Axel Urgin, ancien secrétaire national du PS à l’Outre-mer :

’Pour l’Europe et pour l’Outre-mer, je vote “non”’

20 mai 2005

Membre du PS depuis l’âge de 17 ans, Axel Urgin en a été le secrétaire national à l’Outre-mer jusqu’au “référendum militant” du 1er décembre 2004 qui, en fixant le “oui” comme position officielle de son parti, l’a poussé à démissionner.

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Haut fonctionnaire et professeur associé à l’Université, Axel Urgin est venu expliquer à La Réunion, à l’invitation du Comité pour le “non”, dont les membres Emmanuel Hoarau et Jean-Paul Panechou l’accompagnaient hier, "les dangers que représentent pour le statut de l’Outre-mer dans l’Europe, les dispositions nouvelles de cette Constitution".
Il est venu dénoncer "un mensonge d’État", que Jacques Chirac s’apprête à appuyer de tout son poids dans l’intervention de ce soir sur RFO - "une intervention inadmissible à trois niveaux" (voir encadré ci-après)
proclame l’ancien dirigeant socialiste de 44 ans, qui a été, de 1995 à 2002, directeur de cabinet des ministres Jean-Jacques Queyranne et Christian Paul. "La Constitution comporte des dispositions nouvelles régressives sur l’Outre-mer et on a menti aux élus" poursuit-il.
Quel est le danger ? Deux articles reprennent les dispositions du 299-2 du Traité d’Amsterdam : c’est d’une part l’article III-424 qui abandonne les “mesures spécifiques” inclues au précédent traité pour les remplacer par une formule ambiguë donnant lieu à des interprétations contradictoires ; c’est aussi l’article IV-440 dont le 7ème alinéa dit que "Le Conseil européen, sur initiative de l’État membre concerné, peut adopter une décision européenne modifiant le statut à l’égard de l’Union d’un pays ou territoire danois, français ou néerlandais visé aux paragraphes 2 et 3. Le Conseil européen statue à l’unanimité, après consultation de la Commission".
Et pour être complet, l’alinéa 2 - qui est celui qui nous concerne - dit que le traité s’applique, "conformément à l’article III-424", aux sept régions ultrapériphériques (RUP) citées nommément.
Commentaire d’Axel Urgin : "N’importe quel gouvernement pourrait remettre en cause le statut européen des RUP, donc des RUP françaises, en les faisant passer du statut de DOM à celui de PTOM (pays et territoire d’Outre-mer)". À partir de l’idée que Mayotte, territoire associé, pourrait devenir une région ultrapériphérique à part entière, la formulation de l’article - qui ne doit rien au hasard - laisse la porte ouverte au mouvement inverse, ce qui revient à "faire sortir de l’Europe n’importe quel DOM". Le tout, sur la décision du Conseil et sans consulter la population concernée puisque, poursuit Axel Urgin, "il n’y a aucun lien juridique entre le statut interne et le statut européen".

Disposition a double sens

La France a pour spécificité d’avoir des collectivités d’Outre-mer dans l’Union européenne (4 DOM) et des collectivités hors de l’Union (5 CTOM).
"Juridiquement, La Réunion a aujourd’hui le même statut que la Bavière ou la Catalogne. Si la Constitution est adoptée, les DOM pourront être sortis de l’Europe au terme de la procédure décrite par l’article IV-440.7" complète-t-il. Que l’on ait pu envisager le double mouvement n’est pas choquant en soi, si l’on avait pris soin de dire que cette procédure ne peut être initiée qu’à la demande des populations concernées, ou du moins pas sans leur accord. Or cette disposition a été introduite pour jouer dans les deux sens, sans disposition interne à la Constitution française disant que cette décision du Conseil serait soumise à référendum, dans les départements concernés.
"Qui sait quelles seront les relations entre l’UE et la France et entre la France et les DOM dans vingt ans ?", a demandé Axel Urgin, répondant à une question sur ce que pourrait être la motivation d’un gouvernement de la France qui lancerait cette procédure.
C’est, à ses yeux, le danger principal concernant les articles sur l’Outre-mer.
Sur la Constitution en général, il note que "les Européens sont divisés sur deux lectures opposées" et pense que seules les parties constitutionnelles (I et II) - auxquelles il veut bien reconnaître "quelques avancées" - devraient être l’objet du référendum. "La partie III divise et elle est préemptive d’un choix : pourquoi faudrait-il la constitutionnaliser ? Une Constitution doit fixer un cadre, pas des politiques", a-t-il dit encore, ajoutant qu’"un autre argument de méfiance est le carcan mis à la coopération renforcée".
Au cours d’un bref séjour (deux jours) au programme bien rempli, Axel Urgin a rencontré hier après-midi des syndicalistes. Il était hier soir au campus du Moufia pour une conférence sur l’Outre-mer et la Constitution européenne (voir ci-contre) . Il anime aujourd’hui à l’Archipel, à 15h, une conférence à laquelle sont conviés notamment des chefs d’entreprise.

P. David


Jacques Chirac sur RFO : le retour de “la voix de son maître”

Le président intervient ce soir, sur Télé-Réunion, pour faire campagne pour le “Oui”. Sans contradicteurs, comme du temps où Michel Debré verrouillait l’audiovisuel ultramarin. Axel Urgin dénonce dans cette intervention un abus "inadmissible à trois niveaux" :
D’une part, cette émission "a été préparée dans le plus grand secret". Elle n’a été connue que trois jours avant sa diffusion, contrairement à la première intervention télévisée du président, annoncée quinze jours avant.
"Les journalistes accrédités d’ordinaire ont été écartés", et c’est "un Réunionnais de Polynésie", trié sur le volet, qui interrogera le président. Enfin, cette intervention se produit pendant la campagne officielle et il n’est proposé l’équivalent à aucun partisan du “non”.
C’est un abus supplémentaire du déséquilibre médiatique dans cette campagne.


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