Réactions, prises de position...

Pour une retraite à 75 ans, avant la Bérézina !

4 mai 2005

(page 5)

Lorsqu’on observe l’actuelle campagne référendaire, on ne peut qu’être frappé par le fait que les partisans du “oui” ont beaucoup plus de mal à défendre leur position que les partisans du “non”. Le “oui” fustige, admoneste, n’exhorte alors que le “non” argumente. Et le “oui” descend, quand le “non” monte.
On l’a bien vu jeudi soir quand Chirac a tenté de convaincre, au-delà de son juvénile auditoire de circonstance, les Français en général et les partisans du “non” en particulier. Nous avons pu assister en direct à la débâcle d’un vieux monsieur incapable de comprendre des jeunes, qui le lui rendent bien.
On a bien compris alors pourquoi le "non", sauf accident, va l’emporter
sur le "oui". En fait, les partisans du “oui” sont coincés parce qu’ils sont incapables d’assumer leur véritable motivation, qui est tout simplement une adhésion naturelle au libéralisme chez les “oui” de droite, plus difficilement assumée, encore heureux, chez les “oui” de gauche. Pour les gens de droite le libéralisme est une seconde nature, pour les gens de gauche il est une fatalité que l’on doit, bon gré mal gré, et dixit un certain Jospin, assumer.

Cette incapacité des partisans du “oui” à assumer leurs convictions était bien visible chez Chirac lors de son dernier talk show. En vieux briscard, habitué des tréteaux depuis cinquante ans, il a voulu nous refaire le coup de la fracture sociale et fustiger l’ultra-libéralisme, tout en passant la main dans le dos des Français franchouillards, attachés aux quelques privilèges qui leur restent encore. Bien entendu, en jouant ce rôle à contre-emploi il s’est placé complètement en porte-à-faux par rapport à son propre camp, car qu’est-ce que l’Europe sinon la fin des nationalités et le règne sans partage de la libre concurrence non faussée, j’ai nommé : le libéralisme.

Ce faisant il mécontente son propre camp et n’a aucune chance de convaincre les partisans du “non” pour deux raisons. Premièrement les Français ont pu se rendre compte, à leurs dépens, de ce que valait réellement la théorie de la fracture sociale chez leur président. Deuxièmement, le libéralisme, les Français nagent dedans depuis que justement Chirac et son fusible usagé, Raffarin, ont entrepris de le mettre en œuvre dans notre pays. Depuis plus de dix ans, Chirac a fait avancer la barque du libéralisme à grands coups de gaffes ! Et franchement les Français n’ont pas aimé, mais alors pas du tout ! À plusieurs reprises déjà ils l’ont fait savoir, haut et fort, mais chaque fois ils n’ont pas été écoutés.

Chirac a tout fait pour qu’on ne parle pas, pendant son dernier show, de la politique intérieure. Et pour cause ! Car elle est une démonstration éclatante de tout le mal que le libéralisme peut faire dans un pays. Une des premières questions posées a porté justement sur la contradiction entre “l’antilibéralisme” affiché de Chirac et la politique plus que libérale de son gouvernement. Notre bonimenteur national en a été déstabilisé pendant un bon moment. Il ne s’attendait pas à celle-là ! Ce qui prouve la nullité de son service de communication, la sienne n’étant plus à démontrer.

Il existe en revanche des gens, plutôt de gauche, qui pensent qu’une autre Europe est possible. Qui ont cru naguère à l’Europe mais qui se sont aperçus que le tour qu’elle prenait était inacceptable. Qui ne veulent plus d’un libéralisme à l’anglo-saxonne, celui dont Bush est le triste héraut, mais appellent de leurs vœux un système où l’État ne serait plus la courroie de transmission du capitalisme financier, mais au contraire le dernier rempart destiné à protéger les défavorisés, à aider les chômeurs, à préparer les jeunes en panne d’avenir etc.
Dans des temps pas si reculés cela s’appelait, je crois, l’État Providence. J’entends d’ici le baron qui pouffe, et Chirac qui crache sa Corona. Je sais bien qu’on ne refait jamais l’histoire, mais par les temps qui courent, on aimerait bien qu’elle bégaie. De toute façon les Français n’accepteront jamais cette société pourrie qu’on veut leur imposer. Au demeurant ce ne sera pas la première fois que notre pays sortira des sentiers battus pour imposer sa "french touch" sur la société de demain. Si cela ne plait pas à Monsieur le Baron, il n’a qu’à émigrer... comme ses ancêtres. La mobilité, que l’Europe réclame à grands cris, ce n’est pas que pour les employés !

En attendant, les résultats de l’entretien de Chirac avec les jeunes ne se sont pas fait attendre. Un sondage effectué après le show nous apprend que, pour la première fois, le “non” a franchi la barre des 56%.

La preuve est faite : le meilleur propagandiste du “non”, devant Raffarin qui n’est pas mal “non” plus, c’est Chirac ! Encore un effort, Messieurs, nous y sommes presque.

Guy Déridet


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