Un an après le rejet du Traité constitutionnel européen

Poursuivre le débat pour une autre Europe

29 mai 2006

Réunis ce week-end près de Vienne en Autriche, les ministres européens des Affaires étrangères ont décidé de prolonger les discussions sur l’avenir des institutions européennes. L’espace de débat ouvert par le refus de la “Constitution Giscard” est toujours d’actualité.

Samedi, plusieurs ministres européens des Affaires étrangères ont reconnu que le traité constitutionnel européen n’est pas prêt d’être relancé. Trois options semblent émerger et sont discutées : ceux qui souhaitent passer en force en imposant malgré le rejet par les urnes dans deux États fondateurs de la Communauté européenne, ceux qui estiment que le traité est enterré du fait du résultat de la consultation populaire, et ceux qui souhaitent améliorer le fonctionnement des institutions européenne en s’appuyant sur les traités déjà ratifiés.
Force est de constater que, un an après le refus de la “Constitution Giscard”, la marche forcée vers une Union européenne livrée à la fameuse concurrence libre et non faussée est enrayée. Si le 29 mai dernier en France, le “oui” l’avait emporté, toutes les questions que se posent actuellement les dirigeants des États-membres de l’Union européenne n’auraient pas lieu d’être, puisqu’elles prennent en considération les résultats des référendum organisés l’an dernier en France et aux Pays-Bas. Ceci explique pourquoi que loin d’être ce que certains décrivent comme un repli, le refus du traité constitutionnel européen proposé le 29 mai 2005 aux électeurs ouvre une période de discussion. C’est une occasion de débattre sur les objectifs que porte la construction de l’Union européenne.

Prolongation

Au lendemain des référendums français et néerlandais, les instances dirigeantes de l’Union européenne se sont imposées une période de réflexion. Les votes négatifs des consultations populaires organisées dans deux États fondateurs de la Communauté marquaient un coup d’arrêt à l’adoption du traité constitutionnel européen. Ce dernier devait en effet être ratifié par les 25 États-membres de l’Union. Or deux d’entre eux manquent déjà à l’appel. De plus, le rejet de la “Constitution Giscard” s’est exprimé à travers deux consultations au suffrage universel direct alors que son adoption dans 15 pays est le résultat essentiellement des votes des parlementaires.
La période de réflexion devait se clore le mois prochain. Réunis sous la présidence autrichienne, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne sont d’avis qu’il ne sert à rien de précipiter les événements. Jusqu’à quand ? Le ministre néerlandais des Affaires étrangères a évoqué samedi un délai supplémentaire "d’un an, par exemple".
Pour sa part, le ministre luxembourgeois Jean Asselborn déclare que les États-membres vont tenter de s’entendre sur "une feuille de route". Celle-ci devrait être débattue au prochain sommet européen les 15 et 16 juin. D’après le représentant du Grand-duché, cette "feuille de route" prévoirait de "travailler sur la substance" d’un "traité de base" à partir de juin 2007, traité qui entrerait en vigueur "pour les élections européennes de 2009". Quant au ministre allemand des Affaires étrangères, il part du principe "que la présidence allemande du premier semestre 2007 se verra confier la mission de mettre au point une proposition substantielle sur la façon de poursuivre le processus de ratification".

Trois tendances débattues

Ces points de vues luxembourgeois et allemands émanent de deux États qui ont ratifié le Traité constitutionnel européen. Ils ne sont pas partagés par tous les membres de l’Union. Pour la chef du gouvernement allemand, Angela Merkel, il faut absolument une Constitution "pour avoir une Europe capable d’agir". Les dirigeants fraîchement élus de ce pays estiment en outre que puisque 15 pays sur 25 ont adopté la “Constitution Giscard”, on ne peut plus revenir dessus.
Pour le gouvernement des Pays-Bas, dont le peuple a voté contre le traité, il ne sert à rien de vouloir le ressortir puisque les urnes ont montré qu’il n’est pas accepté. Cette idée est soutenue par la République tchèque. Son président constate que dans son pays "toutes les forces politiques considèrent que le traité a été pratiquement arrêté". Il est donc inutile d’insister et le chef d’État tchèque affirme que la ratification du traité n’est "plus à l’ordre du jour".
Enfin, un troisième groupe dans lequel se trouve la France estime que l’on peut continuer avec les institutions actuelles, tout en tentant d’améliorer leur fonctionnement. Il évoque une extension de la prise de décision à la majorité qualifiée à la place de l’unanimité dans des domaines tels que la justice ou le social. Mais cela n’est pas sans poser de problème. Cela peut permettre à une majorité qualifiée de gouvernements d’imposer à tous les peuples européens le moins-disant social comme mode de fonctionnement économique. À ce jour, une telle dérive est impossible puisque les décisions se prennent à l’unanimité des 25 États-membres.
Un an après, le débat ouvert par le refus d’une Europe ultra-libérale est toujours d’actualité. Des propositions sont débattues et pendant ce temps, l’Union européenne continue de fonctionner.

Manuel Marchal


Plan B, C ou D ?

Parmi les différents arguments utilisés par les partisans de l’adoption du traité constitutionnel européen, celui du “oui” ou du chaos figurait en bonne place. Certains estimaient que la “Constitution Giscard” était le seul moyen de préserver la cohésion d’une Union européenne passée de 15 à 25 États-membres l’année précédente. Ils affirmaient qu’il n’y avait pas de “plan B” en cas d’échec de la ratification.
Depuis cette campagne électorale, chacun a pu constater que le traité constitutionnel européen n’est pas entré en application. L’Union européenne est toujours composée de 25 États-membres, et les adhésions prochaines de la Roumanie et de la Bulgarie n’ont pas été remises en cause par la suspension de la ratification de la “Constitution Giscard”. Les institutions européennes continuent de fonctionner sur la base des traités déjà en vigueur.
Pour plusieurs pays, le traité constitutionnel européen est mort et enterré, d’autres sont pour l’amélioration du fonctionnement des institutions actuelles. Personne n’estime que nous vivons aujourd’hui le chaos.
Le rejet de la “Constitution Giscard” n’a pas remis en cause l’Union européenne, il a au contraire ouvert la voie à un débat qui se poursuit. La ministre autrichienne des Affaires étrangères a donné comme échéance possible 2009, c’est à dire la date des prochaines élections européennes.
Entamée depuis un an, la période de réflexion va se prolonger encore pendant plusieurs années. Gageons que cela puisse laisser le temps nécessaire à la confrontation des alternatives à un ultra-libéralisme économique que l’on a tenté de graver dans le marbre du texte fondamental de l’Union européenne.

M.M.


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