Robert Intartaglia et “le “non” de la France”

Pour ne pas graver un désastre dans le marbre pour 50 ans

18 mai 2005

Puisque la “France d’en-bas” est consultée. Puisque, pour une fois, le “citoyen d’en-bas” est amené à donner son avis sur “un texte” ; et non pas sur un homme, ou sur un parti, ou sur des hommes, ne ratons pas cette occasion rare de nous faire entendre.

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Il s’agit, tout simplement, de s’exprimer sur "l’idée" que l’on se fait de l’Europe. Sur les idéaux, les valeurs et les buts qui doivent la fonder. De les comparer avec ceux contenus dans le texte que l’on soumet à notre analyse critique. Pour cela, évidemment, il faut lire le texte. Plus de 400 articles, plus de 200 pages et, à 15 jours du référendum, tout le monde ne l’a pas encore reçu. Une occasion de plus de noter la manipulation du "peuple" ; certains d’entre-nous le recevront huit jours avant, peut-être, même, moins (où est le respect des citoyens ?).
Pourtant, ce texte, je l’ai lu, en détail, et rien ne m’a rassuré sur l’Europe à 25 que l’on est en train de construire. Certes, les parties 1 et 2, quoique déjà fortement teintées de libéralisme, ne sont pas dépourvues d’intérêt. Il s’agit des grandes déclarations d’intention, pleines d’emphase et de grandeur. On ne peut pas être totalement contre. Elles justifient, ces deux parties, que depuis 50 ans les peuples d’Europe, las de se déchirer et de se massacrer, aient décidé de construire une communauté d’hommes et de femmes vivant en bonne entente, en bonne intelligence, et dans le respect des croyances et des cultures de chacun, sur un territoire commun qu’ils nomment : Europe.
Mais la partie 3 !... placée dans cet ordre, après les parties 1 et 2, non par hasard ; Car un nombre important de lecteurs, relativement satisfaits, ne poursuivront pas la lecture, au-delà !...
Or, la partie 3 c’est le cauchemar : il n’est question que d’argent, de banques, de liberté des marchés, de libre échange, d’interdiction d’interdire quoi que ce soit en matière de commerce, de service économique d’intérêt général (c’est comme cela qu’ils appellent, soi-disant, les services publics. Mais, qui mesurera le service économique d’un "jardin public", d’un "banc public" ?...). En lisant cette 3ème partie, on se rend compte qu’il s’agit bien de "graver dans le marbre", pour au moins 50 ans (comme le dit M. Valéry Giscard d’Estaing), une politique pour l’Europe ultra-libérale, hyper-libérale. Ce n’est pas "l’idée" que je me fais de l’Europe. Ce ne sont pas les idéaux, les valeurs et les buts que je - en simple citoyen - défends. Mon grand-père et mon père n’ont pas vécu les deux guerres mondiales pour en arriver à cette Europe-là ; à ce texte que l’on nous demande d’approuver, les yeux fermés.
Le "non" doit l’emporter, le 29 mai prochain, il en va de notre avenir et, plus important encore, de l’avenir de nos enfants et de leurs enfants !...
Ainsi, il est primordial de résister et de ne pas se laisser détourner par des discours mensongers qui alimentent les peurs les plus viles. Il nous appartient, ici et maintenant, de considérer les choses à une autre échelle. Nous devons penser et agir simultanément à l’échelle de l’Europe et à l’échelle du Monde.
Par exemple, dans le "libre-échange", largement cité dans la partie 3 du texte, la seule chose de libre, c’est la liberté avec laquelle les entreprises peuvent délocaliser leurs opérations et s’installer dans des pays où les impôts et le coût de la main-d’œuvre sont bas !...
"L’Europe de V.G.E." c’est une Europe inspirée par la mondialisation. En voulons-nous ? La mondialisation, je le rappelle, c’est :

- La dégradation de la démocratie (on l’a vu) où l’influence des citoyens est de plus en plus restreinte ;

- La perte d’autonomie pour les gouvernements, soumis aux volontés de la finance internationale ou des capitaux transnationaux ;

- La déstabilisation économique des pays, assujettis, à tout jamais, à une économie mondiale instable, sur laquelle ils n’ont aucun contrôle ;

- L’urbanisation croissante qui vide les communautés rurales et instaure des quartiers pauvres surpeuplés où se développent : la solitude, l’aliénation, le crime et la violence,...

- L’insécurité alimentaire qui voit les monocultures faire disparaître 75% de la diversité agricole mondiale et les réserves alimentaires placées entre les mains d’une poignée d’entreprises !...

- L’élargissement du fossé entre nantis et démunis, qui fait que la fortune de 350 personnes représente le revenu annuel de 45% des populations les plus pauvres du monde !...

- La dégradation de l’environnement avec, notamment, la diminution de la couche d’ozone et les émissions à "effet de serre" qui provoquent une modification du climat, extrême.

- La multiplication des conflits, de la violence et du terrorisme, avec des dirigeants qui nous entraîne dans une "guerre contre le terrorisme" sans trop savoir comment cela finira.

Tels sont les "valeurs" de la mondialisation. On le voit, comme en 1789, comme aux grands moments de son histoire, le "non de la France !" s’impose, avec force et vigueur. Partout dans le monde, il y a de plus en plus de gens au chômage. Partout dans le monde, les démocraties les plus anciennes s’appauvrissent.
Au lendemain du 29 mai 2005, le "non" doit l’emporter pour que les gouvernements européens ne puissent plus ignorer leurs électeurs !... Une fois encore, ce rôle revient aux Français. Comme au temps de la Révolution française, le monde entier à les yeux braqués sur nous ! Les pays les plus pauvres, les "Terriens d’en-bas", se tournent vers la France. Ne ratons pas ce moment historique où, en disant “non”, nous ferons naître une étincelle d’espoir dans leurs yeux !...
Des luttes, nous en avons gagnées : contre les modifications génétiques des aliments (contre les USA et les industries biotechnologiques), contre l’Accord multilatéral sur l’investissement (l’A.M.I.), contre les normes imposées aux cultures biologiques (que les USA voulaient abaisser), et Seattle, et Gênes (avec la mort d’un jeune homme qui voulait que le monde change), et Johannesburg, et Florence.
Ces exemples montrent que des "citoyens ordinaires" peuvent imposer des modifications de réglementations. Obliger les gouvernements à changer la situation n’est ni impossible ni voué à l’échec, cela exige simplement de prendre conscience du désastre de la situation actuelle, et de refuser de "graver, ce désastre, dans le marbre, pour 50 ans". Pour cela, votons "non".
Avec cet espoir, démocratiquement vôtre.

Robert Intartaglia


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