait catastrophique pour les travailleurs car elle signifierait de manière quasi irréversible l’avènement du libéralisme triomphant sur le continent européen et, par suite, la réduction progressive des acquis sociaux et l’harmonisation par le bas des conditions de vie des salariés et des fonctionnaires. Avec la victoire du "oui", il n’y aurait plus aucun obstacle à la remise à plat du fameux "modèle social européen". Les 25 chefs d’État et de Gouvernement de l’Union européenne auraient alors la possibilité de réactiver la "directive Bolkestein" à la demande réitérée des dix nouveaux membres de l’Union qui n’y ont pas renoncé et qui la soutiennent - faut-il le rappeler ? - "à 100%" (8) ! On sait que cette "directive scélérate" n’a été écartée que provisoirement, en catastrophe et uniquement pour des raisons purement tactiques à la suite d’une percée spectaculaire du "non" dans les sondages.
En vérité, pour faire respecter les intérêts fondamentaux des pays les plus avancés de l’Union européenne et leurs "modèles sociaux" et notamment le "modèle français" que l’on cite souvent en exemple, pour écarter définitivement le "principe du pays d’origine" ou PPO, pour éviter en d’autres termes et de manière définitive le risque de "dumping social à domicile" et l’insécurité juridique permanente pour l’ensemble des salariés européens, il n’existe qu’un seul remède efficace. Après avoir obtenu, le 23 mars 2005, un retrait rapide et peu glorieux de la "directive Bolkestein" par ses commanditaires, c’est-à-dire les 25 dirigeants de l’Union européenne réunis à Bruxelles, les citoyens français qui sont aussi des travailleurs désireux de conserver leurs emplois et leurs acquis ont intérêt à ne pas relâcher la pression. Ils ont le devoir d’adresser un message clair aux responsables de Bruxelles et de Strasbourg ainsi qu’à l’ensemble de la classe politique dirigeante française et tout particulièrement aux responsables de l’UMP et du PS. Ils le feront en votant résolument "non" le 29 mai prochain au référendum sur le projet de Convention pour une Constitution européenne dans la mesure où cette Convention - négatrice de l’Europe sociale - contient tous les ingrédients qui pourraient servir de fondement à la mise en œuvre d’autres directives plus ou moins désastreuses pour les travailleurs et conçues sur le modèle et l’esprit de la "directive Bolkestein".
Dire au non au Traité n’est pas dire non à l’Europe
Enfin, à tous ceux qui pensent qu’avec le triomphe du "non", on risque d’aboutir au chaos institutionnel en détruisant le processus même de création d’une Europe unie, patiemment entrepris depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous répondons qu’il n’en est rien. Si le "non" devait l’emporter le 29 mai prochain, le projet de Traité établissant une Constitution européenne perdrait effectivement sa raison d’être. Le traité en question deviendrait aussitôt caduc faute d’avoir été ratifié par les 25 États membres de l’Union européenne et plus précisément par la France qui en est un des principaux États fondateurs. Mais les traités diplomatiques et autres engagements internationaux qui ont à ce jour contribué à enclencher le mécanisme d’unification de l’Europe (dans une optique, hélas, déjà libérale) ne connaîtront pas pour autant le même sort. Ainsi, le Traité de Maastricht du 7 février 1992 sur l’Union européenne créant une Banque Centrale Européenne (BCE) et une monnaie unique dans le cadre de cette Union - deux institutions aujourd’hui entrées dans les mœurs - continuera à s’appliquer pendant une "durée indéterminée" aux 25 États membres, dont évidemment la France.
Contrairement à l’argumentation développée par les fidèles du "oui", la réussite du "non" ne serait donc une abomination ni pour la France ni pour l’Union. Faible ou massive, la victoire du "non" retentirait même comme un "coup de tonnerre dans le ciel européen". C’est bien connu : quand la France éternue, l’Europe se mouche ! En étant le premier à rejeter le traité constitutionnel, le peuple de France montrerait la voie à suivre aux autres peuples de l’Union. Son "non" pourrait en effet être contagieux et inspirer d’autres États où les populations intéressées doivent également se prononcer prochainement par référendum. Nous pensons notamment à la Grande-Bretagne et au Danemark.
N’en doutons pas : la victoire du "non" serait surtout porteuse d’espérance et de progrès social car elle devrait inciter les élites européennes à renoncer définitivement dans un premier temps à tout projet de directive sur la libéralisation des services conçu sur le modèle "Bolkestein" et à remettre en cause une méthode de construction de la Maison Europe par des dirigeants politiques irresponsables qui semblent aujourd’hui bien loin des préoccupations de ses futurs locataires. Pour toutes ces raisons et en reprenant un autre slogan célèbre du Grand Timonier, le mot d’ordre à mettre en œuvre sans état d’âme le 29 mai prochain est bien le suivant : "Feu sur le quartier général !"
En toute dernière analyse, nous sommes convaincus que le succès du "non" serait bénéfique pour l’ensemble des peuples de l’Union européenne. Il leur serait salutaire car il permettrait la renégociation du projet de Convention pour une Constitution européenne sur des bases nouvelles et saines - c’est-à-dire beaucoup moins libérales et beaucoup moins cyniques et donc, a contrario, plus humaines et plus sociales - en prenant en considération les opinions des forces vives de tous les pays membres de l’Union et d’abord l’avis des travailleurs français et de leurs représentants syndicaux.
Ainsi pourrait enfin être comblé par la même occasion ce fameux "déficit démocratique" dont nous avons fait allusion au début de cette étude et dont les peuples européens ont souffert pendant si longtemps.
André Oraison,
Professeur de Droit public à l’Université de La Réunion (Université française et européenne de l’océan Indien).
(1) Il faut mettre entre guillemets l’expression "directive Bolkestein" pour trois raisons. D’abord, une directive en tant qu’acte communautaire obligatoire pour tous les États membres de l’Union européenne est toujours l’œuvre collégiale de la Commission de Bruxelles et non l’œuvre personnelle d’un commissaire. Ensuite, ce qu’on appelle la "directive Bolkestein" n’est qu’un projet de directive qui doit encore être soumis à l’appréciation du Parlement de Strasbourg et du Conseil des ministres de Bruxelles. Enfin, ce projet méphistophélique de directive sur la libération des services entre les États membres vient d’être remis en cause en catastrophe le 22 mars 2005 par les chefs d’États et de Gouvernement lors de leur dernière réunion de Bruxelles à la demande du Président Jacques Chirac. C’est donc par simplification que nous employons ici l’expression "directive Bolkestein".
(2) Voir Ferenczi (Th.), "Jacques Chirac a lancé à Bruxelles sa campagne pour le oui", Le Monde, vendredi 25 mars 2005, p. 6.
(3) Ce sont en fait les dix nouveaux États qui ont fait leur entrée dans l’Union européenne le 1er mai 2004. En voici la liste : Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie et Slovénie.
(4) Voir Ferenczi (Th.) et Barroux (R.), "La libéralisation des services domine la réunion des syndicats européens samedi à Bruxelles", Le Monde, samedi 19 mars 2005, p. 6.
(5) Voir de Montvalon (J.-B.), "Les réserves du Conseil d’État sur le projet de directive Bolkestein", Le Monde, vendredi 18 mars 2005, p. 8.
(6) Voir Pontier (J.-M.), "L’administration territoriale : le crépuscule de l’uniformité ?", La Revue Administrative, 2002, p. 633.
(7) Voir Dubois (N.), "Le Président Barroso à hue et à dia", Libération, mercredi 16 mars 2005, p. 4.
(8) Voir Châtelot (Ch.) et Plichta (M.), "Les nouveaux membres de l’UE jugent injuste le gel de la directive Bolkestein", Le Monde, samedi 19 mars 2005, p. 6.
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