Analyser le scrutin

Pour un autre modèle social

31 mai 2005

Le “non” majoritaire français au projet de Traité constitutionnel européen exprime le lien, solidement ancré dans les consciences, entre les orientations de la politique européenne et leurs traductions nationales.

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Certains commentaires sur le référendum de dimanche dernier en France et Outre-mer insistent uniquement sur la valeur de “sanction” de la politique gouvernementale exprimée dans le “non”. Ne serait-ce pas une manœuvre de plus de certains qui, à gauche, se sont fourvoyés dans le “oui” pour retirer après coup les dividendes de la victoire du “non” ?
Curieusement, ceux qui disaient avant le scrutin qu’il ne fallait pas “se tromper d’élection” sont aujourd’hui ceux qui produisent des analyses du scrutin à visée intérieure : qui pour demander le départ de Chirac, qui pour évoquer un remaniement ministériel...
Ces remaniements n’auront de sens que s’ils prennent en charge la portée du vote de dimanche : “allez dire aux autres dirigeants européens qu’ils doivent donner un autre visage, un autre projet à l’Europe politique que celui dicté par l’arrogance du libéralisme globalisé”. C’est le nouveau mandat des dirigeants français, étant entendu que, s’ils se font les porteurs de ce message devant la Commission et le Conseil européens, il est possible d’espérer qu’ils en retiendront aussi quelque chose pour leur propre gouverne !

Une seule inspiration

Le “non” de dimanche est un “non” à un modèle social qui, s’il a de multiples traductions et facettes, est d’inspiration unique : la doctrine économique libérale visant à ménager toujours plus de profits, plus d’accumulations à un pôle. Or cela ne peut se faire qu’en appauvrissant ceux qui, à l’autre pôle, sont à l’origine de ces richesses, lorsqu’ils n’en sont pas les laissés pour compte.
Un million d’enfants vivent en France sous le seuil de la pauvreté ! C’est parce qu’elle ne veut pas cultiver l’indifférence à leur égard qu’une majorité de Français a dit “non” à l’Europe des banquiers et des “libres concurrents”.
L’Europe compte vingt millions de chômeurs et feue la “Constitution” n’avait d’égard que pour ceux qui les laissent sur le carreau.
Les dégâts faits en Europe par les délocalisations, la casse des acquis sociaux, le démantèlement des services publics jusqu’à l’anéantissement de la notion même de service public et tous ces pans sociaux démantelés ne sont pas le résultat du hasard. Ils sont inspirés d’une doctrine unique qui étend ses ravages partout dans le monde.

30.000 raisons de dire “non” au quotidien

Pour le triomphe de cette doctrine, 30.000 enfants meurent de faim et de maladie chaque jour. C’est trente mille raisons de dire “non” au quotidien et de vouloir construire, pour l’Europe, un autre modèle social capable de faire un véritable contrepoids dans le monde à une logique aussi barbare.
C’est cela le contenu de la “re-négociation” dont certains annoncent les débuts pour le prochain Sommet européen de juin 2005. Pour prendre date et sans remettre en question la suite de l’agenda des consultations sur le traité. Mais les électeurs qui ont fait la force du “non” ne laisseront pas poser un “cordon sanitaire” autour de la France, comme l’ont déjà laissé entendre MM. Junker et Barroso !
Et la meilleure façon de l’éviter est d’œuvrer dès maintenant à un large rassemblement, y compris avec la plupart de ceux qui, en France, ont voté “oui” avec au cœur les mêmes inquiétudes que les autres citoyens.
Un rassemblement à vocation européenne, comme l’exprimait Marie-George Buffet (PCF) dans ses premiers commentaires du scrutin, dimanche soir. Si des dirigeants socialistes veulent continuer à y voir une source de "désillusions"
et des "incantations sans lendemain" - comme l’a dit hier François Hollande - libre à eux. Au risque de rater encore le prochain rendez-vous populaire...

P. David


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