Conférence-rencontre entre A.C. Réunion et la L.D.H.

Pour les chômeurs, les exclus et les précaires, un “non” franc et massif dans les urnes

23 mai 2005

Vendredi matin au siège d’Agir Contre le Chômage (AC Réunion), rue des Sables à Saint-Denis, la Ligue des Droits de l’Homme est venue faire part aux chômeurs, aux exclus et aux précaires de son analyse sur le référendum du 29 mai, concernant le projet de Traité constitutionnel européen. Ce texte étant conçu avant tout pour servir les intérêts des patrons, des banquiers et des plus “friqués”, il va contribuer à broyer le “2ème monde” si le “oui” l’emporte.

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Le délégué pour La Réunion de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), Canda Sawmy-Pillay, accompagné d’un dirigeant national de cette association, Pierre Tartakowski, a été reçu par Jean-Pierre Técher, président d’AC Réunion, et par Guy Ratane-Dufour, membre d’AC Réunion.
Devant une assemblée nombreuse de personnes représentatives des exclus de La Réunion, Pierre Tartakowski a développé l’analyse que fait la LDH du projet de Traité constitutionnel européen (TCE). Le conférencier, après une courte allocution de Jean-Pierre Técher réaffirmant l’opposition de son mouvement à ce texte, a tenu à expliciter que la LDH ne donne aucune consigne de vote concernant ce référendum.
Il a toutefois réaffirmé que la LDH ne peut faire autrement que de s’investir dans ce débat, car comme chacun a pu s’en rendre compte, une grande partie de ce projet est consacrée aux droits humains. La LDH, par la voix de Pierre Tartakowski, insiste sur la nécessité d’aller voter le 29 mai prochain et se félicite que grâce à ce référendum, partout, le débat démocratique s’est réinstallé.

"Un objet juridique compliqué"

En ce qui concerne le TCE, Pierre Tartakowski a mis en exergue ce que beaucoup de personnes ont déjà pu constater : ce projet de traité est à double sens et il est selon ses dires "un objet juridique compliqué". L’un des principaux obstacles à la rédaction d’une Constitution est sans aucun doute qu’il n’existe pas de citoyenneté européenne, a-t-il assuré.
Pierre Tartakowski a affirmé que quoi qu’il en soit, et quand bien-même certains rejettent l’aspect libéral de la partie III de ce texte, sans doute à juste titre, il lui semble cependant nécessaire de simplifier les précédents traités, et il ne voit pas comment on pourrait faire autrement que d’intégrer l’existant, compte tenu des enjeux qui étaient fixés à cette convention.
Suite à l’exposé du dirigeant de la LDH, Jean-Pierre Técher a ouvert la discussion et a pris bonne note que la LDH reconnaissait le caractère libéral du texte.
Pierre Tartakowski, reprenant la parole, précise que comme d’autres associations, la LDH a participé à la réflexion sur ce texte et reconnaît avoir été écoutée mais pas entendue. La salle a réagi de manière fort intéressante en confirmant, s’il en était besoin, que le peuple “d’en-bas” a son mot à dire.
Les questions qui ont fusé, très pertinentes, ont mis parfois Pierre Tartakowski en porte à faux vis-à-vis du rendu de son exposé. L’ensemble des participants, qui sans aucun doute attendaient une réponse un peu plus tranchée à l’encontre de ce traité, ont dû rester sur leur faim.
En effet, ce qu’attendent les exclus, c’est tout de même de savoir si leurs droits à l’emploi, au logement, à la santé, à la formation etc... seront respectés ; or, tout au long de son exposé, le représentant de la LDH a fait montre de diverses contorsions pour que son propos ne puisse trahir une quelconque position en faveur du “oui” ou du “non”.

Pas xénophobe mais contre l’exploitation humaine

Il a été fait mention, lors d’une question dans la salle, du problème des travailleurs étrangers et notamment des Thaïlandais qui devaient venir travailler à La Réunion pour 150 euros par mois. Pierre Tartakowski s’est dit préoccupé par des réactions qui pourraient avoir des relents xénophobes vis-à-vis d’autres travailleurs.
Guy Ratane-Dufour a pris la parole en affirmant que les Réunionnais n’ont pas pour habitude d’avoir ce genre de sentiment, et que l’histoire multi-culturelle de notre Île est un gage de notre profond attachement aux valeurs de partage et d’ouverture à l’autre. Il a réaffirmé que La Réunion est une terre d’accueil et que le peuple réunionnais est un exemple en matière de dons et de solidarité.
Enfonçant le coin, Jean-Pierre Técher dit en substance la même chose, ajoutant à cela que ce n’est pas tant les travailleurs étrangers qui étaient visés mais bien ceux qui les exploitent. Il est quand-même très dur de constater que dans le TCE, aucune place n’est faite pour des avancées sociales.
Jean-Pierre Técher a pris l’exemple du RMI, qui n’existe pas dans les nouveaux pays entrants, mettant ainsi en danger nos lois sociales qui seraient sans doute révisées si un nombre considérable de ressortissants européens, voulant bénéficier des avantages de notre démocratie, profitaient de la libre circulation pour venir sur le sol français.
Là non plus, il ne s’agit pas de rejet de l’autre, mais bien d’un véritable problème lié au fait d’un élargissement mal mesuré et sans garanties sociales vis-à-vis des nouveaux adhérents.

Égalité dans le travail entre les hommes et les femmes

Pour Agir Contre le Chômage, il n’est pas question d’accepter un texte qui ne prendrait pas de dispositions confortant les acquis sociaux de notre pays ainsi qu’une obligation faite aux autres pays d’avoir un minimum de cohérence sociale avec les pays fondateurs de l’Europe.
De cette rencontre d’AC Réunion avec la LDH, il est sorti plusieurs points positifs. En premier lieu, il est à noter que l’assemblée était largement paritaire : une bonne représentation des femmes a permis de parler des articles du TCE qui les concernent au plus haut chef.
Pierre Tartakowski a tenu à signaler à ce sujet qu’il y a tout de même un bémol dans l’article concernant l’égalité dans le travail entre les hommes et les femmes. Après l’adoption de ce traité, le gouvernement français aura beau jeu de demander aux syndicats le travail de nuit pour les femmes pour cause d’égalité.
Pierre Tartakowski de poursuivre que les femmes, quoi que l’on dise, sont de fait toujours et avant tout les responsables du foyer, et il conclut en disant que si les femmes avant le traité avaient une double journée, avec l’adoption de ce texte en l’état, le travail de nuit serait ressenti désormais comme une triple journée.
Que dire de plus, sinon que cette rencontre a eu pour effet de voir les responsables d’AC Réunion dynamiser leurs militants pour que le 29 mai prochain leurs interrogations se traduisent par un “non” franc et massif dans les urnes.

Philippe Tesseron


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